La Poste : refusons la mise à mort d’un service public !

2023 marque la nouvelle planification industrielle et économique de La Poste qui s’achèvera en 2030 et commence avec le lancement de la Nouvelle Gamme Courrier (NGC) se traduisant entre autres par la disparition du célèbre timbre rouge.

Fin d’un symbole

L’ensemble des médias bourgeois nous ont annoncé le 1° janvier de cette année la décision de La Poste de supprimer le timbre rouge, remplacé par la e-lettre rouge. Et ils n’y sont pas allé de main morte : vieux films noir&blanc montrant des facteurs en uniforme, casquette réglementaire vissée sur le crane, les commentaires nasillards d’un journaliste exalté et le tout sur fond d’accordéon. Bref, le timbre rouge c’est du passé, c’est désuet, ceux qui y sont encore attachés sont des ringards et vive la révolution numérique !
Ce qu’ils ne disent pas c’est qu’au-delà du symbole, la e-lettre rouge est plus lente car distribuée en J+2 et plus chère. Autre omission et pas des moindres : l’organisation entière de La Poste reposait sur ce timbre rouge distribué en J+1 et conditionnait sa structuration dont l’efficacité était redoutable. Avec le J+2 voire le J+3 dans la plupart des cas, c’est la fin du service public postal du tri, de l’acheminement et de la distribution, de tout ce qui faisait la qualité de ce service, au profit d’une baisse des coûts de production et de la rentabilité financière.

Des vies de postier-es bouleversées

Les conséquences sont énormes pour les postier-es tant à la production que parmi l’encadrement et les cadres supérieurs. Ces derniers sont soumis à une clause de confidentialité concernant la NGC. Ils ne peuvent donc s’en défendre collectivement et doivent en toute discrétion organiser la dégradation de leurs propres conditions de travail. Les risques psycho-sociaux et les burn-out touchent déjà cette catégorie de personnel.

Premier service à être impacté le Tri et Acheminement, la face cachée de La Poste mais le cœur du J+1, ceux qui travaillaient toute la nuit pour que les facteurs distribuent dans la journée le courrier collecté la veille.
Avec le J+2 la nécessité de travailler la nuit disparaît. Les horaires d’arrivée et départ du courrier sont modifiés et le travail de minuit à 6h du matin supprimé. Les salaires de nuit n’ont plus lieu d’être et les agents subissent une baisse de leur revenu, toutes catégories confondues. Quant à l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, compliqué pour ces agents nuiteux, tout est à revoir. Pareil avec l’abandon de l’acheminement par avion. Les PIC (Plateforme Industrielle Courrier=les anciens centre de tri) situées dans les aéroports disparaissent et des centaines de travailleurs doivent se déplacer là où elles existent encore et revoir leur vie ou démissionner. Des milliers de postes de travail sont ici peu à peu supprimés.
Tous ces travailleurs sont donc basculés en jour où l’augmentation de la mécanisation qui réduit le tri fin manuel, la régulation des flux courriers sur une semaine au lieu d’une nuit et leur massification induisent un accroissement de la flexibilité des agents, des suppressions de postes et des baisses d’effectifs. Sans parler des tâches de plus en plus pénibles où le port de charges lourdes sont fréquentes, voyant les TMS (troubles musculo-squelettiques) et les inaptitudes se développer.
En interne, les négociations avec les organisations syndicales ont lieu PIC par PIC . C’est la fin d’une politique nationale et donc de l’équité sur tout le territoire que garantissait le service public.

La Distribution subit de plein fouet ces restructurations organisationnelles en PIC où le courrier est régulé et massifié. Le tri du matin effectué par chaque facteur est mécanisé en PIC. Ainsi son travail à l’abri et au chaud est réduit tandis que sa tournée, soumise aux caprices météo et routiers est rallongée. Pour 3 tournées rallongées c’est un poste de facteur en moins. Les effectifs de titulaires fondent à vue d’œil.
Pourtant la charge de travail augmente. En effet, trois autres paramètres sont à prendre en compte. L’augmentation massive du flux colis qui s’est encore intensifiée depuis la crise Covid19 mais que La Poste minimise à peu près aussi farouchement qu’elle exagère la baisse de trafic courrier. La Poste favorise clairement le e-commerce en priorisant la distribution des colis devant tout autre objet, au mépris de son engagement envers l’État qui l’oblige à distribuer quotidiennement la presse nationale.
Le facteur devient peu à peu un simple livreur. Sa tournée est modifiée au gré des absences que La Poste ne souhaite pas remplacer. Il perd tout sens de son travail, notamment le rôle social qu’il entretenait avec la population que garantissait les titulaires de quartier de distribution.
Second paramètre : la révolution numérique. Avec cette dernière, des tâches dévolues à d’autres services incombent maintenant aux facteurs comme la mise à jour des données issues du terrain (nouvelles adresses par exemple). La prise en charge des objets sécurisés tels que les lettres recommandées ou suivies, les colis contre-remboursement ou les taxes de douane sont sous la responsabilité du facteur d’un bout à l’autre de la chaîne par le biais de leur téléphone professionnel.
En d’autre termes des services entiers, invisibles du grand public, disparaissent progressivement et avec eux toutes les suppressions de postes que cela impliquent tandis que les tâches et responsabilités afférentes retombent sur le dos des facteurs, sans que ces nouvelles qualifications ne soient reconnues.

Pour le même salaire de misère donc !

Enfin, les équipes autonomes de facteurs où les tâches de management de proximité comme gérer une absence inopinée, les tableaux de congés ou de temps partiel, le parc des véhicules, le déneigement en zones de montagne ou remplir la cuve à fuel pour le chauffage, etc., se font par les facteurs eux-mêmes. Plus de responsabilités donc, sans augmentation de salaires bien-sûr mais des sanctions si les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous. Couvrez-vous les gars/les filles ça va pleuvoir !
Les suppressions de postes à gogo vont induire des suppressions de sites de distribution avec des regroupements d’établissements comme c’est déjà le cas par exemple dans les Alpes de Hautes Provence (04) ou les Hautes Alpes (05). Digne et Manosque ou Gap et Briançon étaient les établissements regroupant tous les sites de distribution pour ces 2 départements. Depuis un an restent Digne pour le 04 et Gap pour le 05. Les effectifs de l’encadrement et des cadres supérieurs ont été divisés par 2 et pour ceux qui restent les kilomètres ont été augmentés d’autant. L’écologie selon La Poste…

Une politique environnementale désastreuse

La e-lettre rouge, objet dématérialisé en un point A pour être distribuée physiquement, sous forme papier à un point B, fait appel aux data-centers, gourmands en électricité qui les font fonctionner et en eau pour les refroidir. De nombreuses études ont depuis quelques années déjà démontré que la filière papier est beaucoup moins dispendieuse en ces deux ressources.
Le courrier en J+1 ne passe plus par les avions, même s’il profitait de la soute des vols passagers. Seulement ce courrier en J+1 était acheminé par les mêmes avions que les chronopostes ; colis qui sont toujours à distribuer en J+1 et transitent donc toujours en avions chaque nuit. Bilan des courses : toujours autant d’avions utilisés et des myriades de poids-lourds sur les routes pour acheminer le courrier dans les centres de distribution. Pas un seul instant les dirigeants de La Poste n’ont évoqué la solution écologique du train pour se passer du tout camion !
Bien entendu ces 2 points deviennent hors sujet lors de l’étude du bilan RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) de La Poste. Les grands dirigeants tels Philippe Dorge, Directeur Général Adjoint en charge de la Branche Services-Courrier-Colis, se targuent alors d’une politique responsable conforme aux grands enjeux écologiques du moment et blablabla.
C’est une escroquerie pour les 2 raisons évoquées précédemment mais aussi parce que les fermetures de sites de distribution ainsi que celles des bureaux de Poste qui se poursuivent depuis 15 ans imposent aux agents ainsi qu’aux usagers des déplacements plus importants. Ces derniers ne sont pas étudiés dans la RSE de l’entreprise. Pas plus que ne l’est la main tendue aux géants du e-commerce.

Et les usagers dans tout ça ?

Avec la NGC, malgré le maintien de la péréquation tarifaire et du service unique toute distance, ce qu’il perdent en qualité de service est maintenant plus chère : e-lettre rouge, timbre vert qui passe du J+2 en J+3, lettre suivie ou recommandée, etc. L’écopli n’existe plus pour les particuliers mais est maintenu pour les entreprises. L’égalité de traitement garanti par le service public disparaît ici.
Les usagers ne disposant pas d’internet doivent se déplacer en bureau de poste, même pour compléter un affranchissement car les bureaux de tabac ne sont plus fournis en timbres.
Quant au facteur, la question n’est plus de savoir s’il est passé, mais s’il s’est arrêté… ce n’est le cas que si l’usager a un colis ou de la presse nationale. Sinon le courrier est distribué au mieux 2 fois par semaine.

Grève générale !

Le 7 mars est la prochaine date à saisir dans la bataille contre la réforme des retraites du gouvernement Borne/Macron. A cette réforme s’ajoutent les questions de hausses des salaires, pensions et minima sociaux, des allocations chômage et de leurs attributions, la casse de l’hôpital public, de la SNCF, la privatisation d’EDF, etc. et qui se télescopent avec les résultats records des grands groupes tels que Total pour ne citer que celui-là.
Les organisations syndicales appellent à bloquer le pays quand en interne des luttes politiques ont lieu concernant le blocage de l’économie et non des citoyens, de l’utilisation des grèves reconductibles et/ou de la grève générale.
Des occasions comme celles-ci sont rares ; 70 % de la population et 90 % de la population active soutiennent l’action engagée par les syndicats. L’unité de ces derniers y est pour beaucoup.
Alors profitons du 7 mars pour convoquer des AG dans nos lieux de travail partout où c’est possible et notamment dans les PIC, les centres de distribution, les bureaux de Poste, les centres de chèques postaux afin de discuter de la suite à donner à ce mouvement. Profitons de ces AG pour discuter du pourquoi, du pour qui et du comment notre travail doit se faire en lien avec les besoins des usagers. Partout où cela est possible, invitons les dans nos AG. Élisons des représentants, mandatés et révocables, pour défendre les conclusions et actions à engager issues de ces AG. Construisons les prémisses d’une assemblée faite par et pour les travailleurs et qui constituera par la suite un gouvernement des travailleurs issues de nos lieux de travail et dont l’action sera en faveur des travailleurs.
Chaque jour, dans nos boîtes et dans les luttes c’est ainsi et dans ce but que militent les adhérents de la Gauche Révolutionnaire. Seuls ceux qui ne se battent pas ont déjà perdu ! Rejoignez-nous !

Sylvain Bled. Facteur à Briançon, co-secrétaire général CGT Fapt 05.