Décentralisation dans l’Education nationale

La décentralisation n’est pas un simple transfert de compétences de l’Etat aux régions. Présentée par le gouvernement comme un processus de démocratisation et de meilleure efficacité, elle constitue en fait une attaque en profondeur du service public d’éducation. Elle vise sa déréglementation, sa privatisation partielle, la mise en concurrence des établissements, son adaptation aux besoins et exigences du patronat, l’éclatement des luttes des personnels.

Article paru dans l’Egalité n°99

Flexibilité + rentabilité = plus d’inégalités

« La régionalisation, la décentralisation sont une nécessité. […] le centralisme en vigueur dans notre pays coûte cher. […] nous devons répondre à des attentes nouvelles qui ne peuvent être prises en compte qu’à l’échelon local. » Anne-Marie Comparini, présidente de la région Rhône-Alpes.

« Les pratiques administratives [sont] trop souvent rigides pour permettre aux établissements d’enseignement de s’adapter aux indispensables changements requis par le rapide développement des technologies modernes et les restructurations industrielles et tertiaires. » ERT, lobby patronal omniprésent auprès de la Commission européenne.

Quels sont ces « attentes nouvelles », ces « indispensables changements » réclamés par les élus de droite et le patronat ? Il s’agit bien d’adapter les contenus d’enseignement et les formations proposées aux besoins du patronat, en fonction de l’évolution des « bassins d’emplois ». En ce sens, un système d’éducation national, avec des programmes nationaux, garantissant à tous l’accès à une éducation et une culture de qualité, est pour le patronat inacceptable, car non rentable et ne répondant pas à ses exigences.

C’est une remise en cause du droit d’accès à tous à l’éducation qui nous menace : en effet, pour le patronat, il est inutile d’envoyer vers l’enseignement supérieur ceux qui seront de futurs travailleurs non qualifiés (65% de leurs besoins de main-d’œuvre).

Statuts menacés et éclatement des luttes

Cette réforme veut mettre en place un système où personnels et enseignements soient gérés localement, rapidement déplaçables, remplaçables, transformables. Ceci va de pair avec la remise en cause des statuts des personnels, à l’heure où l’Etat emploie de plus en plus de précaires dans l’Education nationale, y introduit des statuts de droit privé (emplois-jeunes, futurs assistants d’éducation). Ferry et Darcos ont ainsi rencontré le Conseil régional de Lorraine dont « les équipes réfléchissent à une expérimentation qui pourrait faire du bruit : la transformation du rectorat de l’Académie de Nancy en un établissement géré par la collectivité et l’Etat » (Républicain lorrain du 18-09). Ce serait la porte ouverte à une gestion locale des personnels, la fin de critères de recrutement égalitaires.

Raffarin a beau prétendre le contraire, la décentralisation est bien une machine de guerre pour faire passer ses réformes. D’abord en les engageant secteur par secteur, sous le prétexte de  » l’expérimentation « . Le gouvernement a fait le constat que les attaques frontales entraînaient toujours des réponses massives des personnels. Des changement locaux empêcheraient ces ripostes globales, isolant et éclatant les luttes des personnels. C’est aussi l’un des objectifs visés par cette réforme.

Ce sont donc tous les secteurs de l’Education nationale qui doivent entrer dans la lutte pour dire non à cette décentralisation :
Maintien des statuts et recrutements publics des personnels.
Maintien des programmes nationaux.
Pour l’égalité des moyens attribués à l’enseignement à tous les niveaux (du primaire au supérieur).
Pour le droit de tous à une éducation vraiment gratuite
Non à une gestion locale des personnels enseignants et non-enseignants.
Non à la mainmise du patronat sur l’enseignement professionnel et supérieur.

Par Pascal Grimbert