En 1924, en Russie soviétique, une clique bureaucratique s’installe au pouvoir autour de Staline. La situation économique et sociale du pays est particulièrement difficile. L’URSS est le seul pays débarrassé du capitalisme dans le monde. Lénine est gravement malade. L’isolement, l’économie dévastée par la guerre civile et par l’intervention des pays impérialistes, et la perte de milliers de bolcheviks, ont permis l’émergence d’un processus de contre-révolution politique. Ce qui a permis la constitution d’un régime bureaucratique effroyable. Staline théorisa de cette situation unique l’idée du « socialisme dans un seul pays », qui est profondément réactionnaire et anti-marxiste.
La figure dirigeante de la Révolution d’octobre aux côtés de Lénine, est Léon Trotski. Celui-ci s’oppose à Staline et à la caste bureaucratique qui prend le pouvoir dans le parti bolchevik et dans le pays. Il est un des initiateurs de la tendance de l’Opposition de gauche créée en octobre 1923 et qui s’exprimera en janvier 1924 au congrès du parti communiste de Russie.
Lénine était conscient des dangers de la dégénérescence bureaucratique du régime. Avant sa mort, il avait échangé avec Trotski pour s’opposer à Staline et lutter contre cette bureaucratisation croissante. Mais le temps manque. Lénine est terrassé par une autre attaque cérébrale.
Une campagne stalinienne massive pour écraser l’Opposition de gauche et le « trotskisme »
En octobre 1923, Trotski écrit une lettre au comité central confirmant l’analyse du cours désastreux du régime interne du parti et des dérives bureaucratiques qui se généralisent. Puis, dans la « Déclaration des 46 », des dirigeants bolcheviks dénoncent aussi cette situation par une lettre secrète envoyée à l’exécutif du Comité central (CC) du Parti communiste de l’Union soviétique le 15 octobre 1923. Ils disent : « C’est un fait bien connu de chaque militant. Les membres du parti mécontents de telle ou telle décision […] ont peur d’en parler dans les réunions du parti – la libre discussion au sein du parti a pratiquement disparu, l’opinion publique du parti est paralysée. » Le parti cesse d’être un organe vivant d’action et de discussions. Dès 1923, après que Lénine, malade, n’est plus membre du comité central, une campagne contre le « trotskisme » est lancée par Staline qui voit en Trotski son principal opposant. Il s’appuie alors sur Zinoviev et Kamenev pour mieux les attaquer ensuite.
La politique désastreuse des staliniens fait échouer des révolutions dans le monde
L’idée réactionnaire du socialisme dans un seul pays a des conséquences dramatiques. La politique de Staline est criminelle pendant la révolution chinoise. Le parti communiste chinois est contraint, contre son gré, d’adhérer au Kuomintang, le parti nationaliste chinois bourgeois, et de se soumettre à sa discipline militaire. La création de soviets est interdite.
En avril 1927, Staline prône encore cette politique de coalition avec la bourgeoisie. Quelques jours plus tard, Tchang Kaï-chek noie dans le sang les ouvriers de Shanghai et le parti communiste. Ces événements font suite aux défaites de la révolution allemande en 1923 et de la grève générale en Grande-Bretagne en 1926. La situation internationale est donc difficile et cela aide Staline à consolider sa position. Il en sera de même dans les années 1930 face à la montée du fascisme, où le renvoi dos à dos des fascistes et de la social-démocratie désarmera les classes ouvrières les plus organisées d’Europe. L’arrivée au pouvoir d’Hitler en Allemagne, en 1933 ne provoque pas de réaction décisive dans le mouvement ouvrier. Les politiques imposées par Staline, qui avaient abouti à cette énorme défaite, ne sont pas contestées dans l’Internationale communiste. Ceci amènera Trotski à conclure que les partis communistes ne pouvaient plus être réformés et qu’il fallait construire une nouvelle internationale.
La révolution est trahie, mais les idées révolutionnaires persistent !
Entre 1936 et 1938, Staline déclenche les grands « procès de Moscou » en particulier contre l’Opposition de gauche. Des milliers d’opposants à Staline, dont certains partisans de l’Opposition, sont arrêtés, battus et torturés, certains dans les goulags à Vorkouta.
En 1936, Trotski publie son ouvrage essentiel sur le stalinisme, La révolution trahie, dans lequel il analyse le régime bureaucratique stalinien en Union soviétique. Puis il prend la décision de fonder une IVè Internationale (créée près de Paris, à Périgny-sur-Yerres, en 1938 dans une grange !). À cette étape, Trotski rédige le Programme de transition ou l’agonie du capitalisme et les tâches de la IVè Internationale, qui est toujours crucial aujourd’hui pour les marxistes.
En exil, Trotski travaillait beaucoup et s’impliquait dans les débats politiques du mouvement révolutionnaire mondial (avec le POUM pendant la guerre d’Espagne, avec le SWP aux États-Unis comme avec les différents groupes trotskistes en France de Molinier, Franck ou Naville). L’héritage de ce travail continue aujourd’hui, avec les activités et le programme défendu par le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO/CWI) et la Gauche révolutionnaire en France.
Leïla Messaoudi
Chronologie
- L’Opposition de gauche de 1923 à 1927 est une tendance dans le parti Bolchévik de Russie qui combat la bureaucratisation au sein du parti et a de nombreux soutiens dans le pays.
- En 1925, Trotski est poussé à démissionner de ses fonctions de commissaire du peuple à la guerre.
- En 1927, Staline pousse Trotski à l’exil à Alma Ata au Kazakhstan.
- En octobre 1927, les derniers membres de l’Opposition sont exclus du comité central du Parti. En novembre, Trotski et Zinoviev sont exclus du parti. En décembre, le XVe congrès déclare l’Opposition de gauche et le « trotskisme » incompatibles avec les conceptions du Parti. Des milliers de partisans de Trotski et de l’Opposition de gauche sont emprisonnés et exécutés.
- Trotski est banni de l’Union soviétique en 1929 et doit s’exiler.
- Il atterrit au Mexique où l’asile leur ai accordé à lui et sa femme Natalia, dirigeante révolutionnaire infatigable. Mais cela ne suffit pas à Staline. Il ordonne l’assassinat de leur fils Lev, actif dans l’Opposition de gauche. Sergueï, resté en Union soviétique, est envoyé au Goulag alors qu’il n’est même pas actif en politique. Trotski est assassiné le 21 août 1940 sur les ordres de Staline. Mais ses idées ont survécu.
