Les 48 heures de grève générale à l’appel des syndicats doivent être la première étape de la construction d’un mouvement unitaire de masse contre le régime meurtrier d’Erdoğan
L’horrible double attentat qui a frappé un rassemblement de protestation pacifiste organisé par plusieurs syndicats à Ankara, la capitale de l’Etat turc, ce samedi 10 octobre, a conduit, au dernier décompte, à au moins 128 morts ainsi qu’à des centaines de blessés. C’est le plus grand attentat terroriste de l’histoire du pays. Beaucoup de victimes sont toujours en unités de soins intensifs dans divers hôpitaux tandis qu’un certain nombre de corps, rendus méconnaissables, n’a pas encore été identifié. Cette attaque, de par son ampleur humaine et politique, a ébranlé le pays jusque dans ses fondements.
Déclaration de Sosyalist Alternatif (Section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc)
La manifestation de samedi était organisée par la Confédération des syndicats du secteur public (KESK), la Confédération des syndicats révolutionnaires de Turquie (DISK), l’Association turque médicale (TTB) et l’Union des chambres des ingénieurs et architectes turcs (TMMOB). Quelques minutes avant le début de la manifestation, une bombe a explosé à l’endroit où les militants du parti de gauche et pro-kurde HDP (Parti démocratique du peuple) étaient rassemblés. Une deuxième explosion a eu lieu à une cinquantaine de mètres de là, apportant plus de destruction et de morts sur son chemin. Les témoins, parmi lesquels des membres de Sosyalist Alternatif (CIO) arrivés sur la scène quelques minutes après l’attentat, ont rapporté des scènes d’horreur indicible.
Ces témoins ont également confirmé les rapports faisant état de tentatives policières visant à entraver l’arrivée des secours. Des gaz lacrymogènes ont été lancés sur la foule de manifestants survivants et des proches de victimes ainsi que des ambulances ont été stoppés par la police. La police anti-émeute a été envoyée sur la scène du carnage avant même que les premières ambulances ne soient arrivées. Huseyin Demirdizen, de l’Association des médecins de Turquie (TTB) a déclaré : « Alors que les médecins de l’Union des travailleurs de la santé ont appelé à des dons de sang, le gouvernement a annoncé qu’il n’y avait pas besoin de sang. Si des travailleurs de la santé n’avaient pas été sur place parce qu’ils participaient à la manifestation, le nombre de décès et de blessés aurait été beaucoup plus élevé. »
Presque immédiatement après l’attaque, le régime a décidé de bloquer Twitter et Facebook, dans une tentative évidente d’empêcher les rapports issus des gens présents sur place et de laisser le champ libre aux médias contrôlés par l’AKP (Parti de la Justice et du Développement, le parti au pouvoir), qui ont accusé des groupes de gauche ou le PKK d’être derrière le double attentat.
La première réponse des forces de l’Etat n’a laissé aucun doute planer quant à la responsabilité du régime vis-à-vis de ce qui est non seulement une tragédie, mais aussi clairement un massacre politiquement orchestré. Quel que soit le rôle exact joué par le régime d’Erdoğan dans cette attaque, sa responsabilité politique est écrasante. Cet attentat a eu lieu dans le contexte d’une stratégie du régime d’Erdogan et de ses sbires basée sur l’escalade de la violence et des provocations, y compris avec des attaques physiques, contre la gauche et le mouvement national kurde. Une brutale guerre d’agression est également en cours de la part de l’armée turque contre le PKK et le peuple kurde au Sud-Est du pays. Des centaines de personnes ont déjà été tuées. Même après que le PKK ait déclaré ce samedi observer un cessez-le avant les élections du 1er novembre, l’armée turque a bombardé des positions du PKK au Sud-Est de la Turquie et au Nord-Est de l’Irak, tuant des dizaines de personnes au cours du seul week-end.
Le battement de tambour « anti-terroriste » du régime ne trompe personne, cela n’a été qu’une couverture pour une répression visant la gauche ainsi que les activistes pro-kurdes et du HDP, qui ont massivement été les victimes d’une campagne de terreur orchestrée par l’Etat. Au cours de ces dernières années, des groupes comme l’Etat Islamique et d’autres groupes djihadistes ont, au contraire, bénéficié de la complicité établie de l’Etat turc dans le cadre de leurs activités en Syrie.
Désolation et rage
La tristesse et la désolation provoquées par les horribles attentats de ce samedi se sont rapidement jointes, à juste titre, en une rage contre le gouvernement AKP, y compris à l’échelle internationale. Le samedi après-midi, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre le gouvernement à Istanbul et d’autres villes du pays. Le dimanche, à Ankara, environ 10.000 personnes étaient de retour dans les rues, près de la gare où les bombardements avaient eu lieu la veille. Cela illustre l’état d’esprit de défi et d’intrépidité qui existe actuellement. A l’enterrement de certaines des victimes, la colère des masses était profonde, et il est très peu probable qu’elle s’évapore de sitôt.
Les quatre confédérations syndicales de gauche ont appelé à la tenue d’une grève générale de 48 heures ces 12 et 13 octobre. Il s’agit d’une réponse très appropriée qui doit être soutenue par la gauche et les travailleurs à l’échelle internationale. Une grève générale qui rassemble le peuple kurde et turc pour combattre de manière unitaire est la meilleure riposte à offrir à Erdoğan et les tentatives de sa clique dirigeante d’utiliser le sang des travailleurs pour diviser la résistance contre leur politique et pour assurer leur pouvoir ainsi que les profits des riches capitalistes qu’ils défendent. Au vu de l’échec total des forces de l’Etat et de la police pour protéger la population, les rassemblements et manifestations de gauche et syndicales devront être correctement protégées par un bon service d’ordre. Des mesures d’auto-défense appropriées, impliquant toutes les communautés, doivent être prises en collaboration avec les organisations syndicales.