Décentralisation tremplin de la privatisation

Le gouvernement essaye de se présenter comme le sauveur des services publics. La décentralisation ne serait pas une attaque contre nos acquis mais une amélioration. La logique libérale est simple : tout ce qui est étatique, tout ce qui est centralisé est complexe, inefficace et éloigné des gens. Il faut donc décentraliser les services publics pour les rendre plus efficaces et plus proches du public.

Article paru dans l’Egalité n°99

« Plus proche du public ». Une telle affirmation serait valable si les salariés et usagers contrôlaient la gestion des services publics en fonction des besoins et des intérêts de tous. Or, force est de constater, par exemple, que les dirigeants d’EDF sont plus concernés par les bénéfices enregistrés ou les entreprises étrangères rachetées que par l’accès pour tous à une source d’énergie indispensable.

« Plus efficaces ». Pour qui ? Les différents gouvernements n’ont eu de cesse de jongler sur une opinion négative des services publics. Les médias et toutes les formes de vecteurs de l’idéologie dominante les présentent systématiquement comme de vastes « mammouths », (pour reprendre les propos d’un ancien ministre « socialiste »), complètement arriérés, vétustes, « non adaptés au monde de l’entreprise et aux exigences de la concurrence mondiale », où règnent en maîtres les fonctionnaires.

La cause de ces accusations est à chercher dans l’obstacle que constituent les services publics.

Ce qui ennuyait les dirigeants au service du patronat et des capitalistes, c’est que les services publics étaient un terrain dans lequel ceux-ci ne pouvaient pas retirer de bénéfices. Aussi, les gouvernements n’ont eu de cesse de tenter de liquider petit à petit les services publics. Un moyen est de les vider de leur substance en les transformant en entreprises soumises aux buts commerciaux, comme pour France Telecom.

Un autre moyen est de désengager financièrement l’Etat et de faire porter la charge de financement sur les régions : la décentralisation du gouvernement Raffarin. Ceci n’est pas une nouveauté, les gouvernements précédents l’ont déjà instituée avec par exemple, le renforcement des Agences régionales hospitalières regroupant service public et secteur privé pour gérer la « limitation des dépenses de santé », en clair l’accès aux soins remboursés.

Le but est simple : on réduit le budget et on demande aux régions de financer. Or les ressources des régions sont conditionnées aux entreprises locales. Il y a donc une inégalité entre régions riches et régions pauvres, qui sera de surcroît renforcée. De même au sein d’une même région, les entreprise privées pourront choisir selon leur intérêt les établissements rentables pour elles à financer. « Plus proches du public » ? La décentralisation sera au contraire le moyen pour le patronat d’obliger la population à correspondre à ses intérêts.

Par ailleurs, les régions n’ont pas les structures pour gérer des services publics et ne visent pas à en créer. Nul doute que les missions des services publics seront données par les conseils régionaux à des entreprises privées dont le but sera uniquement de réaliser des bénéfices sur les dos des usagers devenus clients. Les exemples sont déjà légions : ainsi la gestion de l’eau dans la plupart des villes, ou encore celles des transports publics, aux mains de grands groupes comme Vivendi ou La Lyonnaise des eaux.

Face au risque d’un mouvement social en cas d’une attaque ouverte contre les services publics, la décentralisation est ainsi une manœuvre de plus pour opérer leur privatisation.

Par Geneviève Favre