Décentralisation à la SNCF : 1ère partie, bref rappel historique

S’il y a bien un mot à la mode en ce moment, en particulier, dans les discours de Raffarin, c’est celui de « décentralisation ». Amorcée dans les années 1980, avec notamment les lycées gérés par les régions, elle a été mise en oeuvre début 2002 pour les TER (Transports -ferroviaires- Express Régionaux). Mais replongeons d’abord dans le passé.

Article paru dans l’Egalité n°99

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, les efforts de reconstruction portent sur les axes nationaux. Mais sur les petites lignes régionales, les sempiternels trois allers et retours journaliers sont maintenus sans modernisation particulière. Ces lignes sont de toutes façons condamnées par le souffle du Tout Automobile. Seul un service provisoire d’autocars est envisagé pour les quelques « marginaux sans tuture ».

Mais la vague de fermetures commence à faire réfléchir au début des années 1970: on s’aperçoit alors qu’un département entier, l’Ardèche n’est plus desservi par le train. Les premières préoccupations écologiques naissent puis la crise pétrolière éclate en 1973.

Certaines régions commencent alors à réagir. La Lorraine met en place « Métrolor », un service cadencé avec de nouvelles rames sur l’axe Thionville/Metz/Nancy. Les premiers schémas de transport collectif sont mis en place en Lorraine et dans le Nord Pas de Calais. Il est alors déjà envisagé de transférer la gestion des Omnibus à ce qu’on nommait à l’époque les EPR (Etablissements Publics Régionaux). Mais l’état y renonce. En 1982, il garantit à la SNCF le monopole du Transport Ferroviaire avec la LOTI (Loi d’Orientation des Transports intérieurs).

Le TER

C’est en 1985 qu’est créé l’appellation TER. Avec elle apparaissent les premières conventions SNCF/Régions. Ces conventions, facultatives, visent à compléter l’offre de l’Etat, notoirement insuffisante; En effet, l’Etat versait une contribution à la SNCF pour une offre de référence (un certain nombre de liaisons sur telle ligne). Mais comme cela était souvent insuffisant , que ce soit pour le nombre de liaisons ou pour la qualité du matériel roulant, certaines régions passèrent une convention pour augmenter le nombre de trains (en payant elles-mêmes le nombre de trains supplémentaires) et/ou financer le matériel neuf ou modernisé ; c’est ainsi que les fameuses Caravelles (les autorails rouges et crème à deux caisses) se virent complètement métamorphosés, beaucoup pensant même qu’il s’agissait d’un matériel neuf !

Les premières difficultés

La SNCF continuant à privilégier le tout TGV et l’Etat n’assumant toujours pas ses responsabilités, notamment en ne renouvelant pas le matériel régional, il manque rapidement deux milliards de francs pour le TER.

Mais les régions refusent de payer. Déjà certaines d’entre elles n’avaient pratiquement pas signé de convention ou sinon avec un contenu minimaliste. Ceci pour des raisons diverses, comme par exemple le refus de payer les missions de l’Etat ou même pour des raisons plus absurdes, comme la couleur politique différente du voisin. Ainsi la presse spécialisée raillait volontiers la différence de traitement entre régions voisines : d’une part l’Auvergne présidée par Giscard, anti-chemin de fer notoire, et d’autre part la région Centre, elle aussi dirigée par la droite mais l’une des pionnières de la relance du ferroviaire en 1993.

Compte tenu de ce climat, la CGT dévoile une carte du réseau où figure le projet de la SNCF prévoyant la disparition de 6 000 à 12 000 km de lignes, majoritairement non électrifiées et dans le Massif central. La grande grève de 95 suspendra celui-ci.

La régionalisation

En 1994, un sénateur RPR alsacien, Hubert Haenel, propose une réforme. Chaque région devient autorité organisatrice de ses TER. A ce titre, elle décide elle-même du nombre de dessertes, des horaires et du matériel autorisé. Pour assurer le service défini par la région, la SNCF devient un simple prestataire de service et doit assumer tout dépassement du devis présenté au budget de la région. L’excédant de recette est désormais partagé ente la SNCF et la Région alors que seule la région en bénéficiait avec les conventions.

Pour permettre aux régions de gérer leur TER, l’Etat augmente sa contribution de service public, mais la verse directement à la Région et non plus à la SNCF. Cette contribution correspond au coût d’exploitation, à la compensation des tarifs sociaux que l’Etat impose à la SNCF (famille nombreuses, militaires… mais rien n’est imposé pour les chômeurs et les handicapés), et enfin au renouvellement du matériel.

En 1997, six Régions de gauche ou de droite (Alsace, Centre, Pays de la Loire, Nord-Pas de Calais, PACA, Rhone-Alpes) expérimentent cette régionalisation. Il s’agit pour la plupart de Régions densément peuplées et ayant des moyens financiers conséquents. Le Limousin, plus rural et plus pauvre surtout rejoint cette expérimentation en 1999.

Au vu des résultats globalement positifs (hausse du trafic, des dessertes, des recettes, et le renouvellement du matériel et des gares), la régionalisation est généralisée à toutes les régions sauf la Corse et l’Ile de France avec effet au premier janvier 2002.

Par Stéphane N.