Avec la crise du coronavirus, le fossé entre les intérêts de classe s’agrandit

Après la crise de la pandémie de coronavirus, les choses ne seront plus jamais les mêmes. La situation sera similaire à celle qui prévalait après les deux guerres mondiales du XXe siècle. La situation générale a déjà incontestablement « changé, complètement changé » !

C’est la rapidité des événements qui est l’une des caractéristiques les plus frappantes de la situation. Même l’ancien premier ministre britannique Gordon Brown, avec son pedigree New Labour, s’est mis à citer Lénine, comme l’a fait valoir le CIO, en disant que les événements de décennies de crise peuvent parfois sembler se concentrer en une semaine !

Dernière déclaration du Secrétariat International du CIO

Des mesures qui étaient considérées comme « socialistes » inacceptables, il y a quelques mois à peine, ont été désespérément adoptées par le capitalisme et ses gouvernements pour tenter de les sauver, eux et leur système, d’une catastrophe économique et sociale mondiale, notamment un soulèvement des travailleurs dans les pays industriels avancés et une révolte colossale dans le monde néocolonial.

Comme l’a déclaré un commentateur bourgeois en Grande-Bretagne, Rishi Sunak, le chancelier conservateur de l’Échiquier, a été « forcé de choisir entre la doctrine conservatrice et les émeutes de la faim, [et] a fait le bon choix ». Et quel était ce choix ? Un autre ministre du cabinet conservateur a répondu dans le journal Observer : « Nous venons de nationaliser l’économie ». Ce n’était pas tout à fait exact, mais ce qui est vrai, c’est que les conservateurs ont dépensé des milliards d’argent public – notre argent – pour soutenir leur système basé sur le profit privé et non sur la nécessité sociale. Cela s’explique en particulier par le fait que le système était menacé de s’effondrer et par l’explosion de colère des travailleurs qui seraient les plus touchés.

De plus, la crise a révélé de façon frappante que ce système a clairement échoué – surtout dans le domaine crucial du National Health Service (NHS: services public de la santé au Royaume-Uni NdT). Le Premier ministre Boris Johnson et ses acolytes vantent les mérites de « notre NHS », mais ils l’ont systématiquement privatisé et affaibli. Le NHS a été historiquement une création du mouvement ouvrier dans la période post-1945, lorsque les troupes et la classe ouvrière, en rentrant de la guerre, ont déclaré qu’ils ne retourneraient plus jamais dans le chômage de masse et aux privations de l’entre-deux-guerres. De plus, en créant le NHS, Aneurin Bevan a rencontré une résistance féroce de la part du parti conservateur et, à cette époque, des médecins, pour la plupart conservateurs. Bevan a admis que la seule façon de faire démarrer le projet était de « remplir la bouche des médecins avec de l’or », en leur permettant d’exercer une certaine forme de pratique privée lucrative. Plus tard, Thatcher a utilisé cette pratique comme un moyen de pression dans sa contre-révolution pour privatiser effectivement des sections importantes du NHS, ce qui l’a laissé dans un état affaibli. Ses initiatives destructrices ont été poursuivies et renforcées par Blair, Cameron et May.

La crise actuelle l’a bien montré et a directement contribué à la pénurie de lits d’urgence, de respirateurs et d’autres équipements vitaux, susceptibles de sauver des vies. L’austérité a fait payer un lourd tribut au NHS qui a perdu 44 % de ses lits de soins généraux et de soins aigus entre 1987-88 et 2018-19. Un chercheur en santé a déclaré au Financial Times que l’expansion du marché des hôpitaux privés sur 20 ans avait fourni « une excuse au gouvernement pour ne pas investir suffisamment dans les capacités de soins de santé… l’accord avec le NHS England était en fait un « renflouement » pour le secteur hospitalier privé du Royaume-Uni et ses propriétaires, qui comprennent des fonds d’investissement immobilier cotés en bourse ». Le prix est maintenant payé en Grande-Bretagne avec la terrible surpopulation des salles d’hôpital, mettant en danger les travailleurs du NHS et les patients, y compris avec la menace de mort. C’est là que mène la privatisation capitaliste impitoyable.

« L’invasion de la société socialiste »

Aux États-Unis, il n’existe même pas de service national de santé, Trump s’opposant aux soi-disant « soins de santé socialistes ». Cela a mis en danger les plus pauvres de la classe ouvrière américaine qui ne peuvent pas se permettre des régimes de santé privés punitifs. Cela a même conduit au début de la révolte contre ce système inique et ses partisans comme Trump. Elle a montré toutes les insuffisances de la propriété privée et du capitalisme, ce qui a même posé la question d’une intervention urgente de l’État dans cette crise. C’est Friedrich Engels qui, lorsque l’État bourgeois a été contraint d’intervenir et de secourir les industries défaillantes par le biais de la nationalisation, a décrit cette situation comme « l’invasion de la société socialiste ». Le capitalisme n’était plus capable de faire le travail et devait être sauvé par la nationalisation par l’État capitaliste. Cela soulève à son tour la question de la prise de contrôle de la plus grande partie de l’industrie. L’idée d’une planification socialiste organisée est alors posée.

Sous les coups de la situation économique désespérée – en particulier pour les pauvres et la classe ouvrière – des développements assez inhabituels ont lieu actuellement aux États-Unis. Le Financial Times décrit comment « un texte législatif peu utilisé en temps de guerre a pris le devant de la scène dans la bataille de plus en plus âpre entre Donald Trump et les critiques qui accusent le président de ne pas en faire assez pour lutter contre les coronavirus ». Les fournitures d’équipements tels que les masques de protection et les ventilateurs des hôpitaux se sont raréfiées. Les démocrates et même certains républicains ont critiqué sa réticence à utiliser la loi sur la production de défense, en vertu de laquelle les entreprises peuvent être obligées de fabriquer certains produits, pour pousser les grandes entreprises au service de la lutte contre la pandémie. Trump a maintenant été contraint d’invoquer cette loi en ce qui concerne General Motors. Plus d’une centaine d’experts en sécurité nationale ont écrit au président pour qu’il utilise immédiatement la loi, avertissant que le secteur privé « n’a pas la capacité de traiter les demandes entrantes, de donner la priorité aux besoins les plus urgents et de coordonner avec d’autres entreprises ». En outre, les syndicats américains ont ajouté leur voix, le président de la Fédération américaine du travail et du Congrès des organisations industrielles ayant déclaré sans ambages que « les efforts fragmentaires actuels de l’administration pour augmenter la production de masques et de ventilateurs N95 n’ont pas fonctionné et, franchement, ne fonctionneront pas ».

Leur intervention fait suite à des avertissements similaires de Joe Biden, désormais en tête des primaires présidentielles du Parti démocrate, avec Andrew Cuomo, le gouverneur de l’État de New York. Trump a refusé de le faire car « il ne veut pas nationaliser certaines parties du business américain ». Il se dit maintenant « président en temps de guerre » mais refuse d’utiliser des mesures déjà prévues par la loi pour une situation comme celle-ci !

Le même entêtement idéologique se manifeste dans la détérioration de la situation économique aux États-Unis où plus de trois millions d’Américains ont déposé une demande d’allocations de chômage la semaine dernière, « un record qui offre la première image nationale des dommages causés à l’économie américaine par l’arrêt de l’économie dû au coronavirus ». Le nombre de demandes de chômage est passé de 282 000 la semaine précédente à 3,3 millions : « Les données ont éclipsé les prévisions consensuelles de 1,7 million, montrant l’ampleur stupéfiante des pertes d’emplois au cours de la première semaine complète de demandes d’allocations depuis que les villes et les États ont commencé à restreindre les rassemblements publics et, dans certains cas, ont ordonné aux résidents de rester chez eux ». Il s’agit de la plus forte augmentation hebdomadaire des demandes de chômage depuis que le gouvernement a commencé à publier des statistiques en 1967. Un économiste du Labour a commenté : « C’est un chiffre impossible à comprendre. Nous venons d’anéantir un an et demi de croissance de l’emploi… La chose la plus importante à retenir est qu’il s’agit d’une sous-estimation des personnes en souffrance ». Les économistes d’Oxford Economics ont prédit 15 à 20 millions de pertes d’emplois dans les semaines à venir. Jay Powell, président de la Réserve fédérale, a déclaré que les Etats-Unis « pourraient » bien être déjà en récession ». Nous vivons un moment décisif pour notre génération », a ajouté Mohamed El-Erian, conseiller économique en chef chez Allianz.

Ce « président du temps de guerre » (qui a esquivé la guerre du Vietnam !) pourrait maintenant faire face à plus d’opposition aux élections présidentielles plus tard dans l’année qu’il n’aurait pu le prévoir. Compte tenu des 2 000 milliards de dollars qu’il a injectés dans l’économie, notamment sous forme de chèques envoyés dans chaque foyer et d’une augmentation des prestations pour les chômeurs pouvant aller jusqu’à quatre mois, il s’attendait clairement à une prime électorale. Cela pourrait encore se produire compte tenu de la faiblesse politique de Biden et d’autant plus que l’OIT (Organisation Internationale du Travail NdT) envisage désormais un scénario dans lequel près de 25 millions de personnes dans le monde pourraient perdre leur emploi par rapport aux 22 millions de pertes d’emploi pendant la crise de 2008 qui s’est déroulée sur une période beaucoup plus longue : « Les pertes d’emploi se matérialisent à grande vitesse ».

Les antagonismes nationaux de l’UE

Les antagonismes nationaux se sont maintenant accentués, même parmi les « partenaires » de l’UE sous l’effet de la crise. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a accusé les États membres de l’UE de « se soucier que d’eux-mêmes ». Elle les a accusés d’imposer des interdictions d’équipement et des restrictions aux frontières face à la pandémie. Elle a notamment souligné l’absence de réponse aux appels de fournitures médicales en Italie et les interdictions d’exporter des équipements vers d’autres États membres : Lorsque l’Europe a vraiment eu besoin d’un esprit « tous pour un », trop de gens ont d’abord répondu « seulement pour moi »… « Trop de gens ont d’abord refusé de partager leur parapluie. Mais il n’a pas fallu longtemps pour que certains ressentent les conséquences de leur propre action non coordonnée ». Elle a souligné que « l’Allemagne a d’abord restreint l’exportation de fournitures médicales vers d’autres pays de l’UE… Le gouvernement polonais a été critiqué pour avoir imposé une règle stricte de non-étranger qui a entraîné des milliers de kilomètres de refoulement à ses frontières ».

Dans le même temps, Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, a déclaré « il n’y a pas de limites à notre engagement en faveur de l’euro ». Comme l’a constamment fait valoir le Comité pour une Internationale ouvrière, face à une crise grave – et c’est une crise catastrophique – on ne peut exclure de nouvelles défections de l’euro. L’Italie, par exemple, est enfermée dans une camisole de force monétaire dont elle pourrait se libérer à tout moment. L’UE reste une « union » volontaire d’États indépendants, qui pourrait s’effondrer sous la pression de crises économiques et sociales profondes et croissantes. En outre, les antagonismes nationaux, tant au sein des blocs qu’entre eux, seront de plus en plus fréquents dans les années à venir.

Même à ce stade précoce de la crise pandémique, la bourgeoisie et ses stratèges politiques et économiques n’ont aucune idée précise de la voie à suivre. Il n’y a qu’une faible prise de conscience qu’il n y a pas de remède facile à court terme aux problèmes politiques et sociaux accumulés par le capitalisme mondial. Ils sont prêts à prendre des mesures sans précédent si nécessaire afin de sortir de l’impasse économique. Une fois de plus, des propositions qui ont été condamnées d’emblée hier sont maintenant sérieusement considérées comme des solutions à court terme à la catastrophe économique. L’« argent des hélicoptères » – distribuer de l’argent gratuitement – est dans une certaine mesure la politique officielle du gouvernement conservateur en Grande-Bretagne. Pourtant, lorsque Jeremy Corbyn et John McDonnell ont semblé le suggérer il y a quelques mois à peine, ils ont été condamnés d’emblée. Une fois que les conservateurs ont proclamé qu’il n’y avait pas d’« arbre à argent » pour payer les réformes. Maintenant, quand il s’agit de sauver leur système, ils ont découvert toute une forêt d’arbres à argent.

Maintenant terrifiés par la perspective non seulement d’une récession mais d’une dépression économique, ils envisagent les mesures les plus « extrêmes » pour arrêter le déclin économique. Les devins de l’économie comme Nouriel Roubini – qui était l’un des rares économistes bourgeois à avoir empiriquement anticipé la crise de 2007-2008, comme l’a fait le CIO – ont maintenant refait surface en prédisant que cette crise pourrait être plus profonde et plus durable ; en fait une dépression économique. Il affirme qu’elle ne sera pas en forme de V – une forte baisse et une reprise tout aussi forte – mais qu’elle prendra très probablement la forme d’un « L », voire d’un « I », ce qui signifie un effondrement complet sans aucune certitude quant à la date et à la manière dont elle se terminera. Il s’agit d’une baisse suivie d’une stagnation prolongée, en d’autres termes, d’une dépression. Larry Elliott, le rédacteur en chef du Guardian (Londres) spécialisé dans l’économie, soutient également que c’est le scénario le plus probable.

Quatre-vingt-dix ans se sont écoulés depuis la dépression économique des années 1930. Et comme l’a souligné un commentateur, il y a eu depuis lors un certain nombre de crises économiques, de profondeur et de gravité différentes, mais jusqu’à présent une seule dépression économique grave, qui a débuté aux États-Unis en 1929. Mais celle-ci n’a pas seulement été marquée par la stagnation économique, mais aussi par les répercussions politiques dans le monde entier, tant au niveau des opportunités offertes aux fascistes et à l’extrême droite pour prendre le pouvoir, et avant eux, au colossal mouvement révolutionnaire du mouvement ouvrier et syndical organisé, et les opportunités de façonner un mouvement de masse pour prendre le pouvoir.

La Grande Dépression des années 1930

Tout d’abord, dans les années 1930, de larges pans de la classe ouvrière ont été stupéfaits par la rapidité avec laquelle la crise économique s’est développée. Et alors que les mouvements de masse d’opposition existaient et se développaient, la « dépression » a découragé de nombreux travailleurs de prendre le chemin de la lutte. Ce n’est que lorsque l’économie a connu une certaine reprise – notamment aux États-Unis en 1934-36 – que le mouvement ouvrier s’est réveillé et a rejoint la lutte contre les patrons et la classe dirigeante en général. Aux États-Unis, la période de 1933 à 1936 a été marquée par un réveil industriel et politique titanesque de la classe ouvrière, notamment dans les nouvelles industries à l’époque de l’acier et de l’automobile, aux côtés des combattants traditionnels comme les mineurs, etc.

Dans le même temps, les syndicats traditionnels, apparemment moribonds, ont été réveillés et ont retrouvé une nouvelle vie. Les dirigeants syndicaux ont utilisé le « New Deal », avec le soutien tacite de Roosevelt, pour s’engager dans une campagne de recrutement colossale, au cours de laquelle trois millions de travailleurs, principalement dans les nouvelles industries, ont rejoint les syndicats. John L Lewis, le dirigeant de l’United Mine Workers of America, a produit des millions de tracts qui étaient légèrement « économe de la vérité » en proclamant : « Votre président veut que vous adhériez à un syndicat ». Cela a contribué à une énorme campagne de recrutement dans les syndicats. De plus, ce n’est pas un hasard si les trotskystes américains ont joué un rôle clé, notamment dans l’industrie automobile et dans le syndicat des camionneurs, comme le montre la magnifique série de livres commençant par « La rébellion des Teamsters » de Farrell Dobbs. Le SWP américain était à ce stade fermement sous l’emprise politique de Trotsky.

Il est peu probable que l’histoire se répète exactement sous cette forme ou même qu’elle prenne le même cours que dans les années 1930 avec la formation de nouveaux syndicats. Toutefois, le nombre de membres officiels des syndicats aux États-Unis est actuellement si faible que de nouveaux syndicats pourraient être créés et se développer. Mais la bataille à l’intérieur des syndicats déjà existants peut aussi préparer une nouvelle direction militante combattante qui peut mener au recrutement dans les syndicats existants, rénovés et démocratisés par de nouveaux combattants de la classe ouvrière. Cela peut à son tour conduire à la création de nouveaux syndicats qui se renforceront sous les coups de marteau des événements. Ceux qui se sont récemment séparés du CIO ne joueront probablement pas un rôle clé étant donné leur capitulation face à la politique identitaire et, en réalité, l’abandon du travail syndical. Ils s’avéreront incapables de trouver une voie d’accès aux meilleures sections de la classe ouvrière américaine qui seront réveillées de leur sommeil d’hiver par les coups du capitalisme américain, désormais dirigé par l’inepte Trump, largement perçu comme tel.

Larry Elliott a largement écrit sur la Grande-Bretagne, mais son analyse économique est en résonance avec la situation dans d’autres pays, en particulier aux États-Unis. Il a déclaré qu’un crash est inévitable…. « C’est comme si les lumières avaient été éteintes. L’économie mondiale a été plongée dans l’obscurité alors que les pays s’enfoncent… l’économie britannique est sur le point de se contracter de 15% au deuxième trimestre 2020. Ce n’est pas une récession, c’est un effondrement qui dépasse tout ce que l’on a connu dans les temps modernes, y compris durant la Grande Dépression ». L’ampleur de l’effondrement et du dilemme auquel sont confrontés les gouvernements de l’UE est illustrée par l’Allemagne qui a déchiré son règlement financier, en place depuis une décennie. La solidité budgétaire n’avait pas été sérieusement remise en question auparavant, mais elle est maintenant disparue, même en Allemagne.

Une catastrophe menace le monde néocolonial

La situation est bien plus grave, plus désastreuse dans le monde néocolonial, où une série de catastrophes nationales se profilent à l’horizon. Le gouvernement sud-africain a déjà déclaré que le pays était en « désastre national » et qu’il était en quarantaine depuis 21 jours, l’armée étant mobilisée pour contenir les « troubles » qui menacent les townships (guettos) africains. L’idée d’une distanciation sociale et d’un lavage régulier des mains pour contrôler le virus est tout à fait nécessaire et louable mais totalement utopique dans de larges pans du monde néocolonial sur la base du surpeuplement colossal de la population, en particulier dans les villages et les townships. À Lagos, au Nigeria, par exemple, il y a déjà 21 millions de personnes entassées dans des conditions indescriptibles. Le lavage régulier des mains, préconisé par toutes les autorités sanitaires pour éviter la propagation du virus, n’est pas possible dans des conditions où même se laver les mains une fois est un luxe.

À cela s’ajoute le risque d’une nouvelle crise de la dette dans les pays les plus pauvres du monde, avec des coûts d’emprunt en hausse en raison des risques d’accroissement de la dette et des exportations de matières premières frappées par la chute des prix du pétrole et d’autres matières premières. Les prix des matières premières ont chuté : le prix du cuivre a baissé de 21 % depuis le début de 2020, celui du pétrole de 61 % et celui du café de 15 %. Ces pays pauvres demandent que des mesures urgentes soient prises pour éviter les conséquences économiques du virus. Parmi les problèmes auxquels l’Afrique, qui est l’une des régions les plus durement touchées par la pandémie, est confrontée, on peut citer la faiblesse des systèmes de santé publique et la dépendance excessive à l’égard des exportations de matières premières, du tourisme et des envois de fonds de l’étranger vers les pays d’origine. Des appels ont été lancés en faveur d’un moratoire sur la dette de ces pays. Toutefois, la dette de ces pays pauvres, qui ont déjà été gravement touchés par la pandémie, devrait être annulée. Les 54 pays du continent le plus pauvre du monde, l’Afrique, sont les plus gravement touchés.

Nous n’en sommes qu’au début de ce processus dans le monde néocolonial où les demandes de reprise par l’État des industries en faillite peuvent trouver un soutien massif. Mais il est peu probable qu’un nouveau « plan Marshall » pour l’Afrique et les autres pays pauvres soit mis en place. Les « investisseurs privés » – autrement dit les sangsues capitalistes – ont retiré 83 milliards de dollars des marchés émergents à la suite de la chute catastrophique des prix des matières premières. Il faut maintenant exiger la reprise par l’État de l’industrie et des secteurs décisifs de l’économie à l’échelle nationale. Cela devrait à son tour conduire à l’appel à une confédération socialiste démocratique de toute l’Afrique.

Il est à noter que les sociétés qui ont évolué ou sont en train de se développer à partir d’industries largement étatisées ont géré la pandémie beaucoup plus efficacement que les pays capitalistes « normaux ». Par exemple, l’ancien État stalinien du Vietnam a été plus efficace que son voisin la Thaïlande. Cette dernière a agi de façon très inefficace avec les « étrangers » en dangers d’être bloqués, et a souvent exigé des frais exorbitants – une forme de rançon – de la part d’innocents, de jeunes et de touristes ayant peu d’argent. Ce n’est pas un hasard si la Chine a également géré les retombées de la pandémie plus efficacement – avec moins de victimes évitables – que d’autres États capitalistes d’Asie comme le régime de Modi en Inde. Comme nous l’avons signalé sur le site web du CIO, socialistworld.net, et dans Socialism Today, le régime Modi a récemment provoqué des affrontements communautaires et des meurtres de musulmans et d’autres personnes tout à fait innocentes après des protestations autour de la nouvelle loi sur la citoyenneté. Modi procède maintenant à des fermetures généralisées de lieux de travail dans un verrouillage de presque tout le pays. De graves pénuries alimentaires et de terribles souffrances pourraient en résulter, ajoutant aux épreuves et aux infortunes des masses indiennes qui souffrent depuis longtemps et alimentant le ressentiment massif qui existe déjà. Le traitement brutal des travailleurs migrants des campagnes, forçant des millions de personnes à quitter les villes sans revenus ni nourriture, a provoqué des émeutes et une répression brutale. C’est le plus grand mouvement de population depuis la partition du pays [qui donna naissance au Pakistan en 1947]. Les actions du gouvernement pour faire face à cette crise conduiront Modi à saper son soutien à un certain stade. Une révolte colossale venue d’en bas se prépare en Inde, comme dans l’ensemble du monde néocolonial, en opposition à la domination inefficace et cruelle des régimes dominés par les propriétaires terriens et les capitalistes.

Des périodes troublées de l’histoire

L’analyse qui précède nous amène à conclure que le monde entre dans l’une des périodes les plus perturbées de l’histoire – où le monde entier peut être ravagé dans une mesure ou une autre par la pandémie – avec des conséquences néfastes colossales. Dans le même temps, cela soulignera l’incapacité, l’inefficacité et le caractère carrément réactionnaire de la propriété privée capitaliste des moyens de production et du contrôle de l’État. L’idée d’un marché sans entrave comme meilleur moyen d’organiser la production et la distribution a déjà subi un énorme coup idéologique. Dans la période à venir, la classe ouvrière et ses organisations devront aborder la question de la réorganisation de la société selon les lignes socialistes avec un contrôle et une gestion démocratiques de chaque niveau de l’économie.

En même temps, le mouvement indépendant de la classe ouvrière et son adhésion à un programme de lutte des classes seront repris par des millions de travailleurs dans toutes les régions du monde, aussi bien dans les pays dits avancés (industrialisés) que dans les pays et continents terriblement opprimés et exploités du monde néocolonial. Jusqu’à récemment, des despotes réactionnaires comme Bolsonaro au Brésil, Trump aux États-Unis et Modi en Inde semblaient donner le ton. Bolsonaro a fait écho à Trump en se vantant qu’il « ne ressentirait rien » s’il était infecté par le virus et « a gâché les efforts pour contenir la maladie par des quarantaines à grande échelle alors que les deux plus grandes villes de son pays étaient fermées dans une tentative désespérée de sauver des vies ». [Guardian]. Il a affirmé dans un discours de cinq minutes à la nation qu’il était plus important de contenir la panique et l’hystérie, et a appelé à la fin des mesures de confinement imposées dans certains États. Cela a déclenché des protestations et des manifestations d’opposition, dont une déclaration : « Nous n’avons pas de président – nous avons un clown qui ne sait pas ce qu’il fait » ! Les échos de Trump !

Cela a incité même les gangs des favelas à se rendre sur WhatsApp et à chercher à prendre la situation en main en exhortant les habitants des bidonvilles densément peuplés à « rester chez eux ou sinon… ». En d’autres termes, à leur manière, ils essayaient de protéger la population du virus, ce que Bolsonaro a refusé de faire, décrivant la pandémie comme de simples « reniflements ». Le Financial Times décrit l’incroyable négligence en montrant l’intervention indépendante des pauvres occupants des favelas et même des gangs pour rechercher un minimum de sécurité. Il rapporte qu’à Sao Paulo « la plupart des gens sont des travailleurs indépendants et commencent à s’inquiéter de ce que sera demain sans argent ni nourriture » ! Déjà, la position de Bolsonaro suscite de grandes protestations et alimentera une révolte contre lui et son gouvernement. Compte tenu de l’histoire du Brésil, qui, dans le meilleur des cas, est une cocotte-minute prête à exploser, on peut s’attendre à des soulèvements de masse ici et dans d’autres parties de l’Amérique latine, comme le montre l’exemple du Chili, que nous avons rapporté.

Ces clowns et despotes sont déjà politiquement exposés comme étant incapables de comprendre la pandémie ou de prendre les mesures nécessaires pour défendre la population. Sur le plan économique, les choses peuvent empirer avant de s’améliorer sur le plan politique. Il en résultera des mouvements de masse dans le monde entier qui chercheront à redécouvrir les véritables idées du socialisme – organisé sur une base démocratique et ouvrière – dans un mouvement visant à changer le monde !