2024 sera une année de lutte masse au Sri Lanka

Le 19 janvier 2024, à l’occassion d’une réunion internationale du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO/CWI, dont la Gauche Révolutionnaire est la section française), nous avons interviewé Siritunga Jayasuriya, le secrétaire général du United Socialist Party, notre organisation-sœur au Sri Lanka.

GR : En 2022, un mouvement de masse extrêmement puissant a émergé au Sri Lanka. Des millions de personnes en manifestation, deux grèves générales ou « Hartals » ont fait tomber la dynastie dictatoriale de la famille Rajapaksa. La classe dirigeante a alors lancé une politique de répression brutale pour écraser le mouvement. Comment cela a-t-il pu se produire vu sa force ?

Siri : Il s’agissait d’un mouvement populaire massif, principalement mené par la classe moyenne. Ils n’avaient aucun plan, aucune idée de là où aller, de comment s’y prendre, etc. C’est la plus grande erreur. Nous savons tous qu’il n’y avait pas de parti révolutionnaire puissant de la classe ouvrière au Sri Lanka pour diriger [le mouvement]. Nous essayons de le construire, mais nous n’étions pas en mesure de contrôler la situation. Cela a donc conduit à une défaite. Pas seulement une défaite. Si on prend tous les éléments, disons qu’il s’agissait d’une « situation révolutionnaire » entre guillemets. Mais après la défaite, que s’est-il passé ? La situation contre-révolutionnaire s’est développée. La personne qui est devenue le président temporaire du pays – son nom est Ranil Wickramesinghe – c’est comme si c’était la seule personne au parlement. La même personne sur tous les sièges ! Les députés de Rajapaksa l’ont porté à la présidence. Et après avoir été élu à la présidence, par le parlement, et non par les voix du peuple, il s’est entièrement appuyé sur les forces armées. En quelque sorte, c’est un dictateur bonapartiste parlementaire. C’est ainsi que cette répression brutale a vu le jour.

GR : Comment la situation s’est-elle développée depuis ?

Siri : Je veux dire, on ne penserait pas que le mouvement de masse, ou Ara Galea, a été vaincu ! Mais les leçons d’Ara Galea sont restées dans le pays. Il y a tant de leçons à tirer. Il y a une chose : tout le monde, tous les parlementaires doivent partir. Nous ne voulons pas de vous, vous devriez partir, parce que vous êtes corrompus. Ça suffit ! Une autre chose est que l’idée est venue aux gens que nous avons besoin de changement. Bien sûr, ils ne savent pas quel genre de changement. L’idée de changement en général est très populaire. Mais nous appelons à un changement socialiste, au lieu du capitalisme. Mais tu vois, aujourd’hui, il y a tant de nouvelles possibilités qui ont émergé dans le pays grâce à Ara Galea.

GR : Donc il va y avoir des élections cette année. La colère est énorme comme tu l’as dit à cause des conditions de vie qui se détériorent pour les travailleurs et les masses. Donc à quoi peut-on s’attendre cette année ? Comment l’USP va-t-il intervenir dans la situation ?

Siri : J’ai oublié de dire quelque chose par rapport à la deuxième question. Malgré la situation, la classe ouvrière est en lutte. Ils ont désobéi et défié à tous les décrets du gouvernement qui avait déclaré l’état d’urgence, etc, etc. Les travailleurs s’en fichaient. Il se mobilisent, il y a de l’agitation, ils font des grèves – une demi-journée, deux heures – et continuent. Je veux dire, ils continuent sans relâche ! C’est donc une très, très bonne situation. Dans cette situation, je dirais : Ara Galea était confiné à Colombo la dernière fois. Aujourd’hui, Ara Galea se propage dans tout le pays !

Les gens sont dans la rue, les paysans pauvres sont dans la rue, les étudiants sont dans la rue, les pêcheurs sont dans la rue, c’est donc un bon signe.
Donc à cause de ça, maintenant, le FMI, la Banque mondiale, l’Amérique, le Japon… en fait tout le monde, ils disent que le pays doit convoquer des élections, parce que ça va faire dérailler la lutte de masse. Donc maintenant, la lutte de masse connaît de nouveaux tournants à cause de cette idée que les élections vont avoir lieu bientôt. De toute façon, selon la Constitution, les élections devraient avoir lieu cette année, surtout l’élection présidentielle.

Le parti JVP1 a monté une nouvelle formation et ils se servent de la situation pour mobiliser leurs forces. Mais d’autre part, quand l’élection va arriver, la vraie lutte va avoir lieu au sein de l’opposition. C’est-à-dire pas au sein du parti gouvernemental mais sur qui va émerger de l’opposition. Donc dans cette situation, nous l’USP, nous pensons – et surtout pour une élection présidentielle – qu’il y a besoin d’une politique nationale. Surtout sur la question nationale. Quelle est la réponse à la question nationale ? Donc fièrement, je dis dans tout le Sri Lanka : le United Socialist Party, l’USP, est le seul parti qui défende le droit à l’auto-détermination. Et personne ne va être d’accord avec ça. Nous avons approché la gauche et la classe ouvrière en disant : voilà notre programme, et quiconque veut avoir un candidat puissant devra soutenir ce programme. Mais personne n’a répondu favorablement.

Pour conclure, l’USP se présentera avec le programme non seulement pour le droit à l’auto-détermination mais avec un programme clair armé des idées du socialisme !