La sécurité sociale est une vieille revendication des travailleurs. Bénéficier d’une protection collective est une arme de défense que les patrons voudraient nous retirer.
Article paru dans l’Egalité n°107
Individualiser la protection sociale n’est pas qu’une affaire de profit, c’est également fragiliser les travailleurs, les mettre en situation de concurrence entre eux, accentuer les inégalités permettant de perpétuer l’ordre social actuel. On le voit aux Etats-Unis où 43 millions d’américains n’ont plus aucune couverture sociale : les pauvres sont assurés de le rester de génération en génération. C’est pour cela que face aux risques que nous fait courir le capitalisme (chômage, maladie et accidents), les travailleurs ont toujours lutté pour une protection collective par un système d’assurance sociale : assurance maladie et assurance chômage. A cela s’est ajoutée la nécessité de compenser les inégalités par les allocations familiales, et de garantir une retraite dès que l’ont devient improductif aux yeux du système capitaliste.
Ce sont là les piliers de la protection sociale qui ne peut être que collective tant pour des raisons de luttes contre les inégalités que pour des raisons économiques et sociales (réduction des coûts de la protection sociale notamment). C’est bien ce qui gêne le plus les capitalistes qui veulent individualiser tout cela, de manière à le rendre économiquement profitable pour eux, donc coûteux et inégalitaire pour nous. De tout temps, ils ont essayé de contrôler la protection collective pour ensuite la réduire. La lutte pour une authentique protection sociale sous le capitalisme n’est pas dissociable de la lutte pour une alternative à ce système, le socialisme. Ce ne peut être qu’un point d’appui qui renforce les travailleurs dans leur lutte collective et dans la conscience qu’ils forment une classe aux intérêts complètement opposés à ceux des capitalistes. Car ce que nous vivons actuellement n’est que le début d’une offensive visant à détruire intégralement la sécurité sociale comme protection collective des travailleurs et de leur famille.
Quels axes de revendication ?
C’est par des cotisations sur notre salaire direct (déduites du salaire brut) ou indirect (appelées cotisations patronales, et non charge) qu’est financée la sécu car seul le travail humain est créateur de richesse. L’augmentation des cotisations patronales en cas de manque est le seul moyen d’augmenter les recettes de la sécu en prenant sur les profits. Car tout centrer sur la taxation des capitaux ou des profits est un piège : cela ne peut que favoriser les magouilles de compte et l’évasion fiscale.
Seule une Sécurité sociale organisée et gérée par les travailleurs eux-mêmes, sans les patrons, peut remplir ce rôle et apporter une véritable protection équitable. Ni l’Etat ni le patronat ne doivent avoir à mettre le nez dedans. Cela implique le refus du «paritarisme» organisé par De Gaulle en 67 (50% des sièges dans les conseils d’administration des différentes branches de la sécu sont réservés aux organisations patronales, contre 25% en 1945) : 100 % des sièges doivent être détenus par les représentants des travailleurs. Une seule caisse pour toutes les prestations et non quatre comme aujourd’hui car il n’y a pas de branche plus importante qu’une autre : maladie, vieillesse, chômage et familles doivent être gérées comme les aspects d’une seule et même protection sociale.
Dans les prochaines luttes contre le démantèlement de l’assurance maladie, comme dans celles contre les privatisations, les licenciements ou pour les salaires, ce sont ces axes-là qu’il faut rendre concrets, en exigeant que les syndicats quittent les négociations bidons.
La sécu est un acquis précieux, quasi unique en son genre dans le monde. Imposer des embauches ou des augmentations de salaire résorberaient les déficits mais pour combien de temps ? Lutter pour défendre la sécu est indissociable de la lutte contre le capitalisme. Si les travailleurs ont pu obtenir une sécurité sociale de cette qualité, c’est parce que les capitalistes préféraient lâcher cela plutôt que de tout perdre. C’est cette même menace qui assurera la victoire de la lutte pour une réappropriation de la sécurité sociale sous le contrôle exclusif des travailleurs, par l’élection démocratique de leurs représentants.
Par Alex Rouillard