Contre argumentaire au projet du gouvernement

Pour faire accepter son attaque, le gouvernement Raffarin n’hésite pas à tirer sur les cordes, les plus mauvaises, du film catastrophe. Notre beau pays serait menacé par un blob, à la forme plus ou moins définie mais à l’avancée inexorable et terrifiante : le gouffre de la sécu !

Article paru dans l’Egalité n°107

Les ficelles sont grosses mais l’attaque est d’ampleur. Réduire la solidarité à une peau de chagrin et offrir les parties rentables de ce marché potentiel au privé.

La méthode est simple : c’est une fusée à trois étages. Le premier, la sécu (AMO, Assurance maladie obligatoire), puis l’Assurance maladie complémentaire de Base et enfin une surcomplémentaire. Le Medef, pour sa part , œuvre pour l’entrée du privé dès le premier étage, les prestataires choisissant le plus avantageux. Le système de solidarité laisserait place ainsi au système de la concurrence et du profit.

Le trou de la sécu : mythe ou réalité ?

Les dépenses de santé représentent environ 135 milliards d’euros. L’assurance maladie en assure 75 %, contre 12 % pour les complémentaires, le reste étant à la charge des patients.

Il y a un déficit de 11 milliards pour l’assurance maladie. Mais de quoi parle-t-on ? Pour un budget équivalent, le déficit de l’Etat, lui, atteindrait les 75 milliards d’euros. Alors pourquoi cet acharnement sur la sécu si ce n’est pour détruire ce système qui frustre les capitalistes d’un marché juteux ?

La faute à l’irresponsabilité de la population ?

La principe gouvernemental est simple : si l’on veut punir quelqu’un, mieux vaut le convaincre de sa culpabilité. Aussi médias et politiques nous déversent sans cesse leur poison idéologique : «les Français prennent trop de médicaments, ils font les enfants capricieux, ils brisent par leur attitude irresponsable notre beau système.»

S’il y a surconsommation, il ne faut pas oublier que ce sont les entreprises pharmaceutiques qui s ‘assurent les plus grandes marges de profit en poussant les médecins à prescrire et les malades à surconsommer.

Alors certes depuis 1990 les dépenses de médicaments ont augmenté de 63 % en France, mais en même temps l’Etat autorise ces entreprises à vendre un nouveau médicament, qui pourtant ne correspond pas à une réelle innovation, 35 fois plus cher que les anciens médicaments ! A ce rythme on ne s’étonne plus de voir le coût des médicaments occuper un quart de l’assurance maladie.

La faute à un système de solidarité inadapté ?

Ce dont souffre l’assurance maladie, c’est d’un manque de recettes et non d’une inadaptation à la société actuelle. Tout d’abord l’augmentation du chômage joue le rôle d’un frein dans le développement des ressources de la sécu. En effet on estime que 100000 nouveaux emplois lui rapporteraient 1.3 milliards. La stagnation des salaires également : 1 % d’augmentation généralisée des salaires aboutirait à 2.7 milliards d’euros supplémentaires d’euros.

Curieusement nos chantres du capitalisme, et (bien sûr !) de la sauvegarde de la sécu, ne semblent guère sensibles à ces analyses. Il faut aussi tenir compte également des multiples cadeaux aux patrons, faits par les gouvernements de droite comme de gauche, en matière d’exonérations des charges sociales. Aujourd’hui elles atteignent la somme de 20 milliards d’euros dont une partie n’est pas compensée par l’Etat. Ce qui signifie un manque à gagner pour la sécurité sociale de 3 milliards par an auxquels s’additionnent chaque année les 2 milliards d’euros de charges impayées par les entreprises.

Et ce alors que la part des cotisations patronales (qui, de surcroît, ne sont en fait qu’une partie du résultat de la production des travailleurs volée par les patrons) n’a cessé de baisser et celle des salariés n’a cessé de croître.

Aussi, à travers la lutte pour la sauvegarde ou la destruction de la sécu, se dessine le prisme de la lutte des classes. Car la permanence d’un système de solidarité, même très imparfait, est intolérable pour le patronat et ses sbires alors que le capitalisme est en pleine crise et que les profits doivent être pourtant maintenus et développés pour les actionnaires. Ce qu’ils récusent économiquement, c’est leur exclusion d’un domaine qui pourrait être la source d’une manne financière de grande ampleur.

Ce qu’ils récusent idéologiquement, c’est la possibilité sous le capitalisme de voir un domaine hors du marché et de la concurrence, géré non pas selon des exigences de rentabilité mais selon la réalisation des besoins des assurés.

Par conséquent, il est clair que des conditions de vie décentes et l’accès total aux soins n’est pas réalisable sous le système capitaliste. Seule peut le réaliser une société où l’économie est gérée par les travailleurs et selon les intérêts du plus grand nombre, où la loi du profit et l’oppression d’une classe par une autre ont disparu : le socialisme.

Par Genevièvre Favre