Covid-19: accélérateur du pourrissement du capitalisme

La première vague de la crise sanitaire a frappé sévèrement une économie capitaliste mondiale qui accumulait déjà des signes de ralentissement et de nouvelle crise. Si l’après-confinement a permis une reprise partielle de l’activité, soutenue par les aides massives d’argent public, il n’y a pas vraiment d’espoir dans un rebond réel et pérenne de l’économie. On assiste à une « libanisation » économique, sociale et politique du monde.
Pour l’OCDE, la crise économique actuelle est la pire depuis les années 1930. Le 10 avril dernier, la Banque mondiale estimait que la production était inférieure de 20 % à ce qu’elle aurait dû être sans la pandémie. Avec un taux de croissance mondial en berne durablement, négatif pour 2020 entre -4,9 % (FMI) et -7,6 % (OCDE), les capitalistes vont tenter de faire payer durement la crise à la classe ouvrière, pendant qu’ils continuent de s’engraisser, comme le prouve l’accroissement de leur fortune.
Dorénavant, la fortune cumulée des 2189 milliardaires dans le monde atteint 10 200 milliards de dollars ; nouveau triste record ! L’Organisation Internationale du Travail, l’OIT, estimait que durant le confinement du printemps dernier, 50 % des travailleurs du secteur informel, soit 1,6 milliards de personnes, spécialement dans les pays dominés, avaient perdu leur source de revenu. La fortune des 643 milliardaires US s’est accrue d’un tiers depuis le début de la pandémie (4,7 milliards de dollars par jour !), alors que dans le même temps 50 millions de personnes étaient licenciées et que 37 millions connaissaient la faim.

Chaos impérialiste généralisé

Dans ce contexte, et après une décennie d’austérité massive qui avait suivi la crise de 2007-2008, les marges de manœuvre des capitalistes se sont épuisées. Leurs représentants politiques sont discrédités et contestés partout dans le monde. De plus en plus de pays connaissent des révoltes populaires – Liban, Biélorussie, Indonésie, Kirghizstan, Nigeria, Thaïlande, etc. – violemment réprimées dans le sang. En Bolivie, malgré le coup d’État, ou au Chili, malgré la répression, la classe ouvrière a fait subir une défaite à la bourgeoisie sur le plan électoral ; en votant massivement pour un changement de Constitution au Chili et en virant les putschistes en Bolivie.
Les tensions entre pays impérialistes s’accentuent. Chaque gouvernement défend de manière de plus en plus âpre les intérêts de ses capitalistes nationaux, et de nouveaux foyers de confrontation voire de guerre entre pays impérialistes, au travers de pays périphériques (pour l’instant), apparaissent ou s’accroissent, créant toujours plus d’instabilité.
Durant les décennies précédentes, le moteur de l’économie mondiale était le couple sino-américain. La guerre commerciale que se livrent les États-Unis, qui connaissent un déclin de leur impérialisme, et la Chine, en difficulté, pèse sur la possibilité de retrouver un moteur de la croissance dans l’immédiat. La diplomatie US en Mer de Chine du sud, autour de Taïwan (qui a acheté des armes aux US) et de Hong-Kong, deux pays que le régime de Pékin considère comme des provinces chinoises, est un facteur aggravant dans les relations entre les deux pays. La Chine est par ailleurs impliquée dans une série d’accrochages militaires dans la région himalayenne du Ladakh.
Les tensions entre la Russie et l’impérialisme occidental en Europe de l’est se développent : après l’Ukraine, la Biélorussie. De la même manière, un nouveau terrain de tension en Méditerranée orientale s’est ouvert entre le régime d’Erdoğan, en difficulté économique, sociale et politique dans son pays, et l’Union européenne – principalement le gouvernement de la Grèce soutenue par celui de la France. Le risque d’accrochage et d’escalade militaire entre pays de l’OTAN n’est pas négligeable. Le conflit armé au Haut-Karabakh entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie résulte de l’influence croisée entre la Turquie, la Russie, l’Iran et l’impérialisme occidental dans la région – en particulier autour de l’acheminement du pétrole azerbaïdjanais de la mer Caspienne sur lequel se greffent les velléités d’indépendance des Arméniens d’Azerbaïdjan.
Le chaos que le Proche et le Moyen-Orient, ainsi que l’Afrique, connaissent depuis des décennies, s’étend au reste du monde. Si jusqu’à maintenant les pays impérialistes sont entrés en confrontation par pays périphériques interposés ou ensemble dans des théâtres d’agression impérialiste à l’égard de pays dominés, la dégradation de la situation économique (et politique) pourrait les entraîner dans des politiques de plus en plus belliqueuses directement.
Les capitalistes et leurs représentants politiques sont un facteur d’instabilité et de chaos croissant. La situation reste explosive. Une lutte entre les éléments de la révolution et de la contre-révolution se développe à l’échelle mondiale. L’alternative « socialisme ou barbarie » est toujours plus d’actualité aujourd’hui.

Par Yann Venier