Après la grève du 10 Décembre appelée par la seule FSU (qui a qualifié cette journée de « réussie »), un appel a été lancé pour le 24 Janvier par la FAEN, la FERC-CGT, le SGEN-CFDT et l’UNSA-Education, sur « le problème global de l’emploi, de la résorption de la précarité et de l’aménagement du temps de travail ».
Article paru dans l’Egalité n°93
La grève du 10 Décembre, mal préparée, appelée tardivement, avec des mots d’ordre flous, avait malgré tout été relativement suivie témoignant ainsi du ras-le-bol des personnels face à la dégradation de leurs conditions de travail, aux conséquences de la politique du gouvernement en termes de précarisation, de manques de personnels et de moyens en général. Nous nous sommes mobilisés pour cette journée de grève, mais sans illusion, en sachant qu’il faudra un mouvement d’une autre envergure pour contrer les réformes gouvernementales.
Ce qui manque cruellement pour que se développe un mouvement d’ampleur dans l’Education nationale, c’est une analyse plus globale de la politique gouvernementale, permettant de comprendre que les mesures et réformes mises en œuvre ont un seul et même objectif : la mise à bas du service public d’éducation et la mise à disposition des marchés et des entreprises privées des secteurs susceptibles de devenir très rentables. Autour de l’A.G.C.S. (Accord Général sur le Commerce des Services), les gouvernements européens mettent en application la politique souhaitée à la fois par l’OMC et le patronat européen.
On mesure déjà l’état d’avancement de cette politique : dévolution de certains enseignements à des vacataires ou contractuels, embauche de personnels précaires et de droit privé (les emplois-jeunes), mainmise de plus en plus forte des entreprises dans les choix éducatifs et même dans les enseignements, dans les filières professionnelles bien sûr, mais aussi dans le supérieur, commercialisation de cours par correspondance par le biais d’Internet.
Ce qu’ils veulent ? Que la mission d’un secteur public d’enseignement se limite à « assurer l’accès à l’apprentis-sage de ceux qui ne constitueront jamais un marché rentable et dont l’exclusion de la société en général s’accentuera à mesure que d’autres vont continuer à progresser » (citation extraite d’un texte de l’ERT, lobby patro-nal européen).
Pour aller dans ce sens, nous devons saisir toutes les occasions pour pousser les directions syndicales à aller dans ce sens de même que nous devons expliquer aux personnels des différentes catégories que chaque réforme, chaque attaque, en prépare en fait une suivante. Les assemblées générales qui auront lieu le 24 janvier doivent permettre d’aller dans ce sens par des motions proposant le principe d’une grève générale, l’appel à d’autres services publics… La préparation d’une lutte d’ensemble refusant les réformes en cours, le manque de moyens, la privatisation larvée des secteurs de l’éducation nationale, est urgente et doit se faire également en avançant la perspective d’un véritable service public d’éducation, géré par les personnels eux-même.
La réponse des personnels de l’Education, enseignants et non-enseignants, titulaires et précaires doit donc être globale, seule une grève générale de l’Education nationale pourra permettre un coup d’arrêt à cette politique. Nous ne pouvons nous contenter des mots d’ordre syndicaux basés seulement sur les questions de métier ou séparant des problèmes ou des secteurs qui en fait sont liés. Nous ne pouvons nous satisfaire de la seule « ouverture de négociations ».
En Europe, c’est la même politique qui met à mal les différents systèmes éducatifs :
En Italie, où le seul ministère qui voit son budget augmenter est celui de la Défense, toute une série de mesures ont mis en grève les enseignants comme les lycéens. Le ministère de l’Education de Berlusconi tente de faire passer ses réformes avec à la clé 50 000 suppressions d’emplois à plein temps, l’augmentation des aides à l’enseignement privé et la diminution en parallèle des ressources de l’enseignement public. On l’a déjà surnom-mé en Italie » le ministère des 6% « , en référence aux 6% d’établissements privés.
En réponse, une vague de grèves de lycéens avec occupations a déferlé, souvent associée à une mobilisation contre la guerre.
La grève du 31 octobre a mis dans la rue un tiers des travailleurs de l’éducation et le 12 novembre, plus de la moitié des enseignants était en grève.
L’Espagne a connu des grèves étudiantes importantes contre une nouvelle loi imposée par le gouvernement Aznar. Cette loi, la LOU est une réforme de l’université qui vise à privatiser une partie des enseignements. Elle est assez semblable à celle proposée en Grèce l’an dernier. Les étudiants se sont mobilisés pendant le mois de novembre avec les enseignants, les personnels ATOS, le soutien des commissions de travailleurs (syndicats similaires aux cobas italiennes). Ils ont aussi reçu le soutien de la Izquierda Unida et du PSOE (Parti Socialiste !) : il semble que le lien se soit rapidement fait avec les luttes dans les services publics de téléphonie, d’avions, etc., où la privatisation a déjà été effectuée. Le mouvement avait comme slogan principal : « No a la LOU, Una otra universidad es posible ! » s’inspirant ainsi des slogans anti-mondialisation : un autre monde est possible. Les organisateurs du mouvement se réfèrent même à Gènes et à l’effet Gènes pour expliquer le développement de ces luttes. Le premier décembre, une grande manif a regroupé 350.000 personnes à Madrid. C’est la plus grande manif étudiante depuis la fin du franquisme !
En Angleterre, des luttes plus petites existent dans certaines universités comme celles de Bolton, Manchester et Liverpool pour le rétablissement des bourses et l’abolition des frais d’inscription crées par Tony Blair.
Par Pascal Grimbert