Jeunes contre le racisme en Europe, il y a 30 ans

Un nombre important d’étrangers sont venus travailler en France, de gré ou de force, à partir du 20e siècle. Une partie des travailleur-ses et des jeunes sont donc étrangers ou d’origine étrangère. Désormais, deuxième, troisième, quatrième génération : nombreux-ses sont celles et ceux issus de l’immigration et qui subissent également régulièrement le racisme.
Au début des années 1990, une partie importante de l’activité politique de l’organisation dont proviennent quelques membres de la Gauche révolutionnaire actuelle (les JCR-Égalité) reposait sur la construction de la lutte antiraciste en lien avec la lutte révolutionnaire. En 1992, cherchant à donner des outils de lutte à la jeunesse, les sections européennes du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) ont organisé une grande manifestation antiraciste à Bruxelles, avec 40 000 participants. C’est à cette époque que la Gauche révolutionnaire a pris contact avec le CIO.

Années 1990 : un contexte de recul

En effet, cette question était centrale. Car dans les années 1990, avec la chute de l’URSS et faute de perspectives face au capitalisme, les discours réactionnaires et anti-travailleurs se multipliaient. Les idéologies racistes et fascistes prenaient alors un nouvel essor sur le terreau de la crise économique et du chômage. En ex-Allemagne de l’Est, notamment à Rostock, les militants néo-nazis avaient tué, incendiant à coups de cocktail Molotov les foyers de travailleurs et d’étudiants étrangers.
En France, les nombreuses bavures et meurtres racistes de la police, les inégalités, la montée d’actes antisémites de groupes fascistes (destruction de tombes juives à Carpentras) et la montée du FN étaient des éléments radicalisant une partie de la jeunesse.

« Il n’y a pas de capitalisme sans racisme »

En reliant la question du racisme à son origine, le capitalisme, nous avons lancé « Jeunes contre le racisme en Europe » (JRE-YRE) qui a mobilisé des milliers de jeunes contre les fascistes et les politiques racistes et antisociales des gouvernements à travers l’Europe.
En France, c’est en février 1993 que JRE est lancé, à l’occasion de la sortie du film sur le dirigeant des Black Panthers, Malcolm X. Son militantisme avait été sans concession impliquant une lutte contre l’appareil d’État américain. Il avait commencé à tirer les leçons de son combat, avant d’être abattu par la CIA. Et formulé l’idée qu’il n’y a pas de capitalisme sans racisme et que la lutte antiraciste est celle de la classe ouvrière, commune aux noirs et aux blancs.

Du boulot, pas de racisme !

Notre slogan central « du boulot pas de racisme ! » combattait l’idée que le problème du chômage serait lié aux étrangers et montrait que les inégalités sociales et le chômage font le lit des idées racistes. Lutter contre le racisme implique de combattre ses racines : le capitalisme même, qui divise les travailleurs pour faciliter leur exploitation. C’était aussi un appel à entrer en lutte collectivement, qu’on soit issu de l’immigration ou pas, et non une dénonciation seulement « morale » du racisme. Cet appel à la lutte collective a fait qu’il y a toujours eu beaucoup de jeunes et de travailleurs issus de l’immigration dans les rangs de JRE.

Les campagnes déterminées et militantes de JRE

Manifestations contre le Front national notamment à l’occasion des meetings de Jean-Marie Le Pen, mais aussi campagnes dans les lycées et universités, la campagne contre les exclusions de lycées et de collèges de jeunes filles qui portaient le foulard dès 1994, lors de la circulaire discriminatoire de Bayrou, pour défendre le droit à l’école pour toutes et tous, et le refus des discriminations, la défense de la régularisation de tous les sans-papiers sans condition et l’organisation du soutien à leur lutte et auto-organisation… Des comités de JRE se créent et des jeunes nous rejoignent pour lutter contre le racisme et le fascisme et s’en prendre au système capitaliste. Un camp européen antiraciste et antifasciste regroupant plus de 1 000 personnes est organisé en Allemagne l’été 1994.

La lutte des sans-papiers

En France, un mouvement était né autour d’occupations d’églises par des travailleurs et travailleuses sans-papiers. La plus emblématique fut celle des sans-papiers de St-Bernard à Paris en 1996 (voir sur YouTube le film « La Ballade des sans-papiers »). Cette lutte, par son intensité et sa durée, posait des questions centrales que tous les travailleurs en lutte se posent : quelles revendications peuvent faire gagner tout le monde, qui décide dans la lutte. JRE défendait concrètement la question de l’organisation des sans-papiers eux-mêmes, en collectifs indépendants, décidant eux-mêmes des revendications et des actions, en lien avec le reste du mouvement ouvrier, ce à la différence des organisations antiracistes institutionnelles qui refusaient de s’en prendre au capitalisme. La lutte des sans-papiers était à la fois une lutte antiraciste et une lutte sociale, d’une partie des travailleurs qui devait s’intégrer à la lutte de tous les travailleurs. JRE défendait donc que les syndicats s’impliquent le plus possible. De même, la lutte contre le racisme ne se limite pas à la lutte contre le FN, elle englobe la lutte contre les politiques gouvernementales.

Le gouvernement Chirac a brisé les portes de l’église à coups de hache pour mettre fin à cette occupation très soutenue parmi la population. JRE, devant l’aéroport d’Évreux ou à l’église St-Bernard, sans se substituer aux sans-papiers, organisa en grande partie l’opposition à la police. Les revendications de JRE pour la régularisation de tous, sans critères, étaient partagées par les sans-papiers qui se présentaient eux-mêmes comme des travailleurs privés de droits. Un an plus tard, dans la lutte pour empêcher les expulsions dans les aéroports, Chevènement, ministre de l’Intérieur, à l’Assemblée dénonce l’action de JRE, des « trotskistes anglais » agitateurs (en référence au CIO-CWI) !

Unité maximale des jeunes et des travailleurs

Les axes et slogans, l’implication dans la lutte concrète, de JRE permirent de faire avancer la lutte et politiser et de former une génération de militant.es et fait partie de notre héritage politique. Dans nos luttes et grèves, dans les organisations du mouvement ouvrier, les syndicats et les partis, il est essentiel que ces jeunes et ces travailleur-ses soient là. Et pour cela, il est incontournable d’avoir aussi des campagnes spécifiques qui permettent de combattre les divisions racistes et de lier la lutte contre le racisme et le capitalisme, pour les combattre tous ensemble.

La Gauche révolutionnaire cherche à organiser la lutte contre toutes les discriminations qui empêchent l’unité des travailleur-ses face au capitalisme. Rejoignez-nous !