Nigeria : le Mouvement socialiste démocratique réaffirme son attachement au marxisme et son orientation vers la classe ouvrière après des mois de débat

L’année dernière, le Comité pour une Internationale ouvrière (CIO/CWI) a connu un intense débat qui a révélé de profondes divergences ayant mené à sa refondation, comme l’a expliqué le texte : « Reconstruire le CIO, leçons et tâches » (en anglais). Depuis la conférence de refondation de juillet 2019, le débat qui a conduit à la scission s’est poursuivi dans certains pays. Au Nigeria, après des débats à tous les niveaux, une réunion spéciale élargie du Comité National du Mouvement socialiste démocratique (DSM) a voté, en octobre dernier, pour rester affilié au CIO et ne pas rejoindre le groupe qui est devenu l’ISA.

Une minorité au sein du DSM s’y est opposée et, vu l’ampleur des divergences, a rapidement commencé à préparer le lancement d’une nouvelle organisation. Ce groupement pro-ISA était assez hétérogène. L’un de ses principaux dirigeants est politiquement proche du régime vénézuélien et, en novembre dernier, il s’est rendu au Venezuela pour y assister à des événements. De manière significative, aucun rapport politique n’a été fait de cette visite malgré le fait qu’à cette époque, ce dirigeant oppositionnel était encore permanent pour le DSM.

Bien que ce groupe d’opposition se soit rapidement organisé, il n’a produit aucun document politique expliquant ses positions. Comme l’explique la déclaration ci-dessous, cela n’a pas été fait malgré la demande répétée du Comité Exécutif du DSM de produire une plate-forme politique qui aurait pu servir à établir les idées politiques de leur fraction dans le cadre des discussions de préparation du Congrès. Leur silence politique est sans doute typique de ISA qui, à ce jour, n’a pas publié les documents politiques qui ont, semble-t-il, été approuvés lors de leur congrès mondial, tenu en janvier dernier.

Étant donné l’ampleur des divergences et le retrait croissant des partisans de ISA des activités du DSM, une scission était inévitable. Le 6 juin, deux membres de ISA ont écrit aux dirigeants du DSM pour leur dire qu’eux-mêmes et un certain nombre d’autres personnes non déclarées quittaient le DSM. Vous trouverez ci-dessous la réponse du Comité exécutif national du Mouvement démocratique socialiste.

“La fraction minoritaire quitte le parti à cause de divergences politiques, mais le DSM reste dévoué aux principes fondamentaux du marxisme.” Déclaration du Comité Exécutif du Democratic Socialist Movement, organisation sœur de la Gauche Révolutionnaire, publiée le 18 juin sur socialistnigeria.org

Une fraction minoritaire jusqu’alors non déclarée, opérant clandestinement, a quitté le Mouvement socialiste démocratique (DSM) sur des questions politiques fondamentales, découlant de divergences irréconciliables sur ce que devrait être l’orientation idéologique correcte d’une organisation socialiste orientée vers la classe ouvrière.

Ils ont maintenant décidé de former une nouvelle organisation appelée Mouvement pour l’Alternative Socialiste (MSA) et affiliée à l’Alternative Socialiste Internationale (ISA) – un groupe d’anciens camarades qui s’est séparé du Comité pour une Internationale des Travailleurs (CIO-CWI) l’année dernière.

Cela a mis fin à plus d’un an de débats intenses au sein du DSM sur les idées et le programme, en particulier sur la question de comment les marxistes interviennent dans la lutte des classes, les politiques identitaires et comment construire une organisation révolutionnaire. Ce débat a lui-même commencé en novembre et décembre 2018 au sein du CIO – l’internationale révolutionnaire à laquelle le DSM est affilié.

Il n’est pas surprenant qu’une dispute idéologique ait éclaté à la veille de ce qui s’est avéré être une crise historique du capitalisme sans précédent. Un nouveau tournant historique conduit parfois à des questions difficiles sur les idées et les programmes par lesquels une organisation révolutionnaire avait jusqu’alors tracé son chemin. C’était la raison d’être du débat qui s’est déroulé au sein du CIO et, par la suite, du DSM.

Malheureusement, au cours du débat, une couche minoritaire de nos membres a soutenu ISA qui justifie et dissimule l’adaptation aux politiques identitaires, le travail inconstant dans les syndicats et l’abaissement de la bannière du socialisme lorsque nous intervenons dans les mouvements interclassistes. Ce caractère opportuniste de ISA a menacé le caractère prolétarien du DSM et son essence en tant qu’organisation trotskyste. En effet, dès sa création, le DSM a été construit sur la reconnaissance de la classe ouvrière comme la seule classe capable de mener d’autres couches opprimées dans un mouvement révolutionnaire pour renverser le capitalisme et transformer la société sur des bases socialistes. Pour que cela se produise, les marxistes doivent mener un travail cohérent et systématique dans les organisations de masse de la classe ouvrière, principalement les syndicats. Dans ce travail, tout comme lors des interventions dans d’autres mouvements, y compris les luttes des femmes, le programme socialiste doit être formulé avec audace et expliqué de manière transitoire, et non pas adouci ou abaissé pour des raisons de prétendue convenance tactique.

En effet, certains des principaux dirigeants de ce groupement ont vu ISA comme un habitat naturel, ayant également suivi une trajectoire opportuniste similaire, prônant la construction du DSM comme une organisation fédéraliste peu structurée, et non comme une organisation révolutionnaire centraliste démocratique. En tant que groupe, ils ont également singé l’opportunisme politique de ISA en protégeant un permanent de l’organisation qui n’a cessé de violer les principes du centralisme démocratique et s’est éloigné du programme et des principes du CIO par une intervention opportuniste et acritique dans les campagnes internationales sur le Venezuela et Cuba. Il a notamment amené la section du DSM qu’il dirigeait à adopter une résolution selon laquelle une telle intervention était une activité exclusive de la section, ce qui signifie que le Comité Exécutif National (CE) du DSM n’avait ni pouvoir ni contrôle sur la manière dont ils intervenaient.

Il est significatif qu’ils n’aient pas produit de plate-forme mettant en avant la base politique de leur groupement, ce que le CE du DSM leur a demandé à plusieurs reprises depuis le début de cette année.

C’est dans ce contexte qu’a eu lieu la séparation avec les partisans de ISA au Nigeria, après un débat démocratique d’un an au cours duquel la majorité des membres ont rejeté leur approche et décidé de continuer à construire le DSM en tant qu’organisation révolutionnaire trotskyste basée sur des principes solides.

Il est évident qu’un certain nombre de sympathisants et de militants trouveront probablement cette évolution triste. Il est toujours regrettable que des organisations révolutionnaires scissionnent. Car vue la tâche colossale de renverser le capitalisme et de transformer la société sur des bases socialistes, c’est une organisation révolutionnaire de masse avec une influence de masse que nous voulons construire. Néanmoins, les idées et le programme, de même que le dévouement à ceux-ci, sont le point de départ et la base de toute activité révolutionnaire. Sans accord sur les principes fondamentaux du marxisme et les méthodes d’intervention, une organisation révolutionnaire ne peut être construite, et encore moins devenir une force de masse.

La pandémie COVID-19 est devenue le déclencheur d’une nouvelle récession économique mondiale dans tous les pays. Cette nouvelle étape de la crise capitaliste offre aux forces du marxisme des possibilités de se développer. Mais les événements ne se dérouleront pas de manière linéaire. Des courants révolutionnaires et contre-révolutionnaires vont probablement se côtoyer. À mesure que la lutte des classes se développera, les rivalités impérialistes, le nationalisme, le racisme et les mouvements dominés par différentes variations des politiques identitaires ou d’autres idées se développeront également.

Dans la situation complexe que pose l’ouverture de cette nouvelle période, le succès d’une organisation révolutionnaire dépendra de la fermeté avec laquelle elle s’en tient à son programme, tout en étant sensible à l’ambiance, mais sans céder aux pressions opportunistes. Malheureusement, à la veille de ce bouleversement, nos ex-camarades ont pris un mauvais tournant en rejoignant une internationale qui justifie la soumission aux politiques identitaires, un travail inconsistant dans les syndicats et un assouplissement du programme qui abaisse la bannière socialiste au moment même où elle doit être brandie avec audace.

Sans nous décourager, nous continuerons à avancer avec ceux qui sont prêts à poursuivre la construction d’un DSM prolétarien et trotskyste. Dans le même temps, le DSM n’exclut pas de collaborer, là où cela s’avère nécessaire, de manière à former un front unique de principe avec le MSA, comme nous le faisons toujours avec toutes les organisations de gauche et ouvrières dans le cadre de campagnes communes, de larges plateformes de gauche et de luttes. Nous espérons que la lutte des classes aidera les meilleurs de nos ex-camarades à surmonter leurs faiblesses actuelles et à renouer avec leurs racines politiques.

Une scission politique signifie que les deux parties sont mises à l’épreuve de la lutte des classes tout en construisant un soutien pour leur programme et leurs organisations. Nous sommes convaincus que le DSM, avec son programme clair et l’expérience de près de 35 ans d’activités propres, répondra aux opportunités et aux défis que cette nouvelle période offrira pour créer le mouvement socialiste nécessaire pour mettre fin aux misères du capitalisme et de l’oppression.

Peluola Adewale

Pour le CE du DSM