Le XIXème siècle voit se développer les mutuelles et l’aide sociale. Mais ceci ne touche encore qu’une minorité de la population. Face à cette limitation, des volontés se manifestent vers le début du XXème siècle, pour légiférer sur l’assurance obligatoire de certains risques sociaux : accidents du travail avec responsabilité de l’employeur, en 1910 l’assurance vieillesse pour les salariés du commerce et de l’industrie, en 1930 assurance contre les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès pour les titulaires d’un contrat de travail.
Article paru dans l’Egalité n°107
Mais c’est au sortir de la seconde guerre mondiale que s’établit la forme moderne de sécurité sociale. Les objectifs : unifier et homogénéiser la sécurité sociale, l’étendre à toute la population, et développer sa surface de couverture. Ainsi la loi instaure le remboursement à 80 % des frais médicaux, elle prévoit des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, le droit à une retraite. De même elle met en place une palette d’allocations familiales, prénatales,… pour tous et sans distinction de ressources. Plusieurs catégories de salariés refusèrent d’adhérer au régime unique. Des régimes différents se sont installés: mutualité sociale agricole et régimes spécifiques (fonctionnaires, marins, cheminots, mineurs etc..).
La Sécu est une avancée pour les salariés mais elle a été établie dans un contexte où la bourgeoisie au pouvoir, face aux risques pour elle d’un climat pré-révolutionnaire, cherchait à acheter la paix sociale avec la classe ouvrière. Dans un climat où le PC collaborait avec De Gaulle autour de la «grande idée» de l’unité entre les deux classes autour de la reconstruction de la France, bourgeoisie et patronat n’ont pas tardé à chercher à remettre en cause ce qui avait été concédé. Ainsi la bourgeoisie a toujours œuvré pour séparer l’assurance chômage de la sécurité sociale. Dans la même optique, dès 1949, le MRP réalise la séparation entre les prestations familiales et la sécurité sociale, ôtant ce domaine de l’aide sociale du contrôle (théorique) des salariés pour le confier à l’Etat.
Cette attitude de la bourgeoisie était déjà apparue dans l’élaboration du mode de gestion des caisses d’assurance sociale. Le projet de la confier uniquement aux syndicats a été immédiatement battu en brèche par les représentants des capitalistes. C’est un système d’administrateurs élus par les assurés qui lui fut préféré, avec à l’origine 75 % des sièges réservés aux représentants des salariés. Et, dès 1967, des ordonnances instaurent le système du paritarisme entre les élus des salariés et ceux des patrons, qui donne une position de contrôle au patronat.
Mais le système de sécurité sociale a dû souffrir également de la bureaucratisation et de la trahison des organisations traditionnelles des travailleurs. La présidence de la Caisse nationale d’assurance maladie a été détenue par FO puis en 1996 par la CFDT. Il n’y a pas eu d’élections des représentants de salariés depuis 1983 et la bourgeoisie a su organiser le système et s’allier avec les directions syndicales pour défendre ses intérêts. Certaines directions syndicales majoritaires jouent un rôle de gestionnaires de l’aide sociale, même s’il est contradictoire avec la défense des intérêts des salariés. La réforme des retraites, approuvée l’an dernier dès la première heure par Chérèque, le rôle de temporisateurs du mouvement social de Thibault et de Blondel, en sont une douloureuse mais pertinente démonstration.
Par Geneviève Favre