Luttes sociales 2001 : tirer les leçons pour faire gagner les luttes

La fin d’année n’a pas été faste pour de nombreux salariés. Entre les licenciements, les menaces de fermetures, les continuelles attaques des patrons contre les conditions de travail etc. Certains ont passé des fêtes où l’angoisse de conserver son emploi a donné aux repas un goût amer.

Article paru dans l’Egalité n°93

Les salariés de Regma, par exemple, une entreprise de chimie basée à Arques-la-bataille (76) et à Nanterre sont confrontés à un risque de dépôt de bilan. La première conséquence a été que les salaires de décembre et le treizième mois n’ont pas été versés. En lutte, ils ont été obligés de menacer d’utiliser les produits chimiques pour faire valoir leur revendications. Mais l’intersyndicale n’allait pas plus loin que demander un acompte de 90% à l’Etat, via la sous-préfecture de Dieppe, laquelle n’a évidemment pas de fonds prévus à cet effet. Et lorsque la sous-préfecture a annoncé un accord avec les banques sur une autorisation de découvert équivalente aux salaires non versés et garantie sans agios, l’intersyndicale a considéré cela comme suffisant pour appeler à la reprise du travail.

Coté transport aérien, alors que certaines directions syndicales s’étaient satisfaites du plan de restructuration (plusieurs milliers de licenciements quand même) d’AOM-Air Liberté et sa transformation en Air Lib, la nouvelle compagnie est dans des difficultés dramatiques. A nouveau restructurée dans sa direction (il se trouve même le dirigeant de la CFDT pour qualifier cela de positif) avec la nomination d’un seul dirigeant (le PDG Jean Charles Corbet), c’est encore une aide de l’état qui accompagnera un nouveau plan « d’économies » qui aura à nouveau pour conséquence des suppressions d’emploi, au moins 300 sur 2 500.

En 2001, les raisons de lutter n’ont pas manqué

Que ce soit la longue et dure grève de la TCAR, à Rouen, où pendant 38 jours les traminots ont fait grève d’abord pour une augmentation de salaire ensuite contre le licenciement de 5 d’entre eux pour « entrave à la liberté du travail » (évidemment sans preuve, l’objectif pour la direction étant d’attaquer le droit de grève), ou les grèves, souvent avec occupation à Lu-Danone, Moulinex etc. contre les licenciements, non seulement les luttes n’ont pas manqué mais les raisons de les faire s’unir non plus.

Comme le montre de plus en plus le recours à la menace d’incendier ou de faire exploser l’usine la colère est là. Lorsque des salariés de la Sofrer, entreprise dont le siège est à Nanterre qui notamment installait les antennes-relais pour les téléphones portables, ont appris la fermeture de leur entreprise par un fax de leur patron depuis une plage de Thaïlande, un des axes de luttes envisagés était le blocage des antennes-relais. Une telle opération, aurait montré la véritable force des travailleurs et que rien dans la société ne tourne sans eux. Mais l’absence de reprise de cette proposition par les responsables syndicaux, et surtout la quasi-certitude que les directions nationales des principaux syndicats ne la soutiendraient pas, tout cela ne pouvait que refroidir les ardeurs.

Chacun de ces exemples témoigne de ce que les travailleurs sont prêts à faire, et des risques qu’ils sont prêts à prendre, à condition de pouvoir compter sur le soutien des dirigeants syndicaux.

Parmi ceux ci, certains n’hésitent pourtant pas à s’impliquer, et au mois de novembre dernier la lutte des salariés du port de Marseille qui ont dès le premier jour bloqué l’entrée du port montre ce qui est possible.

C’est à la fois dans les syndicats et dans les luttes que se passent les combats

Dans les syndicats, et notamment la CGT, qui a une fois de plus prouvé, à la manifestation euro-syndicale du 13 décembre dernier, sa capacité à mobiliser, les batailles continuent. Il est de la tâche de tous les militants sincères, qui pensent que c’est par la lutte que l’on gagne des acquis, et par le renversement du capitalisme qu’on les consolidera réellement, de s’impliquer dans les syndicats, d’y faire participer les travailleurs…

Et il faut également s’inspirer de l’initiative qu’avaient pris les salariés de LU-Danone du site de Ris-Orangis, qui avaient organisé une réunion nationale contre les licenciements à laquelle avaient participé des centaines de syndicalistes et militants d’organisations politiques du mouvement ouvrier.

Car les raisons ne vont pas manquer. Que ce soit pour les droits syndicaux, comme le montre la lutte des salariés de Mac Do, contre les mauvaises conditions de travail (précarité, attaques liées à la loi Aubry et sa fausse réduction du temps de travail, mais vraie aggravation des rythmes de travail), pour des augmentations de salaires ou contre les licenciements etc.

Mais trop souvent, les luttes sont menées de manière isolée

Une plateforme syndicale simple, pour des augmentations de salaire, contre la flexibilité, pour une réduction du temps de travail sans perte de salaire (contre les lois Aubry en fait), contre les licenciements et les suppressions de postes et pour la défense des droits syndicaux, contre les privatisations et pour la défense des retraites, permettrait d’unifier les luttes. C’est à cela qu’il faut travailler, et exiger de nos dirigeants syndicaux d’organiser une grève, tous ensemble, qui permettra de rompre avec l’isolement trop fréquent auquel ont à faire face de nombreuses luttes.

Mais il faut pour cela que les travailleurs eux-même soient impliqués, si donc que chaque fois que possible des comités de grève, collectifs ou autres soient créés pour permettre une telle implication.

Il ne s’agit pas aujourd’hui de résister quand nous sommes le dos au mur, mais d’avoir réellement confiance en nos luttes, et en notre capacité collective à changer les choses. Et ceci se prépare dès maintenant.

Par Alex Rouillard