Les travailleurs au Nigeria toujours en lutte

La situation politique au Nigeria est très marquée par les grèves générales contre l’augmentation du prix du carburant. L’année 2004 a vu 4 grèves générales sur ce sujet. Pendant que la population lutte quotidiennement pour survivre, toute une clique empoche les profits du pétrole.

Article paru dans l’Egalité n°111

Un rapport de la Banque Mondiale dit que 80% des revenus du pétrole sont accaparés par 1% de la population ! Parallèlement, selon le rapport des Nations Unies sur le développement humain, 80% de la population vit avec moins de 1 dollar par jour, alors que le ministre des finances gagne 247000 dollars par an !

Et pourtant, le gouvernement Obasanjo a mis en place une politique d’augmentation des taxes sur l’essence et le fioul domestique, aggravant encore la situation de la population. En 4 ans, le prix de l’essence et du fioul domestiques a plus que doublé, alors que les salaires baissent (le salaire minimum est inférieur de 300% à son niveau des années 90 !). L’augmentation du prix de l’essence est principalement due à la privatisation de l’industrie pétrolière, décidée sous prétexte que l’entretien des raffineries coûtait trop cher à l’Etat. La conséquence directe a été une augmentation des prix du pétrole qui se répercute directement sur l’industrie manufacturière et les petits commerçants, les transports… On en arrive donc à une situation catastrophique où, bien que le Nigeria soit un des principaux producteurs et exportateurs de pétrole, c’est un pays qui doit importer du pétrole. Le Nigeria est donc un pays riche, comme beaucoup de pays d’Afrique, mais dont les richesses engraissent la bourgeoisie du pays lui -même et les multinationales du pétrole. Le capitalisme ne fait pas que prendre les richesses du Nigeria, il rend même impossible tout développement.

Cependant, le pillage du pays ne se fait pas sans résistance et le gouvernement Obasanjo doit faire face à de nombreuses luttes, principalement sur la question du prix du pétrole. En 4 ans, le Nigeria a connu 6 grèves générales (voir précédents numéros de l’Egalité). La dernière, prévue pour début novembre, a été annulée par la coalition intersyndicale LASCO (Labour-civil Society Coalition) sous prétexte que le gouvernement avait promis de ne pas augmenter le prix du pétrole et d’ouvrir des négociations. En fait, ni l’un ni l’autre ne se sont produits, et cette décision de LASCO est considérée comme une vraie trahison par les travailleurs. Pour preuve, le 16 novembre 2004, jour prévu pour une grève générale illimitée, de nombreux travailleurs ont ignoré la déclaration de LASCO et ne se sont pas rendus sur leurs lieux de travail. L’activité économique n’a commencé qu’au ralentit et vers 12h, ce qui montre à quel point les travailleurs étaient déterminés à ne pas se laisser faire cette fois ci et à se battre jusqu’au bout.

LASCO a annulé cette grève par peur des conséquences politiques. En effet, les précédentes grèves générales n’ayant que ralentit les augmentations sans les stoppées complètement, de nombreux travailleurs ont commencé à comprendre qu’il fallait élargir et renforcer la lutte contre le gouvernement en s’engageant dans une grève illimitée pour forcer le gouvernement à réellement baisser le prix du pétrole. Ce que les dirigeants syndicaux craignent c’est que la grève dépasse cette simple question du prix du pétrole et remette en cause le gouvernement, les forçant ainsi à s’opposer à lui, alors qu’ils n’ont pas de vrais désaccords. La trahison des directions syndicales donne objectivement l’avantage au gouvernement qui continue désormais sa politique neo- libérale et répressive. Il a fait passer une loi interdisant les manifestations et les grèves sur des sujets autres que économiques comme les salaires ou les conditions de travail. Obasanjo sait que la pression monte dans la population. Et les travailleurs nigérians perdent leurs illusions dans les directions syndicales. Cela constitue un cocktail qui mènera certainement à des luttes d’ampleur encore cette année.

Dans toutes les luttes des travailleurs, le Democratic Socialist Movement, notre organisation sœur au Nigeria, joue un rôle central d’organisateur des luttes en leur donnant aussi un caractère politique clairement anticapitaliste. Segun Sango, le secrétaire général du DSM, est membre du bureau exécutif de LASCO, car c’est dans cette structure que se regroupent, notamment à la base, les élements les plus combatifs des travailleurs, malgré les reculs des dirigeants. La situation sociale et politique au Nigeria et l’action de nos camarades là- bas, montrent qu’il est non seulement nécessaire mais possible de construire des luttes en Afrique, et que le seul moyen de dépasser la corruption des dirigeants, la mainmise de l’impérialisme et les divisions ethniques est de construire un mouvement ouvrier fort et indépendant sur un programme clairement anticapitaliste et pour une alternative socialiste.

Par Virginie Prégny