La crise bancaire marque une nouvelle phase de la tourmente capitaliste – des politiques socialistes audacieuses sont plus urgentes que jamais !

La crise mondiale et multiforme du capitalisme est entrée dans une nouvelle phase avec l’agitation sur les marchés financiers et l’effondrement des banques aux États-Unis et du Crédit Suisse.

Il est probable que de nombreuses caractéristiques de la crise systémique actuelle s’accélèrent. La possibilité d’une récession économique mondiale en 2023-2024 est désormais très forte, même si elle n’est pas encore certaine. La classe ouvrière et les marxistes doivent se préparer aux conséquences économiques, sociales et politiques dramatiques qui en découleront. En particulier, une forme de polarisation politique et de classe encore plus marquée et plus de soulèvements sociaux, que ceux qui existent déjà, sont des perspectives sérieuses à court terme.

Les classes dirigeantes sont terrifiées à l’idée que la crise bancaire aux États-Unis et en Suisse puisse se propager et déclencher un effondrement financier mondial majeur, tel que celui qui s’est produit en 2007-2008 et qui a conduit à la « grande récession ». Il n’est pas certain que la crise actuelle s’étende immédiatement à court terme ou bien qu’elle se transforme en une série de crises prolongées dans le système financier. Pourtant, comme l’a affirmé l’économiste politique bourgeois Nouriel Roubini, la crise bancaire actuelle est le « début du bain de sang ».

S’il s’agit plutôt d’un accident de train au ralenti, les classes dirigeantes seront comme des chasseurs qui abattent des taupes dans le jardin – quand l’une d’elles est éliminée, une autre sort ! La crise de 2007-2008, comme beaucoup d’autres crises financières et économiques, ne s’est pas développée en un seul acte. La récession de 2008 a été précédée d’une série de crises et d’implosions financières en février, septembre et octobre 2007. Ce qui est certain, cependant, c’est que le système financier mondial, comme le capitalisme dans son ensemble, traverse une crise systémique. Ce qui s’est produit ces deux dernières semaines « ne devrait pas se produire », selon certains commentateurs bourgeois, qui espéraient que les mesures prises après 2007-2008 empêcheraient de tels événements de se produire.

Chaque crise du capitalisme a ses propres caractéristiques et celle-ci n’est pas différente. Les problèmes sous-jacents auxquels le capitalisme a été confronté après 2007-2008 n’ont pas été résolus et explosent aujourd’hui dans la tourmente et les bouleversements. L’élément déclencheur de la crise financière actuelle n’est pas le même qu’en 2007-2008. Cette dernière avait été principalement causée par des prêts douteux massifs et des bulles spéculatives reflétées dans la catastrophe des prêts hypothécaires à haut risque (subprimes). Derrière cela, une crise systémique était en train de se développer. Les événements récents ont été déclenchés par des facteurs différents et dans une situation mondiale totalement différente, avec l’augmentation des conflits géopolitiques, la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt, la fin de l’ère de « l’argent bon marché », et d’autres facteurs. Le manque de confiance dans la situation économique générale, le manque d’investissement, l’incertitude quant à la situation géopolitique, les problèmes de la chaîne d’approvisionnement et d’autres facteurs sont autant de facteurs qui exacerbent cette crise.

L’effondrement des banques Silicon Valley Bank (SVB), Signature et Silvergate aux États-Unis, suivi de la crise de First Republic et de l’effondrement du Crédit Suisse, s’est produit lorsque les banques ont été confrontées à une ruée, les investisseurs ayant retiré leurs fonds et le cours de leurs actions ayant chuté. Bien que cette ruée sur les banques se soit faite par le biais d’écrans d’ordinateur, il s’agissait d’une ruée classique sur les banques. Selon certains commentateurs, elle a été la plus importante et la plus rapide jamais observée. Le Crédit Suisse a vu 10 milliards d’euros par jour retirés avant son effondrement. Le 7 mars, quelques jours avant l’effondrement de SVB, 42 milliards de dollars ont été retirés par les déposants. Cette situation s’explique également par l’impact du changement de politique de la Réserve fédérale, de la Banque centrale européenne (BCE) et d’autres banques centrales, qui ont commencé à augmenter les taux d’intérêt il y a 12 mois. Les conséquences de ce changement de politique – une tentative de lutte contre l’inflation – se font maintenant sentir dans l’ensemble du système bancaire.

Effondrement de la SVB

L’effondrement de la SVB et d’autres banques a été largement déclenché par la fin de l’ère de l’argent bon marché. Durant cette époque, les banques, y compris la SVB, investissaient de vastes actifs dans des obligations d’État à long terme, considérées comme une valeur sûre lorsque les taux d’intérêt étaient bas. Lorsque les taux d’intérêt ont augmenté, les obligations ont perdu de la valeur, exposant les banques à un manque de liquidités. Bien que chaque banque ait ses propres problèmes, cette exposition dans un contexte de taux d’intérêt plus élevés menace maintenant d’autres banques. La banque Signature a également été touchée par son investissement dans des crypto-monnaies malheureuses, ce qui reflète l’impact déstabilisant du système financier « fantôme » (qui ne se limite pas aux crypto-monnaies).

SVB a vu ses dépôts passer de 62 milliards de dollars US en 2019 à 189 milliards de dollars US à la fin de 2021. Leur investissement dans les obligations d’État était essentiellement un pari à sens unique de 100 milliards de dollars US sur des taux d’intérêt bas, qui a été perdu une fois que les taux d’intérêt ont augmenté. À ce moment, ces obligations ont perdu de la valeur. Le système financier actuel fonctionne depuis longtemps avec des taux d’intérêt bas. La SVB a eu des problèmes spécifiques, mais le problème qu’elle a rencontré est généralisé à l’ensemble du système financier. Après les hausses de taux d’intérêt, les déposants ont retiré leurs liquidités et les obligations ont été vendues, ce qui a entraîné de lourdes pertes et un manque de liquidités.

Les classes dirigeantes, tirant en partie les leçons de la crise de 2007, ont réagi rapidement et sont intervenues pour tenter d’empêcher la contagion de se propager et de déclencher un effondrement du système bancaire. La Réserve fédérale américaine et le président Biden sont revenus à une forme d’assouplissement quantitatif [Quantitatif Easing : politique monétaire par laquelle les banques centrales rachètent massivement de la dette publique ou d’autres actifs financiers afin d’injecter de l’argent dans l’économie et stimuler la croissance, ndt] par la petite porte, pour garantir et renflouer les banques américaines. Jusqu’à présent, la crise bancaire aux États-Unis n’a touché que les banques de petite et moyenne taille. Les petites et moyennes banques y sont généralement beaucoup plus nombreuses et importantes qu’en Europe. L’importance de SVB pour le secteur technologique est un facteur supplémentaire. Selon ses propres chiffres, 25 % des jeunes entreprises technologiques sont liées à la SVB. Il s’agit d’un secteur critique de l’économie américaine, notamment en raison de la concurrence avec la Chine.

Pourtant, le prêt initial – ou renflouement – n’a pas suffi, comme cela s’est répété tout au long de la crise. L’injection initiale de liquidités dans SVB, Signature, First Republic et Crédit Suisse n’a pas suffi. Dans chaque cas, des sommes de plus en plus importantes ont été injectées dans le système. Les banques américaines, prises de panique, ont emprunté 164,8 milliards de dollars auprès de la Réserve fédérale. Ce montant était de 4,58 milliards de dollars la semaine précédente. Les classes dirigeantes ont été prêtes à injecter des ressources massives pour renflouer ces banques. Morgan Stanley a estimé qu’aux États-Unis, environ 50 % de ce qui a été injecté pour soutenir les banques en 2007 a été utilisé à la mi-mars 2023. Les classes capitalistes cherchent désespérément à empêcher un effondrement. En réalité, elles ont, au mieux, gagné du temps. D’autres effondrements bancaires sont une quasi-certitude dans la période à venir.

L’effondrement du Crédit Suisse est un événement international majeur. Il ne s’agissait pas d’une banque de moindre importance. Cette institution, vieille de 167 ans, était l’une des « banques à 1 000 milliards de dollars » et l’un des principaux piliers du système financier mondial. Elle a été impliquée dans de nombreux scandales, du Mozambique à la Russie, à la recherche de rendements de plus en plus élevés. La SVB a manifestement oublié la maxime du duc de Wellington : « Les taux d’intérêt élevés sont un autre nom pour une mauvaise sécurité ». Les retraits des déposants se sont transformés en submersion, tandis que la SVB implosait.

La crise bancaire a été marquée par la brutalité avec laquelle le gouvernement suisse a imposé le rachat du Crédit Suisse par UBS, allant même jusqu’à déchirer les réglementations antérieures du gouvernement. Le sauvetage initial de 54 milliards de dollars, sous la forme d’un prêt d’urgence, n’a pas suffi à stopper le pourrissement. Les références des commentateurs à la « fusion » des deux banques sont grotesques. Le Crédit Suisse s’est effondré et n’existe plus ! Cette situation met en évidence une autre tendance qui pourrait s’accentuer avec l’effondrement d’autres banques : une monopolisation encore plus importante du système bancaire dans certains pays. Le conglomérat massif issu du rachat du Crédit Suisse par l’UBS représente 220 % du PIB de la Suisse. Un autre sauvetage en cas d’échec sera quelque peu problématique !

La timidité des représentants de la bourgeoisie à dire ce qu’il en est reflète leur crainte des conséquences d’une telle déclaration. Une prise de contrôle totale devient une « fusion » dans le langage des banques et des gouvernements ! Aux États-Unis, Joe Biden et les commentateurs cherchent n’importe quel adjectif autre que « bailout » (sauvetage) en raison de son association avec l’argent déversé dans le système bancaire en faillite en 2007-2008 et les politiques d’austérité profondément impopulaires qui en ont découlé. C’est ce qui avait fait monter Donald Trump et Bernie Sanders.

Un système bancaire « sain » ?

La protestation de Janet Yellen, secrétaire au Trésor américain, selon laquelle le système bancaire américain est « sain », dément la réalité de la situation et la vulnérabilité qui existe. Le système bancaire américain affiche 620 milliards de dollars de pertes non réalisées, ce qui représente 28 % des fonds propres des banques. Dans les petites banques, cette proportion est plus proche de 50 %. Dans l’ensemble, la valeur de marché des actifs du système bancaire américain est inférieure de 2 000 milliards de dollars à la valeur comptable des actifs. Si la moitié des déposants non assurés décident de retirer leurs fonds, près de 200 banques sont menacées.

En Europe, il convient de noter que le Crédit Suisse avait des ratios de capital et de liquidité à peine inférieurs à la moyenne européenne en 2022. Une fois la confiance évaporée, cela ne signifie pas grand-chose. Les banques de la zone euro ne réalisent pas suffisamment de bénéfices pour couvrir le coût du capital. La valeur actionnariale est effectivement détruite. En outre, la hausse des taux d’intérêt, que la BCE a augmentée à un rythme sans précédent en raison de l’inflation, ne manquera pas d’affecter les vastes avoirs des banques en obligations d’État, en prêts hypothécaires et autres titres de créance.

L’impérialisme américain dispose de vastes ressources pour intervenir et soutenir les banques si la crise s’étend à d’autres banques. L’UE, si elle est confrontée à une crise bancaire plus importante, aura encore plus de mal à contenir la crise. Cela s’explique en partie par les ressources de la BCE, mais aussi par la perspective de divisions nationales et de conflits entre les gouvernements de la zone euro, qui ont tous des économies et des systèmes bancaires différents. Si cette crise a débuté aux États-Unis, il est possible qu’elle s’étende à l’Europe, qui pourrait être encore plus durement touchée si la contagion s’étendait.

Le capitalisme est désormais confronté à un dilemme irréconciliable. Les banques centrales capitalistes abaissent-elles les taux d’intérêt pour éviter et tenter d’endiguer la crise financière qui se développe ou maintiennent-elles des taux d’intérêt plus élevés pour lutter contre l’inflation ? Elles ne peuvent pas faire les deux. Elles sont condamnées si elles le font et condamnées si elles ne le font pas ! Quoi qu’ils fassent, ils ne résoudront pas les problèmes sous-jacents de l’économie, y compris les caractéristiques inflationnistes. L’idée selon laquelle le seul ajustement des taux d’intérêt résoudra magiquement les problèmes inflationnistes et autres est fausse. S’ils tentent d’extraire l’inflation du système, il faudra une récession brutale, une solution à laquelle certains membres de la classe capitaliste sont prêts à recourir. La hausse des taux d’intérêt peut également anéantir une grande partie des « entreprises zombies ».

Aucune des mesures prises n’a contribué à redonner confiance à la bourgeoisie comme elle l’espérait. La thésaurisation massive plutôt que l’investissement, qui a commencée à se produire avant la ruée sur les banques, se poursuit. La crise actuelle du secteur bancaire va encore renforcer cette tendance. Le resserrement des prêts et des liquidités résultant de la crise bancaire peut également accentuer les pressions récessionnistes.

La BCE, confrontée à une poussée inflationniste, a choisi d’augmenter les taux d’intérêt de 0,5 %. Toutefois, cette décision a été prise avant que la crise bancaire ne soit pleinement développée. Jay Powell, président de la Réserve fédérale depuis 2018, avant le début des turbulences bancaires, soutenait vigoureusement la hausse des taux d’intérêt. Ces décisions conduiraient l’économie vers une récession, voire une récession profonde ou une dépression (une situation dont la Réserve fédérale était consciente qu’elle pouvait se produire, mais qu’elle jugeait nécessaire pour dompter l’hydre de l’inflation). Aujourd’hui, Powell et la Réserve fédérale ont augmenté les taux d’intérêt de 0,25 %. Jerome Powell et Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne depuis 2019, ont clairement indiqué qu’ils relèveraient encore les taux si l’inflation n’était pas maîtrisée, malgré les conséquences que cela pourrait avoir. La hausse des taux d’intérêt est cruciale compte tenu de l’explosion de la dette mondiale, tant publique que privée. Les défaillances de pays, d’institutions ou d’individus auront un impact sur la crise financière. Cela vaut pour l’Occident industrialisé mais surtout pour l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine.

Les différentes parties de la classe dirigeante se livrent actuellement à une lutte acharnée pour savoir ce qu’elles doivent faire. Il est possible qu’ils suspendent les hausses de taux d’intérêt pendant un certain temps à l’avenir. En revanche, il est très improbable qu’une baisse des taux d’intérêt ait lieu immédiatement. En l’espace de quelques jours, un assouplissement quantitatif par la petite porte a été intensifié et la hausse des taux d’intérêt envisagée par la Réserve fédérale a été revue à la baisse, pour l’instant. Les événements les ont obligés à changer de politique. Dans la tourmente actuelle, il est probable que la classe dirigeante oscille et vacille d’une politique à l’autre au cours de la période à venir. Suspendre les augmentations de taux d’intérêt, puis les augmenter, éventuellement les réduire plus tard, etc. est une tentative désespérée de contrôler les multiples crises qui se déroulent.

Outre l’augmentation massive de l’intervention de l’État qui a déjà eu lieu, souvent cachée sous des « faux drapeaux », pour tenter d’éviter la crise bancaire, d’autres mesures sont également possibles. Des tentatives de régulation des banques sont possibles, notamment aux États-Unis, suite à l’affaiblissement par l’ancien président Trump des mesures introduites après 2007/8. Toutefois, la crise systémique à laquelle est confronté le système financier ne peut être réduite à la seule question de la réglementation, même si celle-ci peut avoir un effet temporaire. Le passage de « l’argent bon marché » à des taux d’intérêt plus élevés est un ingrédient crucial qui ne peut pas être simplement surmonté dans une ère d’inflation croissante.

Réglementation étatique ?

La perspective d’une plus grande régulation par l’État ne sera toutefois pas uniforme, étant données les conditions différentes qui existent dans chaque pays. Le Royaume-Uni, par exemple, avant la crise actuelle, souhaitait moins de réglementation. Cela s’explique par l’évolution de la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le secteur financier britannique, en particulier dans le contexte européen. L’équilibre s’est déplacé de Londres vers les Pays-Bas, Francfort et ailleurs. Pour tenter d’attirer à nouveau le capital financier, le gouvernement conservateur britannique et le premier ministre, Sunak, qui représente le capital financier et est directement lié à lui, pourraient continuer à réclamer encore moins de réglementation de la part de l’État, mais cela n’est pas certain.

Le capitalisme mondial est confronté à une série de crises interconnectées, tant sur le plan économique que politique. Ces développements ne peuvent être séparés des conflits géopolitiques en cours, qui peuvent avoir et auront un impact sur les perspectives économiques immédiates du capitalisme. La menace d’une crise bancaire se développant rapidement aux États-Unis a poussé l’impérialisme américain, le Japon, le Canada, la Grande-Bretagne et la BCE à coordonner leurs mesures. Celles-ci visaient à garantir des échanges quotidiens de devises afin que les banques disposent des dollars nécessaires à leur fonctionnement. Une tendance importante de la période à venir pourrait être l’affaiblissement du dollar américain. Ce phénomène commence déjà à se développer, les investisseurs se tournant vers des « refuges plus sûrs » tels que l’or et d’autres métaux précieux. Selon certaines estimations, l’or se dirige vers les 3 000 dollars l’once. On assiste à un mouvement d’abandon du dollar, mené par la Chine et la Russie, mais aussi par l’Amérique latine, l’Asie et l’Afrique.

Après 2007-2008, le capitalisme mondial a pu bénéficier de la croissance et des développements de l’économie chinoise, soutenus par les relations avec les États-Unis. Cette « échappatoire » n’existe plus aujourd’hui. La Chine est confrontée à une crise économique et sociale interne, ce qui signifie qu’elle ne peut pas jouer le même rôle qu’après 2007-2008 et auparavant. La réduction du taux de croissance cible de 5 % annoncée par le régime en est l’illustration. La Chine est également touchée par l’interdiction d’importantes puces électroniques en provenance des États-Unis, qui sont cruciales pour le développement de l’économie. La domination de Taïwan sur la production de microprocesseurs avancés est cruciale pour l’évolution future de l’économie mondiale et des relations géopolitiques.

Les banques chinoises, largement dirigées par l’État et, dans une certaine mesure, isolées des marchés financiers occidentaux, pourraient ne pas être touchées directement ou de manière dramatique par la crise bancaire actuelle. Toutefois, l’ampleur de la dette qui leur est due en Asie, en Afrique et en Amérique latine signifie qu’elles seront touchées, à un certain stade, par l’impact d’autres développements mondiaux. Reflétant la crise à laquelle la Chine est confrontée, les mégaprojets internationaux de la « nouvelle route de la soie » ont été largement suspendus.

Le capitalisme est également confronté à une série d’autres problèmes interconnectés dans l’économie. Les chaînes d’approvisionnement posent un problème majeur. Ces facteurs et d’autres encore alimentent les pressions inflationnistes comme ils ne le faisaient pas dans les années 1970. Le problème des chaînes d’approvisionnement risque de s’intensifier à mesure que la tendance aux blocs régionaux s’accentuera et que l’hyper-mondialisation prendra fin – des facteurs qui étaient dominants dans les années 1990. La réorganisation des chaînes d’approvisionnement en cours, dite « nearshoring » [externalisation proche dans une region ou pays proche, ndt], en est le reflet.

Parallèlement à tous ces développements, les conséquences de la guerre en Ukraine et d’autres affrontements militaires possibles, comme au Moyen-Orient, auront un impact sur la situation économique mondiale et risquent d’aggraver la perspective d’une récession en 2023 ou 2024. Les classes dirigeantes peuvent être en mesure de prendre des mesures empiriques pour « botter en touche », pendant un certain temps. Mais leurs options s’épuisent. Une récession ou une dépression profonde, à un moment donné, est inévitable, compte tenu des contradictions présentes dans le système.

Des changements spectaculaires

La classe ouvrière et les marxistes doivent se préparer aux changements spectaculaires qui peuvent résulter de ces processus. Il en résultera une polarisation massive et une intensification des conflits. D’âpres batailles de classes éclatent déjà, comme en témoigne l’intensification de la lutte des classes en Grande-Bretagne, en France, en Allemagne et ailleurs. La récession de 2008 avait finalement donné naissance aux mouvements de masse autour de Bernie Sanders aux États-Unis, de Jeremy Corbyn au Royaume-Uni, et a vu des révoltes et des bouleversements de masse en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Il a également conduit à l’élection de Trump aux États-Unis, de Bolsonaro au Brésil et d’autres régimes réactionnaires.

Les populistes d’extrême droite tenteront de tirer parti de la crise bancaire actuelle et de s’attaquer aux « sauvetages » des banquiers. Aux États-Unis, des sections du parti républicain se sont déjà insurgées contre le renflouement des « riches techniciens », avec des fonds versés à la SVB. La crainte de nouveaux effondrements bancaires peut être très forte, en particulier dans les pays où le traumatisme de ce que cela a signifié historiquement fait partie de la conscience de masse. Les populistes de droite peuvent jouer sur ce terrain, comme nous avons commencé à le voir en Suisse. Avec le début de la récession, l’extrême droite risque d’utiliser la crise financière, l’immigration et d’autres questions pour tenter de renforcer son soutien. Une récession profonde peut également « assommer » des sections de la classe ouvrière, si le chômage grimpe en flèche, en même temps que d’autres attaques contre le niveau de vie. Elle peut également conduire à une radicalisation et à une polarisation politique cruciale.

C’est à ce scénario d’aggravation de la crise capitaliste que les socialistes et la classe ouvrière doivent se préparer. Comme l’a expliqué le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), la faiblesse et l’effondrement idéologique de la gauche au cours de la période récente, et son incapacité à proposer une alternative au capitalisme, ont laissé un vide politique. La construction de partis ouvriers de masse avec un programme socialiste alternatif au capitalisme, pour offrir une issue aux contradictions et aux dilemmes du système de profit, se pose de manière encore plus urgente à mesure que la crise se déroule. La demande de nationalisation du système bancaire, sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs, comme alternative aux renflouements capitalistes, est une revendication centrale. Il est essentiel de lutter contre les ravages de l’inflation par l’instauration d’un salaire décent, ajusté en fonction de l’inflation et de l’augmentation des prix. Il est nécessaire de lutter pour que des comités de travailleurs, de consommateurs et de syndicalistes déterminent dans chaque pays le taux réel d’inflation. Nous ne pouvons pas faire confiance aux chiffres de l’inflation fixés par des économistes et des politiciens capitalistes. Ces politiques, associées à un programme socialiste d’urgence pour rompre avec le capitalisme et introduire une planification socialiste démocratique, constituent la seule voie pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le capitalisme.

Tony Saunois, secrétaire du Comité pour une Internationale Ouvrière