Nigeria : réélection frauduleuse d’Obasanjo

Dans ce pays le plus peuplé d’Afrique, miné par la pauvreté, la corruption et la violence, Olusegun Obasanjo, le président sortant, a été réélu le 22 avril, après une campagne électorale et un vote marqués par une fraude massive.

Article paru dans l’Egalité n°101

Olusegun Obasanjo a pris le pouvoir lors des élections de 1999, après une période de 28 ans de régime militaire, entrecoupée de 6 coups d’état. Cette soi-disant transition démocratique a en fait mis en place un régime autoritaire, corrompu, au service des compagnies pétrolières occidentales pour exploiter le Nigeria, son peuple et ses ressources. Obasanjo avait déjà dirigé le Nigeria de 1976 à 1979 après un coup d’Etat. Son principal adversaire pour ces élections était un musulman du Nord, Mohammadu Buhari, qui lui aussi avait pris le pouvoir après un coup d’état, de 1983 à 1985 !

Ces élections ont eu lieu dans un climat de violence. Violence d’abord contre les travailleurs nigérians surexploités, que ce soit dans l’industrie (surtout pétrolière), ou dans la fonction publique : attaques contre leurs droits (y compris agressions physiques, menaces et arrestations contre les militants), salaires de misère, sous-équipement des services publics (pannes d’électricité, pénuries d’eau, transports désorganisés et hors de prix pour les salariés, énormes carences des services de santé et d’éducation, privatisations). Violences interethniques et interconfessionnelles ensuite qui voient se développer les affrontements et les émeutes entre le Nord musulman et le Sud réputé chrétien, faisant plus de 10 000 morts depuis 4 ans.

Obasanjo, du PDP (Peoples Democratic Party) obtiendrait donc 61,94% des voix, contre 32,19% à Buhari de l’ANPP (All Nigeria Peoples Party). Seulement 61,94% devrait-on dire, par rapport à l’étendue d’une fraude électorale à la fois massive et grossière. Par exemple, dans l’état de Rivers (Sud-Est) où un mot d’ordre de boycott de ces élections avait été lancé, la participation aurait été de 80%, Obasanjo obtiendrait plus de 90% des voix, alors que presque tous les bureaux de vote sont restés fermés ! La campagne électorale a multiplié l’achat de votes, l’assassinat d’opposants, y compris par l’armée. Mais surtout, comment expliquer ce vote, alors que l’impopularité d’Obasanjo est à son comble, après 4 ans de ressentiments accumulés à son encontre par une population nigériane de plus en plus misérable ? Pendant ce temps, des 15 milliards de dollars annuels dégagés par les ressources pétrolières pour le pays, 80% sont utilisés par l’appareil d’Etat (d’après une étude de la Banque Mondiale), mais en premier lieu pour ses dirigeants actuels.

Car les enjeux politico-économiques au Nigeria sont énormes : c’est le cinquième producteur mondial de pétrole brut, avec des réserves estimées à plus de 23 milliards de barils. Les Etats-Unis cherchent à s’assurer la mainmise sur l’essentiel des réserves mondiales, comme on le voit en Irak et au Venezuela. Ils font actuellement pression sur l’Etat nigérian pour que celui-ci quitte l’OPEP, qui bride sa production quotidienne à 4 millions de barils. Ils ne souhaitaient donc en aucun cas une victoire d’un candidat du nord musulman et antiaméricain.

Nos camarades du DSM ont pu constater que la réélection d’Obasanjo est d’abord révélatrice du manque d’une alternative politique au Nigeria. Les enjeux du scrutin ont d’abord été marqués par les questions ethniques et religieuses, alors que les problèmes sociaux et économiques étaient primordiaux. Les partis des deux grands candidats n’avaient aucun programme politique pouvant, ni même prétendant, résoudre les problèmes du Nigeria. Ils n’ont fait campagne qu’au travers de la fraude et de l’achat de votes, auquel ils ont consacré plusieurs milliards de Nairas (plusieurs millions d’euros). L’instabilité politique du Nigeria n’est en rien résolue après ces élections.

Le DSM (Democratic Socialist Movement), notre section nigériane du CIO, fait partie du NCP (National Conscience Party), parti radical et populaire. Le candidat du NCP a obtenu 0,41% à ces élections présidentielles, et aucun siège aux législatives précédentes. Nos camarades ne sont donc pas encore en mesure d’influer de manière importante sur les orientations politiques au Nigeria. Cependant, les dizaines de milliers de voix obtenues, et surtout des scores de 9 à 14% dans certains quartiers populaires de Lagos montrent l’énorme potentiel de leur travail militant. Ils font tout pour que le NCP devienne le parti de masse démocratique et anticapitaliste dont les travailleurs nigérians ont besoin.

Par Pascal Grimbert