Le 11 septembre et la « guerre contre le terrorisme » vingt ans après

Le 11 septembre 2001, les tristement célèbres attentats terroristes perpétrés par Al-Qaïda sur le sol américain ont incité le président américain de l’époque, George W. Bush, et le Premier ministre britannique, Tony Blair, à lancer une invasion militaire occidentale et à occuper l’Afghanistan. L’objectif déclaré était d’éliminer le régime des Talibans qui abritait des bases d’Al-Qaïda.

Pourtant, après 20 ans d’occupation, dans une ironie historique désastreuse, les talibans sont de retour au pouvoir et les kamikazes de l’État islamique ont déjà tué plus de 100 personnes, dont 13 militaires américains – la journée la plus meurtrière pour l’armée américaine en Afghanistan depuis 2011.

Alistair Tice (Socialist Party, organisation sœur de la Gauche Révolutionnaire en Angleterre et Pays de Galles) examine les événements du 11 septembre et les leçons à en tirer pour le mouvement ouvrier d’aujourd’hui.

Le 11 septembre 2001, appelé plus tard 11/9, Al-Qaïda a mené l’attaque terroriste la plus spectaculaire de l’histoire. Ce matin-là, 19 agents d’Al-Qaïda ont détourné quatre avions de ligne sur des vols intérieurs américains. Deux d’entre eux s’écrasent sur les emblématiques tours jumelles du World Trade Centre à New York, le cœur du système financier américain. En deux heures, les deux tours se sont complètement effondrées.

Un troisième avion s’est écrasé sur le côté du bâtiment du Pentagone, siège de l’armée américaine. Dans le quatrième avion, qui devait probablement frapper le Capitole à Washington DC, siège du Congrès américain, les passagers ont affronté les pirates de l’air et l’avion s’est écrasé dans un champ.

Au total, 2 997 personnes ont été tuées, dont 33 membres d’équipage, les 213 passagers, 340 pompiers et 72 policiers, et plus de 2 000 employés des tours jumelles, pour la plupart des employés de bureau. Plus de 6 000 personnes ont été blessées.

Il s’agissait de la première attaque contre le continent américain depuis la guerre de 1812-1814 avec la Grande-Bretagne, et elle a fait plus de victimes que l’attaque japonaise contre la base navale de Pearl Harbor à Honolulu en 1941.

Le 11 septembre a ébranlé la prétendue invincibilité de l’impérialisme américain, d’autant plus qu’il a pris ses services de renseignement et de sécurité au dépourvu. Mais les graines avaient été plantées au moins 20 ans plus tôt.

Au cours de la dernière décennie de la guerre froide (1981-1991, NdT), l’Union soviétique stalinienne a envahi l’Afghanistan en décembre 1979 pour soutenir le régime pro-Moscou, qui était confronté à une vaste insurrection rurale menée par les moudjahidines, financés et entraînés par la Central Intelligence Agency (CIA) américaine via l’agence pakistanaise Inter-Services Intelligence.

Oussama Ben Laden, membre d’une très riche famille d’hommes d’affaires proche de la famille royale saoudienne et membre de la secte islamique fondamentaliste Wahhabite, a financé et formé des djihadistes arabes pour qu’ils se rendent en Afghanistan avec les moudjahidines combattre les « communistes ».

Finalement, les troupes soviétiques se sont retirées en 1989 et le régime pro-Moscou s’est effondré, entraînant une guerre civile entre les chefs de guerre moudjahidines rivaux.

D’autres anciens chefs moudjahidines, dont le mollah Mohammed Omar, ont fondé les Talibans (qui signifie « étudiant » en arabe), qui ont mobilisé les étudiants islamiques des séminaires religieux, les madrassas, à la frontière pakistanaise.

Les Talibans ont vaincu les seigneurs de guerre afghans basés sur leurs ethnies, et ont pris le pouvoir avec le soutien populaire pour rétablir une paix et une sécurité relatives, mais fondées sur le code tribal pachtoune traditionnel et leur version austère et répressive de la charia. En 1996, ils ont proclamé l’Émirat islamique d’Afghanistan et, en 2000, ils contrôlaient 90 % du pays.

Ben Laden a soutenu les talibans (qui n’étaient pas initialement hostiles aux États-Unis, puisqu’ils cherchaient en fait à être reconnus par les États-Unis et avaient engagé des pourparlers avec une société énergétique américaine), mais en 1988, il a formé ses combattants arabes afghans au sein d’Al-Qaïda (qui signifie « base » en arabe), s’engageant à poursuivre le djihad dans le monde entier.

Après avoir établi une nouvelle base d’entraînement en Afghanistan, il a déclaré la guerre aux États-Unis en raison de la présence de leurs troupes sur le « sol islamique » en Arabie Saoudite, de leur soutien à Israël contre les Palestiniens et des sanctions américaines contre l’Irak.

Les cellules d’Al-Qaida ont lancé une série d’attentats à la bombe et d’attaques connexes dans différents pays, notamment les attaques de 1998 contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya, qui ont fait 200 morts.

Terrorisme

Puis vint le 11 septembre, dont Ben Laden a d’abord nié la responsabilité, mais dont Al-Qaïda a ensuite revendiqué l’organisation.

Les marxistes se sont toujours opposés aux actes de « terrorisme individuel », même lorsque les cibles sont des membres ou des représentants des classes dirigeantes ou de l’État. La raison en est que, en tant que socialistes révolutionnaires, nous voulons renverser le système capitaliste dans son ensemble, et pas seulement éliminer des individus qui peuvent être remplacés.

Et de tels actes, au mieux, réduisent le rôle des masses à celui de spectateurs de leurs « libérateurs » autoproclamés. Cela réduit la conscience de classe quant à la nécessité d’une action collective et de masse contre le système, seul moyen de renverser le capitalisme.

En outre, ces actions terroristes sont totalement contre-productives. Elles font le jeu de la classe dirigeante et de l’État, qui exploitent la répulsion des gens face à la violence et aux meurtres pour justifier des lois et des actions plus répressives.

Ces mesures sont ensuite utilisées non seulement contre les terroristes présumés, mais généralement contre les personnes mêmes que les actes terroristes sont censés libérer.

Les attentats du 11 septembre d’Al-Qaïda ont été perpétrés par de petits groupes exerçant une terreur de masse. En ciblant les symboles de la puissance économique et militaire de l’impérialisme américain, ils ont tué et blessé sans discernement des milliers d’innocents.

La vague mondiale d’horreur suscitée par ces actes a permis à un président américain très impopulaire, George W. Bush, d’obtenir dans un premier temps un soutien populaire massif pour sa « guerre contre le terrorisme ».

Elle a permis à son administration d’adopter des lois restreignant les droits civils et démocratiques aux États-Unis. Des lois restrictives similaires ont été adoptées par les gouvernements au Royaume-Uni, en France et ailleurs. Ce climat a entraîné une augmentation considérable des abus islamophobes, de la violence et des attaques terroristes d’extrême droite contre les musulmans, ceux-là même qu’Al-Qaïda prétendait représenter.

Le Socialist Party et le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO – l’organisation internationale à laquelle le Socialist Party et la Gauche Révolutionnaire sont affiliés) ont condamné les attentats du 11 septembre. Mais, en aucun cas, nous n’avons apporté notre soutien à la réaction hypocrite et opportuniste de Bush, Blair et d’autres dirigeants occidentaux.

Ce sont précisément leurs actions impérialistes et discriminatoires à l’intérieur et à l’extérieur du pays, en particulier au Moyen-Orient, qui ont créé le terrain fertile sur lequel Al-Qaïda et d’autres groupes de ce type ont trouvé un soutien.

2001 n’était qu’une décennie après l’effondrement du stalinisme, lorsque le capitalisme a été restauré dans l’ex-Union Soviétique et en Europe de l’Est, qui reposaient auparavant sur des économies nationalisées mais souffraient de dictatures à parti unique et de mauvaise gestion bureaucratique.

L’Occident capitaliste a triomphé : « Le communisme s’est effondré, le socialisme a échoué, la démocratie libérale est le seul système » ont-ils jubilé.

Les États-Unis restent alors la seule superpuissance économique et militaire mondiale. Le président George Bush senior proclame un « nouveau siècle américain ». En 1991, il a remporté une victoire militaire rapide lors de la première guerre du Golfe contre l’ancien dictateur irakien Saddam Hussein, précédemment soutenu par les États-Unis, qui avait tenté d’assouvir ses ambitions de puissance régionale en envahissant le Koweït voisin.

Le 11 septembre a donc été un coup dur pour le prestige des États-Unis, qui devait être vengé. En lançant la « guerre contre le terrorisme », le président George W. Bush a déclaré : « Notre ennemi est un réseau radical de terroristes et tout gouvernement qui les soutient ». Cela a placé l’Irak de Saddam et la République islamique d’Iran dans le collimateur de l’armée américaine.

Aucun des 19 agents d’Al-Qaïda n’était originaire d’Irak, d’Iran ou d’Afghanistan (15 étaient originaires de l’Arabie saoudite, riche en pétrole et proche alliée des États-Unis). Bush a justifié le bombardement et l’occupation de l’Afghanistan par le fait que les talibans ne voulaient pas abandonner Oussama ben Laden, qui s’y terrait.

La puissance de feu écrasante de la coalition américano-britannique a permis une victoire militaire rapide et l’installation d’un président pro-occidental soutenu par les États-Unis, M. Karzai. Les talibans ont été écartés du pouvoir et se sont retirés dans les zones rurales et frontalières du Pakistan, d’où ils ont lancé une insurrection contre les forces d’occupation et le gouvernement afghan fantoche.

Malgré ses 120 000 soldats, la coalition américano-britannique n’a pas pu supprimer les talibans, ce qui a contraint les présidents américains, d’abord Barack Obama, puis Donald Trump, à négocier avec eux.

Trump, ignorant le régime de Ghani en Afghanistan, a conclu un accord avec les talibans pour que les USA quittent le pays avant le 31 mai. Le président américain actuel, Joe Biden, a prolongé le délai jusqu’au 31 août, mais il est maintenant attaqué par ses amis et ennemis politiques pour sa gestion du départ chaotique du pays.

Invasion de l’Irak

Fort du succès militaire initial en Afghanistan, George W. Bush a rapidement tourné l’attention de l’impérialisme américain vers l’Irak, riche en pétrole, où Saddam Hussein était resté au pouvoir malgré sa défaite lors de la première guerre du Golfe et une décennie de sanctions paralysantes imposées par les Nations unies.

L’invasion américano-britannique de l’Irak en 2003 a été justifiée par Bush et Blair comme faisant partie de la « guerre contre le terrorisme ». Elle reposait sur le mensonge selon lequel Saddam détenait des « armes de destruction massive » (ADM) et sur le fait qu’il aurait hébergé des terroristes d’Al-Qaïda. Mais les ADM n’ont jamais été trouvées et Al-Qaïda et sa ramification, l’État islamique, existaient à peine en Irak avant l’occupation américaine.

Une guerre éclair américaine, « shock and awe » (choc et effroi), a conduit à une autre victoire militaire rapide, renversant Saddam Hussein. Bush, à bord du porte-avions USS Abraham Lincoln, a déclaré « Mission accomplie » !

Mais la vacance du pouvoir qui s’ensuit après le démantèlement par les États-Unis de l’appareil d’État de Saddam, dominé par les sunnites, entraîne une longue insurrection contre les forces d’occupation de la coalition américano-britannique, ainsi que des affrontements sectaires entre la majorité chiite et la minorité sunnite précédemment dominante.

En outre, l’opposition à l’occupation, tant aux États-Unis qu’au Royaume-Uni, a augmenté au fur et à mesure que les pertes de troupes s’accumulaient pour une guerre ingagnable basée sur des mensonges, la sécurisation du pétrole et d’autres objectifs géopolitiques.

Biden a confirmé que toutes les troupes de combat américaines se retireront d’Irak d’ici la fin de l’année 2021, ainsi que d’Afghanistan, ce qui constitue un autre recul humiliant d’une guerre désastreuse.

L’émergence de l’État islamique

L’État islamique (EI) est né d’une ramification d’Al-Qaïda visant à établir un califat islamique basé sur les sunnites. Exploitant l’aliénation et les craintes des sunnites irakiens contre le gouvernement chiite Maliki soutenu par les États-Unis, l’EI a balayé le nord de l’Irak à l’été 2014, s’emparant de la deuxième ville du pays, Mossoul.

Au même moment, dans la Syrie voisine, un soulèvement populaire contre le dictateur Bashar al-Assad – qui faisait initialement partie du mouvement du « printemps arabe » – a dégénéré en une longue guerre civile sectaire, avec des atrocités des deux côtés.

À son apogée, « l’État islamique d’Irak et du Levant » (EIIL ou Daesh) contrôlait 10 millions de personnes sur 40 % de l’Irak et un tiers de la Syrie. Utilisant des méthodes barbares contre tous les opposants, y compris la décapitation publique d’otages occidentaux, Daesh menaçait de faire éclater complètement l’Irak, la Syrie et au-delà.

En raison de l’opposition publique dans le pays et dans tout le Moyen-Orient après les désastres de la guerre en Afghanistan et en Irak, l’impérialisme américain n’a pas osé mettre davantage de « bottes sur le terrain » et n’a pu compter que sur des forces par procuration et des frappes aériennes, qui n’ont pas suffi à déloger complètement Daesh.

En outre, l’administration américaine était impuissante à empêcher le renforcement des ennemis mondiaux et régionaux, la Russie et l’Iran.

Leçons

L’impérialisme américain s’est d’abord renforcé après les attentats du 11 septembre, en exploitant les possibilités de surmonter le « syndrome du Vietnam » (défaite humiliante dans la guerre du Vietnam, qui a empêché les États-Unis d’intervenir directement ailleurs) et de démontrer sa « pleine domination globale ».

Mais 20 ans plus tard, les guerres désastreuses en Afghanistan et en Irak ont affaibli le capitalisme américain sur le plan économique, militaire, diplomatique, réduisant ses sphères d’influence. Si les États-Unis restent la plus forte puissance capitaliste au monde, ils sont en déclin relatif et sont contestés au niveau régional et mondial dans un monde de plus en plus multipolaire.

La montée en puissance de la Chine a contraint l’impérialisme américain à orienter sa politique étrangère vers l’Indo-Pacifique pour tenter de contrer l’influence de la Chine. Cela risque d’entraîner davantage d’affrontements locaux et de conflits par procuration dans cette région.

Al-Qaïda n’a pas été en mesure de répéter une autre attaque terroriste à l’échelle du 11 septembre, et Oussama ben-Laden a été assassiné par l’administration Obama en 2011.

Le califat islamique de Daesh a été territorialement démantelé en 2019. Mais comme le montre la résurgence rapide des talibans et l’attentat à la bombe de l’aéroport de Kaboul, si le mouvement ouvrier ne construit pas ou ne fournit pas d’organisation et de direction, alors l’impérialisme, la pauvreté et la division alimenteront la réémergence d’Al-Qaïda et de l’État islamique ou de groupes et d’individus inspirés par eux, comme Boko Haram au Nigeria et Al-Shabab au Mozambique.

Les États-Unis mènent actuellement des activités « antiterroristes » dans 85 pays, ce qui montre que leur « guerre contre le terrorisme » a propagé le terrorisme au lieu de le vaincre.

L’institut américain Watson pour les affaires internationales et publiques calcule qu’au moins 800 000 personnes (dont 500 000 civils) ont été tuées par la violence militaire directe en Afghanistan, en Irak, en Syrie et au Yémen, et que de vastes régions de ces pays ainsi que de Gaza, de la Libye et de la Somalie ont été réduites en ruines. Les guerres menées par les États-Unis après le 11 septembre ont entraîné le déplacement de 37 millions de personnes, soit à l’intérieur du pays, soit en tant que réfugiés.

La fin de la guerre froide il y a 30 ans n’a pas apporté la paix et la sécurité mondiales annoncées par l’Occident triomphaliste. L’instabilité mondiale, surtout depuis le 11 septembre, est plus grande que jamais depuis la Première Guerre mondiale.

En 1915, la grande révolutionnaire socialiste Rosa Luxemburg a déclaré que l’humanité était confrontée à un avenir de « socialisme ou de barbarie ». Aujourd’hui, la barbarie sévit dans de nombreuses régions du monde.

Pourtant, les ressources existent pour le socialisme. Imaginez que les 6 000 milliards de dollars dépensés par les États-Unis en guerres et en occupations au cours des 20 dernières années aient été consacrés à l’eau potable, aux installations sanitaires, au logement, à la santé et à l’éducation. Comment la vie de millions de personnes aurait été transformée !

Et dans la mort, la destruction et la misère qui règnent dans le monde capitaliste, nous avons vu l’espoir de l’avenir dans le plus grand événement de protestation de l’histoire de l’humanité, les manifestations anti-guerre dans le monde entier en février 2003, lorsque des dizaines de millions de personnes ont défilé dans 800 villes. Si ces mouvements avaient englobé le mouvement des travailleurs dans une lutte pour le changement socialiste, les guerres auraient pu être arrêtées et une paix durable et prospère aurait pu être instaurée.

Néanmoins, le mouvement anti-guerre a alimenté les mouvements anticapitalistes et, par la suite, les mouvements pour le changement climatique mondial, les manifestations des femmes et de Black Lives Matter, radicalisant une génération de jeunes vers les idées socialistes.

Et le « printemps arabe de 2011 », lorsque des mouvements et des actions de masse ont renversé des régimes dictatoriaux en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, a montré où se trouve le véritable pouvoir potentiel de la société, non pas dans les petits groupes terroristes qui n’ont joué aucun rôle dans ces soulèvements, mais dans la classe ouvrière et la jeunesse.

Même dans un Irak déchiré par la guerre civile, un Liban divisé et un Iran répressif, des manifestations antigouvernementales sans sectarisme religieux sectaires ont éclaté au cours des trois dernières années, renversant présidents et premiers ministres.

Mais pour réussir, ces mouvements ont besoin d’une organisation indépendante de la classe ouvrière et de politiques et d’une direction socialistes révolutionnaires, afin de garantir que, dans les 20 prochaines années, le capitalisme et le terrorisme seront éradiqués et remplacés par un monde socialiste libéré de la guerre, de la pauvreté et de l’oppression.