28 avril, dernière étape avant une grève générale ?

manifestation-cgtCe mois de mars 2016 aura vu le printemps des luttes arriver en avance. La loi « travail » attribuée à la ministre El Khomri en a été le déclencheur. Logique, elle représente une attaque majeure contre nous tous, une régression sociale complète qui entraînera, de fait, un changement de société, avec une précarité à vie (pas de contrats de travail stables, pas de droits collectifs réellement utilisables) pour une partie importante des travailleurs. La lutte se fait désormais contre « la loi Khomri et son monde », contre le rétablissement d’une véritable dictature du patron qui s’installera dans de nombreuses entreprises ou s’aggravera dans celles où les droits sont déjà difficiles à faire respecter.

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Une unité entre les jeunes et les travailleurs en lutte

L’agitation sociale qui a convergé le 9 mars en une première journée de grèves et de manifestations unissant jeunes et travailleurs, s’intensifie. Le 31 mars, plus d’un million de personnes sont descendues dans les rues, activement en grève dans de nombreuses entreprises notamment du privé, et déjà, à une échelle large, la nécessité d’une grève générale était au cœur des préoccupations et des discussions. C’est cette étape de la lutte qu’il faut atteindre si on veut non seulement jeter la loi travail à la poubelle mais également stopper enfin ces politiques qui ne font que plonger toujours plus les gens dans la précarité et les difficultés sociales.

Le fait que la jeunesse se soit investie dans ce combat, particulièrement dans les lycées et dans les Universités, est un point d’appui et un encouragement pour des millions de travailleurs. Cette alliance des jeunes et des travailleurs est à la fois le meilleur carburant pour faire avancer la lutte mais également la plus grande crainte de tous les politiciens qui soutiennent le système non seulement ceux du gouvernement de Valls-Hollande mais également ceux de droite et du FN. C’est cette alliance et cette unité dans un mouvement de masse, déterminé à stopper cette loi, qui permettra de gagner.

La lutte va continuer, avec l’appel intersyndical à une nouvelle journée de grève et de manifestation le 28 avril, pour le retrait de la loi Khomri. Cette journée doit être la dernière étape avant l’annonce nécessaire par les directions des syndicats combatifs d’une date pour démarrer tous ensemble la grève générale. La colère est là, l’envie de ne plus subir ces politiques au service des riches aussi, le ras le bol des magouilles politiciennes et de leur ton méprisant relayé par les médias encore plus, il faut donc avancer, faire monter la lutte en puissance pour utiliser notre meilleure arme, celle qui bloque l’économie et démontre que les grands patrons et les politiciens à leur service ne servent à rien : la grève générale tous ensemble.

 

Une triple colère

Nous l’écrivions dans nos articles depuis plus d’un an : une vaste colère dans la société était présente, et le moment allait approcher où cette colère allait, et devait, se transformer en révolte.

C’est ce qui s’est révélé le 9 mars, et qui a fait le succès de la grève du 31 mars. C’est ce qui fait que ce mouvement cherche sans arrêt à aller plus loin et à infliger une vraie défaite à ce gouvernement.

En résumé, c’est une colère contre les sales coups que nous subissons depuis le déclenchement de la crise du capitalisme en 2007-2008. Tous ces sales coups n’ont qu’une seule origine : les capitalistes ont cherché à sauvegarder et augmenter leurs profits sur notre dos, et l’activité des gouvernements successifs a été de les aider en cela. Près de 10 ans de Licenciements, bas salaires, suppressions de services publics, dégradation des conditions de travail, harcèlement par les petits chefs…On n’en peut plus. Et ce gouvernement qui se prétendait de « gauche » n’a évidemment rien fait pour améliorer les choses, il a même été le digne successeur de Sarko-le-champion-des-riches.

Depuis que Hollande a été élu en 2012, il y a une hausse ininterrompue du chômage, 3,5 millions de personnes sans aucun emploi, mais les 500 premières fortunes ont une richesse cumulée de 460 milliards d’euros.

Donc quand Hollande dit, lors de son allocution télévisée du 14 avril que « la France va mieux », évidemment, on ne parle pas de la même France car on ne vit pas dans le même monde que ces gens-là.

L’affaire des évasions fiscales de masse révélées sous le nom de Panama Papers par des journalistes n’a même pas étonné. Cela a confirmé que ce système est corrompu, et que toutes les élites, du FN au PS en passant par les grands patrons et les banques, trempent dans cette corruption. Ces mêmes super riches qui appuient une politique qui demande toujours plus de sacrifices à la grande majorité de la population qui vit pourtant péniblement. Ces mêmes super riches qui s’arrangent pour payer le moins d’impôts possible alors qu’ils profitent des services publics et des infrastructures.

Alors évidemment, une loi qui permet de nous obliger à travailler encore plus pour être payés encore moins, au seul bénéfice de ceux-là qui ont déjà tout, il n’est pas question que cela passe !

 

Ambiance étouffante

La deuxième raison de cette colère, c’est l’ambiance étouffante qui s’est installée depuis les années Sarkozy et qui s’est encore aggravée : omniprésence du FN et des réactionnaires de tout genre dans les médias, agitation du racisme contre les musulmans, les réfugiés… la mise en place de l’état d’urgence, avec des pouvoirs accrus à la police.

Cette ambiance étouffante, qui a vu des petits Sarko et des petits Valls fleurir partout avec des petits chefs qui harcèlent les salariés, des proviseurs qui se prennent pour des patrons, une « liberté d’expression » qui n’existe que pour les médias au service du système, il y en a vraiment ras le bol. Avant on disait « la dictature c’est ferme ta gueule » et « la démocratie c’est cause toujours ». Aujourd’hui, avec Valls, c’est de plus en plus « ferme ta gueule ».

Ce sentiment d’être réprimé ou méprisé quand on dénonce la course folle d’un monde qui nous emmène dans le mur ne pouvait pas rester sans expression. C’est aussi cela qui explique le vaste mouvement de révolte autour de la loi travail, tout comme le phénomène de rassemblement sur les places publiques qui s’appelle Nuit Debout.

Et à nouveau, face à cela, le mépris et la répression. Le simple fait de se regrouper pour discuter est attaqué par la police dans de nombreuses villes. Et le harcèlement policier contre les lycéens montre que ce système veut une jeunesse docile, qui ne conteste rien et ne réfléchit pas.

On le voit, en fait de « démocratie », on vit sous une dictature « démocratique » des capitalistes.

 

Les syndicats face à la riposte

Face à tous ces éléments c’est l’absence de véritable volonté d’action par les directions des principaux syndicats qui est devenue elle-même insupportable. Tout comme le refus de toute une série de partis et de courants qui se prétendent à la « gauche » du PS d’entrer en réelle opposition à Valls-Hollande. Des attaques qui passent comme les suppressions d’emploi dans la Santé, dans l’Éducation, les plans de licenciements et les fermetures d’entreprises, tout cela vaguement accompagné de la routine des journées d’action sans véritable revendication ni plan d’action, malgré la volonté des travailleurs concernés d’en découdre, a commencé à peser aussi.

La mollesse (et le mot est faible !) de la réaction initiale de la direction nationale de la CGT contre la loi Khomri a été intolérable pour tant de militants qui se battent au quotidien. L’appui développé par les réseau sociaux avec notamment la pétition sur Internet a permis de voir que ce ne sont pas quelques dizaines de milliers de gens qui en ont assez mais bien des millions, et qu’ils sont prêts à agir et à s’exprimer si on leur donne les moyens et les possibilités. Là où auparavant la routine syndicale disait « bah on voudrait bien mais quand on appelle à une grève, il n’y a pas assez de monde », il a été possible de montrer que c’était faux. Cela s’est traduit par le succès du 9 mars et plus encore par celui du 31 mars et ses 1,2 millions de manifestants dans plus de 200 villes et avec des grévistes de très nombreuses entreprises du privé.

Et maintenant la direction de la CGT, dont chacun sait que cela reste le syndicat le plus à même de mener un combat déterminé, se fait tirer l’oreille pour avancer une véritable perspective de lutte, vers la grève générale. Une fois encore, les militants cherchent à donner de la voix, au travers des débats du 51ème congrès de la CGT, des nombreuses grèves locales, et même du phénomène des « Nuits Debout ». C’est bien une grève « dure », généralisée, qui mettra à bas cette loi et il n’y a qu’elle qui stoppera la politique de Valls-Hollande.

 

Des grèves qui sont parties partout

Depuis la mi-mars, les grèves locales se sont multipliées tandis que la mobilisation des lycéens et des étudiants continuait d’alimenter la colère contre la politique au service des riches de ce gouvernement.

C’est un climat de lutte qui s’est désormais instauré et qui s’amplifie. Des luttes éclatent sur les salaires et les conditions de travail (Campanile Tour Eiffel, différents restaurants Mac Donald’s, entreprises de métallurgie, de transport…). Des grèves déterminées, longues parfois, se multiplient : Calcia (ciment) XPO logistics, Lisi-Creuzet (métallurgie), postiers, agents des écoles, de l’aide à domicile, TCAR (transport urbain de Rouen)…

De fait, il y a une dynamique de grève de masse, où la loi Khomri est unanimement rejetée, où les autres revendications viennent renforcer et s’appuyer sur la lutte d’ensemble.

Mais cela manque encore d’outil et de véritable direction démocratique pour la lutte à une échelle suffisamment large, même au niveau local. L’intersyndicale ne remplit pas ce rôle, et les assemblées générales de travailleurs sont rares. C’est encore principalement à l’intérieur même des syndicats ou directement dans la grève d’entreprise que se passe le débat (et la bataille) pour avancer vers la grève générale.

 

Nuit Debout agite la place

C’est en partie pour cela que le phénomène Nuit Debout a remporté un certain écho sans être pour le moment un événement aussi réellement très massif. Le fait qu’il s’étende à de très nombreuses villes montre avant tout un besoin (et une envie) de discuter, de rompre l’isolement, et d’appuyer la question de la grève générale tous ensemble. Mais cela vient après une longue période de luttes isolées et de faibles débats dans la société. Du coup, les débats sont tellement nombreux qu’il est parfois difficile de savoir par où commencer.

La grève générale est dans toute les têtes, la volonté de battre ce gouvernement aussi. Le rejet du capitalisme encore plus. Mais pour le moment, si Nuit Debout est un espace où il est possible de proposer et de débattre, le phénomène manque d’assurance et de clarté pour décider et impulser à une échelle large. De fait, peu de décisions sont réellement prises et l’objectif premier, qui est celui de faire reculer le gouvernement sur la loi « Travail », tend à être mis à part alors que ce devrait être le cœur de la mobilisation. Le fait que les syndicats y viennent trop peu (principalement les secteurs en lutte, beaucoup de militants CGT de manière individuelle, quelques syndicats de la fédération Solidaires du rail, de la Poste et de l’Éducation) n’accélère pas suffisamment le rythme du débat. Mais en même temps, la persistance du phénomène encourage les luttes, déstabilise l’ensemble des forces politiques au service du système et les fait craindre que ce ne serait là que les premiers pas vers une remise en cause active du système tout entier.

S’épaulant sans pour autant réellement se croiser hormis lors des grandes journées de grève, la mobilisation lycéenne, celle des étudiants, les débats internes aux syndicats, ceux de Nuit Debout, sont pour autant dans la dynamique d’une même convergence vers la grève générale, dont le 28 avril doit être la prochaine étape avant la possibilité d’une grève plus longue en mai.

La lutte va continuer, avec la grève des cheminots du 26 avril et les possibles grèves dans de nombreuses entreprises. Le 3 mai, la loi est présentée à l’Assemblée Nationale. D’ores et déjà les directions des syndicats opposés à la loi Khomri devraient appeler à ce que ce soit une journée de grève générale et défendre la nécessité d’une grève longue jusqu’au retrait de la loi. L’appel a une date claire, courant mai, la possibilité de continuer la grève après le 28 avril doivent être proposés dans les réunions syndicales, les assemblées générales, les Nuits Debout… Même sans attendre les appels d’en haut, bien qu’il les faut, construire cette grève générale que nous voulons tous et toutes si nous ne sommes pas entendu.

 

La répression d’un système en crise

La haine du FN et de la droite contre les Nuits Debout, l’acharnement des éléments les plus répressifs de la police (CRS et Brigade anti-criminalité qui ont tapé et gazé sans ménagement les lycéens), les déclaration de nombreux dirigeants du PS contre les Nuits Debout en dit long sur leurs peurs : le fait qu’il devient clair qu’une majorité n’a plus confiance en ce système et n’a plus envie de les suivre. Il ne manque désormais qu’un mouvement décisif pour que cette défiance se transforme en action et en rébellion complète.

L’inquiétude règne au sommet du gouvernement et des partis politiques. On voit les dirigeants de la droite, du FN et du PS attaquer la CGT pour son affiche dénonçant les violences policières. On voit le patronat hésiter en exigeant du gouvernement qu’il revienne au projet initial de la loi « travail » tout en ayant de plus en plus de voix dissidentes dans ses rangs qui craignent le conflit social généralisé. Et on a vu les ténors de la droite, chacun obligés de reculer en leur temps face à des mobilisations, Juppé et dans une moindre mesure Fillon, régulièrement dire leur inquiétude d’un mouvement qui serait trop fort et condamnerait la possibilité d’une « réforme » (casse) du droit du travail.

Jusqu’à certains à gauche du PS qui semblent n’attendre qu’une chose : que ce mouvement se termine pour qu’on recommence à discuter des choses qui leur semblent sérieuses mais dont une majorité n’attend rien – les élections présidentielles de 2017.

 

Un mouvement de masse qui peut gagner et tout changer

La situation peut basculer dans la victoire ou la défaite, il y a peu de chances qu’elle reste ainsi incertaine. Le camp de la lutte se renforce, malgré la répression, qui est souvent l’aveu de faiblesse du système et qui n’entame pas la détermination de ceux qui luttent.

Le patronat est divisé, une partie craint que le gouvernement recule trop, une autre que le mouvement soit trop fort. Gattaz tente de faire serrer les rangs en agitant la menace d’un boycott de négociations sur l’assurance chômage. Mais nous n’avons pas à négocier le poids de nos chaînes, nous avons à les briser. Que Gattaz boycotte ce qu’il veut dans son coin, ce qui fait notre force c’est notre unité dans la lutte sur nos revendications, et les millions que nous sommes face à cette poignée de parasites.

La société du « travaille, consomme, et ferme ta gueule » ne fait plus envie, elle étouffe, aliène, détruit, tout ce que la majorité de la population voudrait pourtant voir au centre de la société : la solidarité, la fraternité, le travail socialement utile, et non l’exploitation, le racisme, le sexisme, l’intolérance, le harcèlement par les petits chefs,… C’est à la fois le capitalisme, sa loi du profit et sa dictature de l’exploitation, mais également tout ce qu’il impose comme rapports humains pourris qui est remis en cause. Tous ceux et toutes celles qui participent à la lutte veulent jeter la loi Khomri à la poubelle, la politique de Hollande Valls avec et le capitalisme aussi pour une grande partie.

Et si beaucoup regardent avec sympathie les actions diverses comme les manifestation spontanées, ils ne veulent pas d’un mouvement limité et minoritaire mais bien d’une lutte de masse, tous ensemble, unissant jeunes et travailleurs.

Depuis deux ans, la Gauche révolutionnaire défend que les journées isolées de grève doivent avoir pour objectif d’avancer la nécessité d’une lutte d’ensemble, en recourant à des grèves militantes et combatives pour les salaires, contre les suppressions d’emplois, contre les mauvaises conditions de travail. Cela permettait d’unir une majorité de travailleurs. Aujourd’hui, la loi Khomri résume à elle seule cette unité sur les revendications et sur le mode d’action. La lutte contre la loi Khomri pose la question de la grève générale car cette loi représente une telle contre révolution sociale que l’accepter ce sera accepter le règne des patrons tout-puissants et de l’exploitation des travailleurs jusqu’à l’épuisement. Même le petit patronat dénonce dans la loi El Khomri le règne des très grands patrons des multinationales.

Dans les discussions, la réduction du temps de travail, la hausse des salaires, l’organisation du travail de manière collective et démocratique, pour le bien de la collectivité et non les profits d’une poignée, reviennent sans cesse. Sans que cela soit exprimé encore consciemment, la nécessité d’une révolution, d’un renversement du capitalisme, de la construction du socialisme où l’économie serait organisée démocratiquement pour la satisfaction des besoins sociaux et environnementaux de tous grâce à la mise en propriété publique des principaux moyens de production, d’échange et de distribution, sont dans chaque discussion.

La Gauche révolutionnaire défend à la fois la perspective proche de la grève générale, la construction de celle-ci, la nécessité de débats de fond sur le monde que nous voulons, que ce soit à Nuit Debout ou dans les luttes, car nous pensons tout cela doit aller dans le même sens. Nous défendons la nécessité d’une véritable parti de lutte et de masse face aux partis et organisations au service du capitalisme. C’est ce qu’il nous manque aujourd’hui pour unir les travailleurs et les jeunes qui ont déjà compris qu’il faudra renverser ce système barbare et injuste.

Nous luttons pour une véritable révolution qui permette de construire une société réellement démocratique, sans exploitation ni injustices.

Et la grève générale, comme le moyen d’action le plus puissant, parce que cela montre que la société ne fonctionne pas sans les travailleurs, que les marchandises ne sont pas produites et ne circulent pas, que les patrons n’ont aucun profit à soutirer de notre travail, est désormais comprise comme un objectif à atteindre.

C’est cela qui est à l’ordre du jour de la lutte, qu’il faut construire, et réussir pour dégager la loi Khomri et tout le monde qu’elle représente.

 

Par Alex Rouillard