L’exécution de Saddam Hussein est loin d’avoir clos le dossier irakien. Vengeance des nouvelles classes dirigeantes contre l’ancien dictateur, elle aura vu des sommets d’hypocrisie tant de la part des occidentaux que de la part du pseudo-gouvernement irakien.
Article paru dans l’Egalité n°123
Bush et Berlusconi émettant des critiques, le gouvernement irakien s’attaquant à ceux qui viennent critiquer « la décision du peuple irakien », comme si ce gouvernement avait été installé par le peuple irakien. Aujourd’hui, les masses arabo-musulmanes sont déboussolées, scandalisées par cette exécution alors que l’autres meurtriers de masse, à commencer par Bush, sont encore en place…, et sachant en même temps qu’on ne peut défendre le bilan de Saddam.
La politique de Bush vise à mettre en place des régimes pro Etats Unis dans chaque pays. Que les régimes amis soient « démocratiques » ou pas est de seconde importance pour les impérialistes. L’Arabie Saoudite, le Pakistan sont des régimes particulièrement répressifs mais de sages valets des impérialistes.
Cette politique néocoloniale a plongé de nombreux pays dans le chaos. En réaction à cela, les courants de l’Islam politique tentent de se poser en ennemis des impérialistes. Mais le conflit n’est ni un conflit de civilisation, ni une guerre religieuse, c’est une lutte des impérialistes pour s’accaparer les richesses de la région et pour contrôler les états qui y sont. Se tromper d’analyse, c’est se tromper de stratégie, le fondamentalisme religieux pourrait devenir une impasse pour les peuples de la région.
USA et fondamentalistes, réellement ennemis ?
Bush et sa clique nous ont servi la théorie des « dominos ». L’Irak, une fois Saddam renversé, se transformerait en pays démocratique et entraînerait à sa suite les autres pays de la région. Rien de tout cela ne s’est passé. L’Irak s’est enfoncé dans le chaos, et connaît quasiment une guerre civile.
A l’exception notable du Hezbollah au Liban qui semble avoir adopté, ces dernières années, une politique beaucoup plus ouverte vis à vis des forces du mouvement ouvrier, les forces fondamentalistes se disent anti-impérialistes mais elles sont tout autant anti-ouvrières : répression de la grève des chauffeurs de bus à Téhéran, attaque d’usines occupées par des travailleurs par les miliciens de Moqtada al Sadr en Irak, interdiction des syndicats sous les Talibans en Afghanistan… Les fondamentalistes ont encore plus en horreur la lutte des classes que la lutte contre l’impérialisme… Les Talibans n’ont jamais été gênés par leurs liens avec les USA jusqu’à ce que ceux-ci, pour s’installer dans la région, chassent leur gouvernement (avec l’aide des pays de l’Otan).
La question pour les fondamentalistes ne serait pas économique, elle est soit disant religieuse. Certains, notamment dans la jeunesse, peuvent être attirés par de tels courants car les gouvernements réactionnaires arabes ont tous capitulé face à l’impérialisme. Pourtant, ce sont les deux faces d’une même médaille.
Réactionnaires à tous points de vue, les fondamentalistes sont également procapitalistes en dernière analyse, même si le capitalisme en Iran est moins féodal qu’en Arabie Saoudite… mais même Ahmadinedjab s’était fait élire en menant une campagne populiste contre les « 1000 familles » qui contrôlent l’économie iranienne, thème qu’il a depuis largement abandonné.
Le risque d’une guerre civile qui ne bénéficiera qu’aux impérialistes
Chaque courant fondamentaliste, voire parfois des courants plus modérés, accusent l’autre de ne pas respecter l’Islam. C’est en général la base de l’argumentation, et des motivations des guerres de religion. De manière aveugle, en Irak, des milliers de chiites sont assassinés par des attentats attribués à des fondamentalistes sunnites. En Palestine, le Hamas attaque les militants d’autres formations en arguant du fait qu’ils ne sont pas de « bons musulmans ». Le climat de guerre civile larvée en Palestine fait le jeu du colonialisme israélien.
Enfin, en se plaçant sur le terrain voulu par les occidentaux d’un conflit entre le « bien et le mal » ou d’une guerre de « civilisation », les fondamentalistes contribuent à masquer les raisons profondes de la politique des impérialistes : le contrôle de la région et de ses richesses au bénéfice de la classe capitaliste. Cela masque que les pays impérialistes eux-mêmes ont leur économie basée sur l’exploitation des travailleurs qui y habitent. Cela empêche le lien entre les travailleurs des pays impérialistes et ceux des pays dominés pour lutter ensemble contre le capitalisme.
Même s’il a l’air anti-impérialiste, l’Islam politique n’est pas une issue pour les travailleurs, les jeunes, les paysans pauvres, et bien sûr, pour les femmes… La seule véritable force anti-impérialiste, ce sera la reconstruction d’organisations ouvrières de masse, indépendantes, luttant contre le capitalisme, pour une société socialiste où la religion ne sera plus une arme au service des classes dirigeantes mais le libre choix de chacun.
Par Alex Rouillard