Liverpool 1983-1987 la ville qui a défié Thatcher

Il y a 20 ans la ville de Liverpool élisait un conseil municipal travailliste à une époque où le pays était dirigé par Margaret Thatcher, surnommée « la dame de fer » à cause de la dureté de sa politique ultra libérale. La section du Labour de Liverpool était dirigée par les membres marxistes de la tendance Militant (qui ont créé par la suite le Socialist Party, notre section sœur en Angleterre et Pays de Galles).

Article paru dans l’Egalité n°108

Au début des années 80 les Tories (la droite ultra libérale) menés par Thatcher mettaient en place une politique de coupes budgétaires drastiques, obligeant les conseils municipaux à les répercuter. Ces coupes ont entraîné des milliers de licenciements dans les services publics et particulièrement dans les communes, des privatisations et une augmentation énorme des impôts locaux. C’est à la suite de multiples campagnes contre cette politique que nos camarades (alors membres du Labour Party) ont été élus à la mairie de Liverpool.

Une fois élus, ils ont tenu leurs promesses. Réembauche des 2000 agents municipaux licenciés par la précédente municipalité, lancement d’un programme de construction de 5000 logements sociaux (ce qui a créé 12000 emplois!), augmentation du salaire minimum des agents municipaux (ce qui touchait 4000 travailleurs), diminution du temps de travail de 39 à 35 heures sans perte de salaire. Le rôle des syndicats a été accru, puisqu’ils avaient le pouvoir de décider de la moitié des emplois créés. Cela signifiait s’opposer directement à Thatcher et risquer de grosses amendes ainsi que des poursuites judiciaires (qu’ils ont eues à affronter sur la fin de leur mandat).

En diminuant les budgets des villes, le gouvernement voulait forcer les élus locaux à faire d’énormes coupes et à privatiser certains services communaux. Si la mairie de Liverpool avait suivi ces directives au moins 6000 travailleurs auraient dû être licenciés. Les dirigeants du Labour s’opposaient à Thatcher dans les mots mais disaient à ses élus de rester dans le cadre de la loi. Au lieu d’effectuer les coupes budgétaires, ils augmentaient les impôts locaux, qui touchaient donc aussi gravement les familles populaires. Une faible augmentation des impôts comparable à l’inflation pouvait être acceptable mais pas des augmentations pour compenser les attaques du gouvernement Thatcher. Nos camarades ont donc refusé d’appliquer la politique décidée par le Labour Party. D’autant plus que la municipalité était soutenue par 60% de la population qui était en faveur d’une augmentation des budgets nationaux et 74% qui étaient prêts à se mobiliser pour faire plier Thatcher.

La lutte fut difficile car les 47 élus municipaux avaient à faire face aux menaces de Thatcher d’envoyer l’armée et de démettre le conseil municipal, mais aussi à la gauche traditionnelle (direction du Labour, Parti Communiste de Grande Bretagne) qui refusait de soutenir clairement la mairie et lui mettait même des bâtons dans les roues (refusant par exemple de soutenir l’appel à la grève générale contre le gouvernement Tory!). Pourtant le 29 Mars 1984, jour du vote du budget, 50 000 travailleurs ont défilé dans la rue pour soutenir le conseil municipal de Liverpool. Parallèlement nos camarades ont aussi développé une campagne de soutien nationale et internationale, avec en particulier la grande grève des mineurs, ce qui permit d’obtenir certaines concessions car Thatcher préférait se concentrer sur les mineurs et ne pouvait se permettre de faire face à deux fronts à la fois.

Le tournant décisif de la lutte a été le refus des staliniens à la tête de certains syndicats de mobiliser pour une grève générale en faveur de la mairie en 1985. A la même période les mineurs étaient trahis par les directions syndicales. Nos camarades se sont donc retrouvés seuls à faire face au gouvernement. La direction du Labour profita de cette position de faiblesse pour asséner le coup de grâce et exclure les 47 conseillers municipaux ainsi que des sympathisants de la tendance Militant. Enfin, le gouvernement imposa une amende si énorme qu’elle plonge encore plus dans le rouge le budget de la mairie, et révoque les conseillers de la mairie de Liverpool en 1987.

Cette expérience montre que la classe ouvrière peut défier et faire reculer les classes dirigeantes, avec des tactiques et un programme combatifs. Dans les périodes difficiles, la classe ouvrière a besoin d’un parti ancré dans sa classe, pour pouvoir anticiper les coups bas de ses ennemis et développer les tactiques qui mèneront à la victoire. C’est ce que nous construisons avec le CIO dans 37 pays à travers le monde.

Par Virginie Prégny