Vrai ou faux problème ? La question de l’entrée de la Turquie au sein de l’Europe divise la classe politique en France et est l’un des thèmes majeurs de la campagne pour les élections européennes.
Article paru dans l’Egalité n°107
On se retrouve dans une situation très particulière puisque Jacques Chirac est d’accord pour cette adhésion et qu’il n’est soutenu que par les ténors du PS face à une UMP, en théorie son parti, qui derrière Juppé est contre celle-ci. Cette situation est d’autant plus comique que cette adhésion, si elle a lieu ne se fera que dans 10 ou 15 ans, et comme pour l’arrivée des 10 nouveaux pays le 1 mai dernier, elle se passera sans doute sans référendum.
La seule chose qui apparaît dans ces débats, c’est bien la volonté pour certains de créer une Europe raciste et xénophobe. Si la Turquie rejoignait l’Europe, elle serait le seul pays musulman même si sa laïcité est «garantie» par sa Constitution et l’armée. L’un des arguments est aussi qu’il n’y aurait pas besoin d’être membre de l’Union européenne pour être l’un de ses partenaires économiques privilégiés. On répond aussi aux éventuelles velléités des pays du Maghreb, notamment du Maroc qui a lui aussi proposé sa candidature.
Les futurs critères d’adhésion ne seraient plus fixés par des réunions mais par une Constitution que nous aurons après ces élections. On devrait dorénavant consulter les citoyens. Déjà, lors de la création de cette Constitution, les problèmes de «valeurs communes» s’étaient posés et en filigrane la présence au nom d’une référence du caractère religieux de cette future Europe. Une décision lourde de sens puisque, dans la définition, on instaurait une reconnaissance implicite du caractère «chrétien» de cette Europe.
Cette définition fut reprise par De Villiers et s’inscrit dans la vision des « pères fondateurs », notamment Schuman, qui définissait l’espace européen comme une zone « romanisée, christianisée et aux faits des valeurs hellénistiques » Bien sur, ce n’est que la présentation d’une candidature et l’on nous précise bien à droite comme à gauche qu’il n’y a pas d’adhésion automatique, afin sans doute de rassurer les électeurs qu’une voie « musulmane » au sein de l’Union ce n’est pas pour tout de suite.
Il y a la volonté de créer une identité de «nation» pour l’Union et cela pose la question des «frontières» de cette Europe et de la «pacification»de celles-ci. La main tendue de l’Europe vers la Turquie est pour certains un rempart au terrorisme et à l’islamisme politique mais on essaie de nous faire croire qu’il s’agit d’une politique alternative de l’Europe qui serait « plus ouverte » que l’impérialisme américain. Dans la réalité, on oublie l’engagement de certains pays européens dans l’occupation de l’Irak auprès des américains et les conflits internes à l’Union en ce qui concerne la politique étrangère.
L’idée d’une «nation européenne» définie aussi une notion d’«étranger» et c’est bien sur ce sujet que la candidature de la Turquie pose un problème. L’Allemagne est le pays où il y a une plus forte immigration turque en Europe et c’est là aussi, où à l’exception des verts allemands, on freine le plus la candidature. L’adhésion de la Roumanie avec sa population de gens du voyage, avait soulevé les mêmes remarques, on accepte l’adhésion économique, mais comme l’avait dit Nicolas Sarkozy, c’est hors de question qu’ils «viennent chez nous.» On assiste à la mise en place d’une citoyenneté de seconde zone où les droits de chacun ne sont pas garantis. La polémique autour de cette candidature montre l’impossibilité que l’Union européenne à d’intégrer une population de culture différente. Le capitalisme a besoin de la xénophobie, du nationalisme et du racisme pour diviser les travailleurs d’Europe et d’ailleurs. L’Union européenne capitaliste ne peut parachever aucune intégration.
Par Arnaud Benoist