Le gouvernement au pied du mur

La situation en France change sensiblement depuis le début de l’année 2003. Les réformes et les engagements du gouvernement Raffarin prennent forme, fini les atermoiements et les séductions de la « France d’en-bas ». La confrontation avec les jeunes et les travailleurs devient inévitable.

Article paru dans l’Egalité n°100

A Paris le chômage est à 10,5% soit 1,5% de plus que la moyenne (de l’ANPE !) et plus de 50 000 foyers n’y vivent qu’avec le RMI ! L’effet Sarkozy s’estompe progressivement. L’insécurité dans le travail est la deuxième préoccupation des français après le conflit contre l’Irak. Le masque bonhomme de Raffarin tombe !

Les sondages le soulignent par une chute importante de Raffarin. Retraites attaquées, licenciements des salariés d’Air Lib, conflit avec les employés de la Banque de France, les Aides- éducateurs et les surveillants, fermeture de Métaleurop, Péchiney… et baisse de l’impôt de solidarité sur la fortune ! La gestion politique et les politiques antisociales marquent l’opinion. Sa prestation à la tribune du congrès du Medef en janvier 2003 laisse transparaître le vrai visage de la droite, un soutien sans faille aux intérêts patronaux.

Sur tous les fronts le gouvernement tente de nous serrer la ceinture. La prochaine réforme annoncée pour l’automne concerne la Sécu. Mattéi ministre de la santé annonce déjà « les français sont prêts à accroître leur prise en charge personnelle », en d’autres termes payer plus pour notre santé. Mais pour ouvrir ce dossier chaud, depuis 1995 et Juppé, il faut que le gouvernement s’occupe de celui des retraites, ce printemps.
Le gouvernement français sur la corde raide

Il essaie de consolider ses fondations politiques en structurant l’UMP comme parti du président. Ainsi partout où il le peut Raffarin se fait porte parole de l’UMP pour donner une existence à cette formation formée par le haut.
Des mesures légales comme la réforme des modes de scrutin ont cyniquement souligné cette volonté politique de s’accrocher au pouvoir coûte que coûte. La réforme des scrutins régionaux pousse ainsi à cliver la société en deux, opposant ainsi certainement l’UMP au PS de manière très artificielle. Cette stratégie en dit long sur le soit disant « esprit citoyen » de Chirac au second tour en 2002. Quel autre meilleur moyen de faire renoncer au vote toute une partie de la population : leur « pseudo démocratie » est décidément bien précaire !

Le climat d’instabilité politique ne va pas cesser de croître au long du second trimestre 2003 en raison des plans gouvernementaux, notamment celui des retraites, de la décentralisation et des licenciements. La crise autour de l’Irak renforce ceci et Raffarin de déclarer le 24 février « Nous sommes face à un vrai ralentissement, ceux qui s’imaginent que la tension internationale n’a pas de conséquences se trompent ».
L’enjeu intérieur de la position internationale de Chirac est évident. Il ne peut se permettre d’être va-t-en guerre au moment crucial d’appliquer les politiques patronales et l’austérité. La gauche plurielle avait commencé a être sanctionnée en 2002. Chirac l’a bien noté, tout comme la situation complexe des pays frontaliers. Les gouvernements Berlusconi en Italie et Aznar en Espagne sont rejetés par leur population sur les questions sociales et politiques, les luttes s’y multiplient, il en va de même pour Blair. L’Allemagne avec Schroeder connait une récession et un regain de luttes sans précédent. Chirac essaie d’éviter une situation similaire.

Une situation potentiellement explosive

Des mobilisations massives d’une journée ont eu lieu face à plusieurs chantiers gouvernementaux. Les grands défilés à travers toute la France pour la défense des retraites ont souligné ce phénomène qui emboitait le pas aux mobilisations sectorielles d’EDF GDF puis de l’Education Nationale. L’accueil très combattif fait à Raffarin à Saint Denis de La Réunion fin février par les syndicats et organisations confirment le climat de rejet de la politique gouvernementale. La lutte dans le secteur privé contre les licenciements et fermetures de sites est encore plus disparate que dans le public, certains se battent contre tout licenciement, d’autres essaient de négocier de bonnes primes de départ. Les salariés sont déboussolés et isolés. C’est sur cette réalité que le gouvernement fait marcher à plein les divisions entre salariés.

Organisons la riposte !

Plusieurs questions restent alors en suspens. Il n’y a aucune échéance commune fixée par les syndicats contre cette politique généralisée d’attaques contre la majorité de la population. Le mois d’avril est essentiel sur la question des retraites. Cette bataille mérite beaucoup d’attention, elle peut concentrer le rejet global de la politique de Raffarin et Chirac. Mais pour cela, les syndicats doivent annoncer une grève sur l’âge de départ à la retraite, pour le retour à 37,5 annuités pour tous, privé et public. Ce conflit social est un enjeu pour l’ensemble de la lutte contre ce gouvernement mais aussi un enjeu pour rassembler à nouveau les salariés du privé et du public autour d’une lutte commune. Le renforcement des luttes sectorielles est pourtant incontournable. Il faut retrouver la confiance dans la lutte comme moyen de gagner.
Combattre Raffarin, Sarkozy et Chirac c’est combattre chaque plan de licenciements, chaque mesure d’austérité ou politique sécuritaire ou raciste. Pour cela, une lutte de fond doit s’engager clairement. Les échéances ne manquent pas au niveau national pour construire dans la durée cette lutte.

Les dates du 1er mai et celle de la mobilisation contre le sommet du G8 du 1 au 3 juin doivent être saisies par les salariés et les jeunes en lutte, par les syndicalistes et les militants. Aujourd’hui, les forces du mouvement ouvrier et de la jeunesse ne sont pas construites, ni clairement engagées. Mais il ne faut pas attendre pour engager cette bataille, s’organiser dès maintenant à nos côtés le permet !

Par Leïla Messaoudi