Drames de Ceuta et Melilla : la réalité du capitalisme

La presse écrite, la télévision nous ont abreuvé d’images de « clandestins » blessés par des barbelés, des chutes… et autres « spectacles ». Mais ces deux enclaves espagnoles en territoire marocain, héritages du colonialisme, ne sont que des abcès de fixation pour une situation plus large.

Le mouvement migratoire d’Afrique vers l’Europe se concentre notamment dans cette zone avec le détroit de Gibraltar qui met l’Espagne et l’Europe à portée des migrants de façon très virtuelle. Le durcissement des politiques répressives en UE amène ces populations à se reporter sur les deux enclaves fortifiées de Ceuta et Melilla (double barrière grillagée avec barbelés, caméras, détecteurs, etc…). Pour 2004, le gouvernement Espagnol annonce 55000 « escalades ».

Le phénomène n’est pas nouveau par les modes d’action (échelles de fortune, gants…) mais par son caractère massif (plusieurs centaines en même temps).

La réaction des polices espagnole et marocaine a été particulièrement violente pour stopper ces tentatives (plusieurs dizaines de morts et des centaines de blessés en septembre).

Mais le désespoir ne disparaît pas avec des armes ou des barbelés. La situation de crise de l’Afrique subsaharienne amène logiquement ces déplacements de populations à la recherche avant tout d’un travail.

Les Etats concernés ont pris des mesures pour juguler ces « flux ». Le Maroc a d’abord eu recours à la force policière et militaire (plusieurs milliers d’hommes mobilisés) pour les repousser. Mais pour réussir à dissuader toutes ces personnes de venir au Maroc pour atteindre « l’Eldorado européen », cet Etat a effectué des déplacements forcés dans les zones désertiques frontalières avec l’Algérie (sans eau, ni nourriture). Mais ces actes inqualifiables ne peuvent faire oublier l’attitude des Européens.

Nous sommes avant tout dans une logique militaro-policière. Si les Marocains creusent une tranchée de 3 m autour des enclaves, les Espagnols débloquent 28 millions d’euros pour mettre de nouvelles caméras, des capteurs électroniques, surélever les deux rangées de grillage (de 3 à 6 m) et construire une troisième barrière en tiges d’acier.

L’UE n’est pas restée indifférente. Elle envisage de verser 40 millions d’euros pour lutter contre l’immigration clandestine au Maroc mais aussi concentrer les candidats à l’asile hors de ses frontières dans des pays d’accueil ou de transit comme l’Ukraine, la Moldavie, ou encore le Maroc et la Libye (où un certain Sarkozy s’est rendu il y a quelques semaines).

La tragédie qui s’est déroulée sera probablement amenée à se répéter étant données les mesures prises.

Rien n’est fait pour s’attaquer à la racine du mal. Et pour cause. Ce sont les capitalistes européens notamment qui ne cessent de ruiner les populations africaines avec leurs alliés locaux, laissant délibérément les pays dans la misère. Cela se fait en partie par le contrôle du FMI et de la Banque Mondiale, l’accumulation d’une dette qui ne pourra jamais être remboursée, le pillage des ressources naturelles. Dans l’urgence, il faut se battre pour la liberté de circulation, car sinon, les capitalistes pourront encore exploiter ces travailleurs comme sans-papiers.

Mais seule une réorganisation de l’économie, réellement démocratique, socialiste, pourra permettre de s’attaquer aux problèmes de fond.

Par Olivier Ruet, article paru dans l’Egalité n°116