47ème congrès de la CGT

Le précédent congrès, en 99, était riche d’enjeux. Adhésion à la confédération européenne des syndicats (CES, dont seuls FO et la CFDT étaient membres), début de la tactique visant à transformer la CGT en syndicat de « proposition », qui aura vu la CGT signer un nombre important d’accords sur la base de la loi Aubry. C’était aussi la finalisation du passage de pouvoir de Louis Viannet à Bernard Thibault.

Article paru dans l’Egalité n°100

Le bilan syndical est plus que mitigé. Si la fédération commerce a connu une certaine expansion, les autres fédérations ont souvent reculé. Et surtout, les sections syndicales Sud se sont multipliées, souvent en réaction aux carences de la CGT soit en terme de combativité soit en termes de démocratie syndicale.
Le document préparatoire au congrès évite soigneusement tout bilan chiffré de la confédération en terme d’adhérents ou de syndicats de base. Au vu de la participation des salariés aux élections prud’homales (en baisse continuelle) ou du taux de syndicalisation en France (9 % des salariés sont syndiqués), le silence de la direction confédérale montre qu’elle doit malheureusement subir la même érosion.
Le bilan revendicatif est encore plus navrant

Lors du 46ème congrès, la direction a refusé de prendre une position claire par rapport à la loi Aubry. Cette loi a quasiment partout, et notamment dans l’industrie, permis des accords comportant flexibilité, annualisation, gel des salaires etc. Le tout pour très peu d’embauches. Dans le textile, c’est même au niveau de la convention collective que la fédération CGT a signé un accord introduisant de telles attaques. A la SNCF, la direction de la CGT s’est tristement illustrée en refusant de soutenir la grève des agents de conduite contre l’accord sur la réduction du temps de travail qui comportait les mêmes attaques. La grève en question était pourtant animée par de nombreux syndicalistes CGT (les autres syndicats n’y ont, pour la plupart, même pas participé).
Dès lors, le texte d’orientation du 47ème congrès sonne creux lorsqu’il dit « la bataille des 35 h a constitué (…) l’épreuve du feu » et a permis de « dédramatiser la signature d’accords ». Pour tous ceux qui avec la loi Aubry, et d’autres mesures de la Gauche plurielle, se sont retrouvé à travailler le week end, à ne pas savoir leur emploi du temps une semaine à l’avance, à voir leur salaire baisser à cause de l’inflation, la signature d’un accord pourri reste dramatique car cela signifie une aggravation de leurs conditions de travail.
Et quand aujourd’hui le même texte dit que face aux propositions du Medef, la CGT sera “lucide” mais a « décidé d’investir les discussions de manière offensive pour les transformer en exigences de négociation nationale interprofessionnelle sur les revendications des salariés », on craint le pire. Surtout au vu des prises de positions sur les retraites, lorsque la direction de la CGT a mis complètement de côté la question des 37,5 annuités pour tous.

Changement de discours…mais pas de méthode

Les retraites sont même le grand absent de ce texte où on chercherait une ligne revendicative claire et la proposition d’actions : journée de manifestation, puis grèves autour d’un objectif : la défense des retraites par répartition, et d’une retraite pleine et entière après 37,5 annuités pour tous, à 60 ans maxi et vers les 55 ans. Pour cela nul besoin d’aller causer dans les salons sans aucun rapport de force. La première tâche des militants CGT c’est d’exiger des dirigeants qu’ils quittent ces pseudo négociations et n’y retournent que pour forcer le patronat et le gouvernement à accepter les revendications issues des luttes.
Et c’est la même chose sur les licenciements, ou les services publics. Le texte de congrès parle de « bâtir une alternative au licenciement ». Alors que ce que doit faire, et ce que peut faire la CGT, c’est organiser la lutte contre les licenciements, pour les empêcher ou les faire payer le plus cher possible aux patrons en organisant des actions conjointes entre entreprise subissant de tels plans : blocages le même jour etc. Chaque jour, l’action de milliers de militants de la CGT (ACT Angers, MetalEurope, ViaSystems…) trace une telle orientation, lorsqu’ils se battent contre les licenciements, l’aggravation des conditions de travail etc. La CGT reste le principal syndicat de lutte, comme l’a montré la journée de manifestation du premier février, où la CGT représentait à chaque fois plus de 50 % des cortèges, avec la plupart du temps les revendications citées plus haut.

L’émergence de syndicats comme SUD est directement liée à cette perte de combativité dans l’orientation imposée par la direction, de même que les méthodes assez bureaucratiques avec laquelle cette perte est imposée.
Au lieu de réfléchir à cela, on assiste à la multiplication des formules ou à un terrible recul sur la question de l’indépendance par rapport aux partis. Désormais tous les partis deviendraient égaux en tant qu’interlocuteurs. Exit le fait que les partis de droite sont les partis de la bourgeoisie, et que ceux de gauche ont mené une politique pour le patronat.

Derrière cette pseudo indépendance, c’est l’indépendance de classe qui est attaquée en fait. La véritable question de l’indépendance, c’est celle que les travailleurs acquièrent en constituant leurs propres organisations, y compris et surtout un nouveau parti des travailleurs qui défende réellement leurs intérêts. En Grande Bretagne, de plus en plus de sections syndicales se désaffilient du New Labour de Blair, et commencent à participer au débat sur la création d’un nouveau parti.

En France, les militants de la CGT devraient être à la pointe d’un tel débat. Le combat est donc double et entièrement lié : il faut maintenir un syndicalisme de lutte, et non un pseudo-syndicalisme de proposition qui nous rend toujours perdants face aux patrons, et il faut redonner aux travailleurs confiance en eux-mêmes et dans leur lutte, dans leur capacité à construire un instrument politique, un nouveau parti, qui pourra être une arme pour en finir avec le capitalisme et l’exploitation.
C’est la tâche des révolutionnaires aujourd’hui dans les syndicats, et surtout dans la CGT qui est le plus important syndicat qui conserve encore d’énormes traditions de lutte, à sa base surtout. Cela demandera du temps, et surtout un travail sur le terrain, et les batailles actuelles sur les licenciements et les retraites fournissent d’importantes occasions de ne pas laisser la CGT à ceux qui rêvent de diriger CFDT bis.

Par Alex Rouilllard et Sylvain Bled