2nde LOLF et SIG : un Etat privatisé

C’est en 2006 que s’achèvera la mise en place de la 2ème Loi organique relative à la loi de finance (LOLF). Cette loi, qui a quasiment une valeur constitutionnelle, est la pièce centrale de la réforme de l’Etat, car elle organise la gestion financière et budgétaire au sein de l’Etat, des ministères, et des établissements publics qui y sont rattachés. Elle a été promulguée en 2001 (votée par tous les groupes parlementaires, hormis le PC) pour remplacer une ordonnance de 1959, et elle vise à donner à l’Etat des règles financières calquées sur le secteur privé.

Article paru dans l’Egalité n°107

Ainsi l’article 7 de la loi introduit une logique d’objectifs et de résultats évalués en fonction de critères de performance et d’efficacité selon un calcul coût/rendement. Cette logique remplace celle qui jusqu’alors pouvait prévaloir : une logique de moyens correspondant à des besoins. Par exemple, dans l’Education nationale, un lycée ayant de bons résultats au bac se verra attribuer des crédits supérieurs.

Ce même article permet d’instituer une responsabilisation de chaque strate de l’Etat vis-à-vis de son budget (par exemple pour l’Education nationale : ministère, rectorats, inspections académiques, établissements scolaires) et établit une contractualisation en fonction d’objectifs auxquels est attribué un budget par la strate supérieure.

Il est facile d’imaginer la concurrence qui va naître entre les différents services d’un ministère ou les différents établissements scolaires d’une même académie afin d’obtenir le budget le plus important.

Cette loi institue, par ailleurs, la possibilité de redéployer des crédits en cours d’année en fonction de la réalisation des objectifs entre les différentes lignes budgétaires. C’est ce qui s’appelle la fongibilité des crédits. Mais cette fongibilité est asymétrique. C’est-à-dire que certains postes pourront recevoir des crédits supplémentaires, alors que d’autres non. Ainsi les budgets du personnel sont plafonnés et ne peuvent pas recevoir des crédits des autres postes budgétaires. Mais rien n’empêche le poste budgétaire du personnel de financer le budget communication du même service, par exemple. Associé au plafond d’autorisations d’emplois rémunérés par l’Etat, on voit là un admirable outil pour faire des économies sur le personnel et une attaque supplémentaire contre le fonctionnariat !

Parallèlement à cette 2nde LOLF, se mettent en place les services d’intérêts généraux (SIG). Ce concept, venant de l’Union européenne, permet à tout organisme privé ou associatif de remplir les missions de services publics à partir du moment qu’ils signent une prétendue charte de qualité. Ainsi, une épicerie dans un village pourra rendre les services d’une poste, ce qui permet de diminuer le nombre de bureaux de la Poste (il est prévu la suppression de 2500 bureaux). Pourquoi pas une boucherie accueillant le service chirurgie d’un hôpital supprimé !

Les services de l’ANPE, encore précurseur dans le domaine de la réforme de l’Etat, sont depuis longtemps sous-traités : ainsi s’est constitué un véritable marché du bilan de compétences approfondi et de l’objectifs emploi ou projet en groupe ou individuel, permettant à des associations d’insertion de fleurir un peu partout n’ayant de raison d’exister que dans le chômage et la précarité et ne vivant que des subsides de l’Etat. Mais demain, ce sont les agences d’intérim, de recrutement et d’outplacement, qui pourront venir sur ce terrain, voire gérer la liste des demandeurs d’emploi.

En définitive, si on laisse faire le gouvernement Chirac-Raffarin, c’est à une véritable privatisation de l’Etat que nous allons assister, et qui malheureusement a déjà commencé. Et ce n’est certainement pas en soutenant les SIG, comme l’a fait la direction confédérale de la CGT, que l’on va pouvoir armer les travailleurs du public mais aussi ceux du privé pour se défendre contre ces attaques majeures.

Par Yann Venier