Le matérialisme dialectique

L’origine de la révolution française serait la philosophie des Lumières, avec leurs concepts de Paix, d’Egalité, de Bonheur ! Et certainement pas le fait que la monarchie était devenue un obstacle dans le développement des intérêts de la bourgeoisie. Qui n’a pas eu à avaler de telles fadaises à l’école ?

Article paru dans l’Egalité n°108

Dans sa volonté de domination idéologique la bourgeoisie n’a de cesse de mettre en avant une vision de l’histoire et des rapports sociaux où tout est déterminé par les idées et non par les rapports de l’homme à la matière et les rapports entre les hommes qui en découlent. Ceci constitue un paravent parfait pour faire croire à l’union, autour d’un même intérêt, de l’oppresseur et de l’opprimé. Qu’il est utile de se réunir autour du grand concept de la Raison quand dans le même temps une classe en exploite une autre ! Qu’il a été utile en 1914 de brandir un avatar de la Raison, la Patrie, pour envoyer à la mort en France et en Allemagne des millions de travailleurs pour le plus grand profit des industriels ! C’est dans ce sens que Marx et Engels se sont affrontés à l’idéalisme, et notamment à l’idéalisme historique de Hegel. En corollaire, ils vont élaborer leurs propres outils d’analyse de l’histoire et des sociétés humaines, fondés sur le matérialisme et lisant l’histoire humaine de manière dialectique.

Le marxisme : un matérialisme

Marx va s’inscrire dans la longue tradition des philosophes matérialistes. S’opposant aux tenants de l’idéalisme, ils voient que l’homme se définit dans ses rapports avec le monde et surtout considèrent que celui-ci a une existence indépendante de la pensée humaine. Ce qui se joue dans ces débats, c’est la place de la religion : reconnaître au monde une existence à part entière, être matérialiste, c’est refuser de considérer avec les idéalistes que c’est Dieu qui donne dans l’esprit de l’homme la connaissance du monde.

Mais Marx va dépasser ce premier matérialisme en critiquant sa vision abstraite de l’homme, qui ne prend pas en compte les rapports sociaux, et l’aspect mécaniste de leur théorie qui ne voit que des causes et des effets et non des interactions dialectiques. Le marxisme : une dialectique

Le marxisme est un matérialisme accompli parce qu’il étudie les rapports sociaux et a découvert que la structure politique est soumise à la base économique de la société, c’est à dire la production économique. Pour Marx l’histoire des hommes est fondée sur l’histoire des industries et des échanges économiques. Les dimensions politique et culturelle ne viennent qu’après, en tant que fondement idéologique de la domination de la classe au pouvoir.

Aussi, contrairement aux premiers matérialistes, Marx et Engels voient l’histoire humaine comme un processus dialectique. C’est leur point commun avec l’idéaliste Hegel : l’histoire est perçue comme un mouvement logique et progressif, chacune des situations historiques comportant en elle-même des éléments qui vont la dépasser pour donner lieu à une autre situation. Mais Hegel est un intellectuel au service du pouvoir bourgeois du XIXème, sa théorie dialectique de l’histoire se fait au service du concept abstrait de l’Esprit, dont les progrès seraientt le principe moteur de l’histoire des hommes. Ce qu’exclut de nouveau ce philosophe bourgeois c’est la réalité des rapports économiques qui organisent la société, ce sont les différentes classes de la société qui se différencient par leurs rôles dans la production économique et dont les conflits d’intérêt créent le mouvement de l’histoire. C’est cette nouvelle arme idéologique au service du capitalisme que démontent Marx et Engels, en démontrant de manière scientifique que le moteur de l’histoire ne sont pas des concepts abstraits et bidons mais bien les rapports concrets liés à la production économique et la lutte des classes.

Ainsi la bourgeoisie au pouvoir se sert du prolétariat pour consolider son pouvoir économique et politique, mais en même temps cette exploitation des travailleurs est un élément de renversement du pouvoir de la bourgeoisie.

Et ce n’est pas par sentimentalisme ou relent d’amour chrétien que Marx et Engels ont vu que seul le prolétariat est la classe capable de renverser ce système d’exploitation. Ce n’est pas parce qu’il aurait la  » force morale  » des pauvres, mais parce qu’il n’a aucun intérêt dans le capitalisme, ne possédant aucune partie du capital, n’ayant qu’a vendre sa force de travail. C’est parce que sa place d’opprimé dans la production économique et son rôle pourtant indispensable dans ce processus concret ne peut que l’ amener à renverser le capitalisme pour un système où l’économie serait au service de tous.

Le marxisme n’est donc pas seulement une analyse rétrospective de l’histoire, mais une démarche scientifique analysant les rapports entre les classes sociales. Son terrain est autant le présent et l’avenir que le passé. Aussi, sans faire de Marx une madame Soleil, nous pouvons avoir dans les mains des outils d’analyse qui nous permettent d’analyser et d’anticiper sur la période à venir. Et aujourd’hui si les travailleurs n’ont pas tous conscience de leur rôle en tant que classe amenée à renverser le capitalisme et à créer la société socialiste, les capitalistes, eux, ressentent bien le danger. Aussi, face à la propagande idéaliste bourgeoise, qui aujourd’hui prétend nous faire croire que la lutte des classes n’existe pas ou plus, il est indispensable que la classe ouvrière reprenne l’offensive. Une première étape serait la création d’un nouveau parti des travailleurs, organisé tout d’abord autour du principe de l’indépendance de classe et du refus de la compromission avec la bourgeoisie. Et c’est bien sûr autour du programme socialiste et de la lecture de notre situation historique selon le matérialisme historique et dialectique du marxisme que notre intervention dans un tel parti serait organisée.

Par Geneviève Favre