Réforme ou Révolution ?

A la fin du 19ème siècle, un courant est apparu dans le mouvement ouvrier. Celui-ci, révisant la théorie de Marx et se basant sur les réussites électorales des socialistes en Allemagne avança l’idée qu’on pouvait aller au socialisme par des réformes sociales progressives.

Article paru dans l’Egalité n°108

Oubliées les leçons de la Commune de Paris, une simple victoire électorale devait suffire. Bernstein fut le fondateur de ce courant dont Rosa Luxembourg a brillamment montré l’absence totale de fondement théorique dans « Réforme sociale ou Révolution ». Les réformistes se sont ensuite illustré par l’ acceptation de la première guerre mondiale puis par la trahison systématique des intérêts des travailleurs. Le socialisme n’étant jamais à l’ordre du jour pour ce courant, les travailleurs doivent toujours attendre, puis accepter des sacrifices pour finalement être vaincus.

Durant tout le 20ème siècle, les réformistes ont inlassablement reproduit les mêmes actions et les mêmes mensonges pour le même résultat : une victoire des capitalistes contre les travailleurs. Dans certains les pays, cela s’est même terminé dramatiquement par la mort de dizaines de milliers de personnes. Partout la victoire des capitalistes a permis une offensive ultralibérale que nous subissons encore aujourd’hui.

Car le réformisme n’est pas une voie pacifique vers la fin de la société d’exploitation, c’est une capitulation plus ou moins rapide devant les capitalistes. Aujourd’hui, plus un seul de ces courants réformistes n’avance la perspective du socialisme. Le réformisme est arrivé à la fin de son évolution : ce n’était pas une autre voie vers le socialisme mais bien une voie pour faire accepter le capitalisme aux travailleurs.

Les dangers aujourd’hui

L’assez faible niveau de lutte des travailleurs permet aux réformistes de faire encore illusion. Et les dirigeants de syndicats, d’associations comme Attac sont entièrement imprégnés de ces idées envoyant sans cesse les travailleurs sur de fausses pistes de lutte, conduisant au mieux à des semi-défaites.

Le réformisme reposait sur l’idée qu’une conquête progressive du pouvoir d’Etat, un renforcement des syndicats et l’obtention de réformes favorables aux travailleurs pouvait se faire de manière continue aboutissant ainsi au dépassement du capitalisme. Aujourd’hui, ils disent qu’il suffirait d’un contre- pouvoir, de la transparence dans les décisions des capitalistes etc. pour modifier le fonctionnement de l’économie. Ce néo-réformisme va beaucoup moins loin que son ancêtre : il ne parle même plus de nationalisation des principaux secteurs de l’économie ; il se contente de quelques services comme l’eau, l’éducation ou la santé. Mais la base est la même : l’Etat serait neutre, et avoir une majorité d’élus à l’Assemblée nationale en faveur de ces mesures suffirait.

Le premier mensonge repose évidemment sur la question de l’Etat. Celui-ci n’est ni neutre ni une sorte d’arbitre entre les classes sociales, comme veulent le faire croire les réformistes, ni même une entité agissant indépendamment des classes existantes, de manière autonome, comme le croient les anarchistes. L’Etat n’est qu’un instrument au service de la classe dominante, les capitalistes. On ne saurait donc le conquérir dans le cadre du capitalisme, et il ne disparaîtra pas tant qu’il existera des classes sociales.

Les marxistes sont pour tout ce qui peut améliorer les conditions de vie et les moyens de lutte des travailleurs. En ce sens nous sommes pour arracher aux capitalistes des réformes comme la Sécurité sociale par exemple. Mais nous les gagnons par la lutte, en les imposant par un rapport de force, pas en nous adressant à l’Etat, aux patrons ou au gouvernement comme à des partenaires. Et surtout, nous ne présentons pas ces réformes comme une étape vers le socialisme. Celles-ci sont des moments de lutte, pour montrer aux travailleurs que ce sont eux qui renverseront le capitalisme. Les victoires partielles sont des points d’appuis pour renforcer la classe ouvrière, pour élever son niveau de conscience, de combativité…

Pour cela il faut, des organisations syndicales mais surtout un parti qui donne une vision globale à tout cela, et avance dans la perspective de la conquête du pouvoir par les travailleurs pour l’établissement du socialisme.

Les idées réformistes vont-elles disparaître ?

Le réformisme a pu durer pour une raison fondamentale : la victoire de Staline et de sa clique en URSS. En effet, cela a eu pour effet que tous les partis liés à Staline ont agi à chaque fois pour préserver les intérêts de la bureaucratie stalinienne. La plupart du temps, cela voulait dire défendre des réformes tout en ne menant pas les travailleurs à la révolution socialiste. Dans le même temps, les capitalistes craignaient la classe ouvrière et préféraient faire des concessions plutôt que de voir l’économie être nationalisée comme en URSS. Les réformistes socio démocrates ont abondamment profité de la crainte de l’Union Soviétique pour octroyer des améliorations sociales et ainsi justifier que le socialisme pouvait attendre.

Cette situation est complètement révolue désormais. L’URSS ne joue plus son rôle à la fois positif et négatif. Les réformistes n’ont plus d’espace pour manœuvrer, car la moindre réforme réellement en faveur des travailleurs est inacceptable pour les capitalistes. Les anciens réformistes sont devenus des serviteurs non masqués des capitalistes. Les gains que peuvent enregistrer les travailleurs leurs sont repris plus rapidement que jamais. L’exemple de Lula au Brésil est particulièrement frappant : il ne lui aura fallu que quelques semaines pour prendre les premières mesures contre les travailleurs.

Mais si les réformistes n’ont plus d’espace aujourd’hui, les illusions réformistes demeurent. Toute mesure qui n’est pas suffisamment clairement présentée comme un pas vers le socialisme, est particulièrement dangereuse car elle implique l’acceptation du capitalisme. Le réformisme va continuer à embrouiller les consciences de nombreux travailleurs mais déjà de plus en plus voient qu’il n’y a pas d’issue dans le capitalisme. Dans les grèves, dans les luttes, dans les grands moments de mobilisation, c’est les idées et les méthodes qui conduisent au socialisme et à la révolution qu’il faut populariser en abandonnant toute idée de passage graduel vers le socialisme et en défendant les revendications d’amélioration des conditions de vie des travailleurs comme autant de moyens de lutte pour la reconstruction d’un parti révolutionnaire de masse.

Par Alex Rouillard