Malgré la crise, les entreprises continuent de faire des profits : en 2014, +37% par rapport à 2013 avec 64,4 milliards d’euros. Il ne faut pas oublier que malgré la baisse des profits durant plusieurs années, ceux-ci restaient néanmoins confortables (voir ci-dessous), ce qui a permis aux principales entreprises de mettre de côté des centaines de milliards d’euros. Ainsi, en 2014, les entreprises européennes avaient 1000 milliards d’euros de liquidités disponibles. Pour ce qui est de la France, en 2013, Total dormait sur un trésor de 18,4 milliards d’euros par exemple (voir ci-dessous). Mais toute cette richesse que nous produisons par notre travail ne sert pas à augmenter les salaires, à embaucher ou à faire des investissements productifs ou à satisfaire les besoins sociaux. Ce trésor ne prend évidemment pas en compte les centaines de milliards d’euros qui dorment dans les paradis fiscaux grâce à l’évasion et à la fraude fiscale.
Non, elle sert à gaver toujours plus une minorité de parasites. Ainsi les grands patrons s’octroient des augmentations de salaires mirobolantes (Salaires, « golden hello » et autres « retraites chapeau »). L’année dernière, Jean-François Dubos, patron de Vivendi, a vu ses émoluments grimper de 82%, atteignant maintenant les 4 millions d’euros. Pour Thierry Breton d’Atos, son salaire a augmenté de 74,5% avec 4,9 millions d’euros. Mais celui qui, en 2014, a eu la palme de la plus grosse rémunération, dont la moitié en actions et stockoptions, c’est l’ex-patron de Sanofi – Chris Viehbacher – qui a touché 8,6 millions d’euros avant d’être évincé et remplacé par Olivier Brandicourt qui a eu comme cadeau de bienvenu 4 millions d’euros. Rappelons que Sanofi a licencié plusieurs milliers de travailleurs ces dernières années et que la direction l’entreprise refusait d’augmenter les salaires. La masse salariale des grands patrons du CAC40 était de près de 90 millions en 2013, soit plus de 5000 smicards sur un an. Cette année-là, ils avaient touché en moyenne 2,25 millions d’euros…
Dans le même temps, les dividendes des actionnaires explose : +30,3% l’année dernière en France avec près de 33 milliards d’euros, de quoi payer 190.000 smicards durant une année ! La France est la championne d’Europe en la matière ! La fortune cumulée des 10 personnes les plus riches de France est estimée à 157,5 milliards d’euros. A lui seul, Bernard Arnault, le patron de LVMH, possède 27 milliards d’euros, suivi de près par Liliane Bettencourt, la patronne de L’Oréal, avec 26 milliards d’euros de fortune. La fortune cumulée des 500 personnes les plus riches en France est de près de 400 milliards d’euros. On a d’un côté une stagnation ou une régression des salaires pour les travailleurs et de l’autre une envolée des revenus du capital et des capitalistes. Cela fait des décennies (au moins depuis le début des années 90) que ça dure, mais le rythme s’est accentué depuis le début de la crise économique. Pour maintenir leurs profits, les capitalistes nous tondent la laine sur le dos. Il n’est pas étonnant dans ces conditions qu’entre 2002 et 2012, le niveau de vie moyen annuel des 10% les plus pauvres baissait de 6,2% avec -531 euros alors que les 10% les plus riches voyaient leurs revenus annuels augmenter de 11,8% avec +6060 euros. Alors que l’on ne vienne pas nous dire qu’il n’y a pas d’argent pour augmenter nos salaires (mais aussi pour embaucher dans le privé et dans les services publics ou pour résorber les trous des caisses de la protection sociale). L’argent existe dans les coffres des capitalistes, en France mais aussi en Suisse, au Luxembourg ou aux Îles Caïmans.
Comme nous l’affirmions dans le numéro 170 de L’Egalité, les grèves sur les salaires se multiplient et les salariés gagnent au moins partiellement sur leurs revendications. C’est une tendance lourde dans la situation qui atteste que les travailleurs ne sont plus prêts à écouter les baratins des politiciens et des patrons sur les efforts nécessaires que nous serions obligés de faire en ces temps de crise. Nous devons faire converger ces luttes, avec celles aussi contre les licenciements, pour des embauches et de meilleures conditions de travail dans le public comme dans le privé. La grève du 9 avril a été une réussite, nous devons transformer l’essai et pour afin d’obtenir la satisfaction de nos revendications salariales.
Par Yann Venier