Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO/CWI) adresse ses salutations socialistes révolutionnaires aux travailleurs et aux opprimés du monde entier. Cette année, le 1er mai a lieu dans des circonstances extraordinaires. La pandémie de covid-19 a pleinement mis en évidence, selon les mots de Lénine, « l’horreur sans fin » du capitalisme. L’approche criminelle et imprudente des gouvernements capitalistes face à l’épidémie de covid-19 a mis les travailleurs et leurs familles dans une situation très difficile et leur santé a été mise en danger. Partout dans le monde, assurer les rudiments de la vie quotidienne devient une lutte impérative. Des « émeutes de la faim » ont éclaté en Afrique du Sud, au Nigeria et dans d’autres pays.
Le » confinement » signifie que dans la plupart des pays, les manifestations et autres événements normalement associés à la journée internationale des travailleurs n’auront pas lieu. Malgré cela, les travailleurs continuent de marquer le 1er mai, là où ils le peuvent. Le CIO ajoute sa voix à celle des militants qui appellent les travailleurs à porter des vêtements rouges le 1er mai. En Irlande, les militants du CIO ont pris l’initiative de lancer une campagne dans les syndicats pour encourager les militants à hisser des drapeaux rouges et des banderoles syndicales sur les lieux de travail et dans les quartiers, y compris dans les quartiers ouvriers tant catholiques que protestants dans le Nord. En Allemagne, les membres du CIO font partie de ceux qui organisent des actions de rue dans plus de trente villes pour marquer le 1er mai. Ils appellent également à des actions de protestation le 12 mai, la « Journée internationale des soignants ».
Il est normal que des actions de protestation et de solidarité aient lieu le 1er mai. L’origine de la journée du 1er mai pour célébrer les luttes et la solidarité des travailleurs dans le monde entier remonte à 1886, lorsque des centaines de milliers de travailleurs aux États-Unis se sont battus pour la journée de travail de huit heures.
Un terrible bilan
Dans le monde, des centaines de milliers de personnes sont mortes du virus et beaucoup d’autres sont contaminées. Les lourdes sanctions des États-Unis contre l’Iran et le Venezuela provoquent de nombreuses morts qui auraient pu être évitées. À l’échelle mondiale, des milliers d’autres personnes, en particulier celles qui vivent dans des conditions de surpopulation, de pollution et de pauvreté, vont mourir du virus. Les services de santé publique sont sous-financés et surchargés, ce qui signifie que de nombreuses personnes atteintes d’autres maladies mortelles et de maladies chroniques ne recevront pas de traitement adéquat pendant la crise du covid-19, aggravant encore le nombre de décès.
Ce n’est pas une coïncidence si les pays où les politiques néolibérales de privatisation et de déréglementation ont été les plus poussées au cours des trente dernières années, comme le Royaume-Uni et les États-Unis, connaissent la plus grave crise de covid-19 – avec beaucoup plus de contaminations et de décès que partout ailleurs dans le monde.
Et dans les pays capitalistes les plus pauvres, comment les masses qui vivent dans les bidonvilles, du Nigeria au Brésil, sont-elles censées réaliser la distanciation sociale en toute sécurité ? Les premiers cas de décès liés au covid-19 sont signalés à Dharavi, au cœur de Mumbai, où 800 000 personnes vivent dans un bidonville d’un kilomètre carré. Les habitants des bidonvilles et les populations rurales pauvres du monde n’ont pas accès à l’eau courante saine et fiable ni à des installations sanitaires sûres. Beaucoup souffrent de malnutrition, ce qui les rend très vulnérables au covid-19. Cette situation vient s’ajouter au fléau d’autres maladies qui pourraient être évitées, comme la tuberculose, le choléra et le paludisme, qui tuent chaque année des millions de personnes, en particulier des enfants, dans le monde néocolonial. Les corps des victimes du covid-19 gisent à même les rues dans les villes d’Équateur et d’autres pays, sans être récupérés par les autorités. Outre l’épidémie de coronavirus, la famine menace près d’une quarantaine de nations, alerte le Programme alimentaire mondial, en raison de multiples facteurs liés au capitalisme et à l’impérialisme, notamment les guerres en Syrie et au Yémen.
L’échec abject des gouvernements capitalistes
Les gouvernements capitalistes ont lamentablement échoué à se préparer à la pandémie, malgré des années d’avertissements de la part des scientifiques.
Et la réponse froide et chaotique à l’épidémie de covid-19 montre clairement que les intérêts des classes dominantes sont incompatibles avec ceux de la classe ouvrière. La popularité dont jouissaient de nombreux gouvernements au début de la crise du covid-19, alors que les populations inquiètes cherchaient des garanties auprès des « autorités », est en train de s’inverser.
L’absence d’équipements de protection individuelle pour les travailleurs de la santé, les travailleurs des transports publics et d’autres travailleurs essentiels est criminelle, condamnant nombre de ces travailleurs en première ligne à attraper le covid-19, à devenir gravement malades et à mourir. Dans des pays comme le Nigeria, l’Inde et l’Afrique du Sud, l’imposition de mesures de confinement, sans aucune allocation de l’État ni approvisionnement en nourriture, mais avec une forte augmentation de la répression d’État, révèle l’inhumanité des classes dirigeantes.
Le mouvement ouvrier doit résister aux tentatives des gouvernements capitalistes et des médias d' »individualiser » la responsabilité de la propagation du covid-19 et à leurs tentatives de diaboliser les travailleurs. En effet, de plus en plus de sections de la classe ouvrière mènent des actions de protestation, avec des débrayages sur les lieux de travail, discutent de la grève, des équipements de protection individuelle et d’autres aspects sanitaires du travail, ainsi que sur les salaires et les conditions de travail. Les sympathisants du CIO aux États-Unis, l’Independent Socialist Group, ont participé à un convoi de 100 voitures pour soutenir les infirmières qui luttent contre les licenciements dans un grand hôpital de Worcester, dans le Massachusetts, au moment même où le personnel de santé est le plus sollicité. Les chauffeurs de bus de Londres ont remporté une victoire importante, dans laquelle les membres du CIO ont joué un rôle important, en s’assurant que les passagers n’entrent et ne sortent que par les portes centrales des bus qui possèdent cette installation, contribuant ainsi à préserver la santé des chauffeurs.
Tout au long de la crise du covid-19, les besoins des travailleurs sont clairement subordonnés aux intérêts économiques et de classe égoïstes de la classe capitaliste. C’est pourquoi, contrairement à la plupart des avis scientifiques, de nombreux gouvernements s’efforcent de « sortir » rapidement du confinement, révélant ainsi la cruelle indifférence des classes dirigeantes à l’égard de la vie de millions de personnes. Trump est peut-être le représentant le plus virulent de la classe dirigeante dans cette « volonté » de forcer les travailleurs à retourner prématurément sur leur lieu de travail, sans protection adéquate contre le virus, mais son approche est reprise par de nombreuses autres personnalités politiques, comme Merkel en Allemagne, et Macron en France, qui sont tous soumis aux grands patrons.
L’UE échoue à répondre
La nature du système fondé sur le profit, qui repose sur la propriété privée des moyens de production et d’échanges et sur l’État-nation capitaliste, signifie qu’une réaction mondiale, rationnelle et planifiée pour lutter contre la maladie n’est pas possible. L’Union européenne, un club de patrons, n’a pas répondu aux appels à l’aide lancés par l’Italie lorsque le virus a frappé le pays. Et maintenant, l’UE, avec ses rivalités et ses tensions internes entre États nationaux capitalistes, en particulier entre les pays riches du Nord et l’Europe du Sud, se révèle incapable de coordonner une réponse commune alors que le virus ravage le continent tout entier. Le futur même de l’Union Européenne est mis sous le feu des projecteurs par ces événements.
Le régime capitaliste, qui fait passer la concurrence et le profit privé avant tout, complique sérieusement et retarde la mise au point d’un vaccin contre le covid-19 et le développement de médicaments pour traiter les personnes touchées. En comparaison, une société socialiste verrait une intervention et une coopération mondiales fondées sur la science pour mettre fin à la pandémie.
Effondrement économique
Les conséquences économiques du confinement mis en place par ces gouvernements capitalistes impitoyables dans le monde entier sont dévastateurs pour les travailleurs et leurs familles. Des
millions de personnes se sont retrouvées sans emploi du jour au lendemain. Les revenus se sont effondrés. Sans salaire régulier et avec des retards importants dans le versement des allocations, qui se comptent en semaines voire en mois, il n’est guère surprenant que de nombreux travailleurs ne puissent plus payer leur loyer, les factures d’énergie et les courses. Les banques alimentaires sont incapables de faire face à la demande des familles affamées. Des pans entiers des classes moyennes sont également confrontés à de graves difficultés. De nombreuses petites entreprises, de petits commerçants et l’armée des travailleurs indépendants risquent la ruine, car les gouvernements donnent la priorité au renflouement des grandes entreprises.
L’économie capitaliste mondiale est en train de s’effondrer. À un certain point, le prix du pétrole est tombé à zéro alors que la demande mondiale s’effondrait. Selon le Forum économique mondial, la pandémie coûtera à l’économie mondiale mille milliards de dollars cette année, et ce sont les « communautés vulnérables » qui seront « les plus touchées ». Le Forum prévoit également que « près de la moitié des emplois en Afrique pourraient être perdu ». Même la plus puissante nation capitaliste du monde, les États-Unis, est prostrée. Plus de 26 millions d’Américains, ceux qui en ont la possibilité, ont fait une demande d’allocations chômage. De nombreuses économies nationales vont se diriger vers une profonde récession, voire une dépression, dans la période à venir, ce qui aura de profonds effets sur les relations et les luttes de classe.
Les capitalistes en concurrence et non coopération
La pandémie n’a pas rassemblé les nations capitalistes pour mutualiser pleinement les ressources afin de trouver une solution rationnelle à la crise. Au contraire, elle a renforcé la concurrence et les rivalités entre les États capitalistes. On rapporte que des gouvernements cherchant à obtenir des équipements de protection individuelle en Chine sont évincés par d’autres pays au moment même où leurs commandes sont sur le point de partir des aéroports chinois.
Trump a utilisé la crise pour renforcer les menaces contre la Chine et l’Iran. La crise du covid-19 va entraîner une aggravation des tensions internationales, de la concurrence et des affrontements entre les puissances mondiales et régionales. Cela finira par conduire à de nouveaux conflits sanglants, à moins que le mouvement ouvrier international n’agisse de manière décisive pour faire échec aux projets de guerre impérialistes.
En exposant le système capitaliste, la crise pandémique pose également la nécessité du socialisme. Un refrain commun parmi les travailleurs est qu’ils ne « retourneront pas » aux anciens modes de gouvernance : politiques néo-libérales débridées, exploitation capitaliste mondiale et dégradation de l’environnement. L’intervention spectaculaire de l’État, dans de nombreux pays, pour éviter un effondrement économique complet, pose cette question dans l’esprit de millions de personnes : « Pourquoi ces ressources énormes ne sont-elles pas utilisées pour améliorer la vie des travailleurs en « temps normal » ? »
Ces événements donnent aux socialistes révolutionnaires l’occasion de présenter un programme socialiste audacieux pour un changement fondamental de société : se débarrasser du capitalisme et créer une société socialiste, où l’économie est en propriété publique et démocratiquement planifiée par la classe ouvrière pour le bien commun.
Au lieu de cela, les dirigeants de nombreux syndicats et partis travaillistes et sociaux-démocrates ont, en fait, accepté l’argument de la bourgeoisie nationale selon lequel l’heure est à « l’unité nationale ». Cet argument d' »urgence nationale » exige que les besoins de la classe ouvrière soient mis de côté.
Mais qu’est-ce que la « nation » ? Qu’est-ce que l’élite super-riche, qui peut s’isoler en toute sécurité dans de luxueuses demeures avec de vastes terrains privés, a en commun avec la masse des familles de la classe ouvrière confrontées à de fortes baisses de revenus, à la lutte pour accéder à la nourriture dans des logements surpeuplées ?
Certains partis et formations de gauche se sont également ralliés au sentiment des « besoins nationaux », et leurs membres au sein des parlements nationaux ont voté de nouvelles « mesures d’urgence ». Mais les résultats de l’attribution de nouveaux pouvoirs à l’appareil d’État capitaliste se
manifestent déjà, par exemple, dans les mesures de confinement brutales prises dans certains des quartiers les plus pauvres et les plus densément peuplés de la banlieue de Paris, qui ont entraîné des affrontements entre les jeunes et la police. En Inde également, la police s’est sentie libre de matraquer des travailleurs migrants désarmés.
Comme l’a averti le CIO, ces nouveaux pouvoirs peuvent également être utilisés contre la classe ouvrière organisée. Fin avril, la police irlandaise a dispersé une manifestation de travailleurs licenciés du magasin de Debenhams à Dublin, qui respectait pourtant les règles de distanciation sociale, en invoquant une nouvelle législation pour faire face au covid-19. Les régimes populistes de droite, tels que ceux d’Orban en Hongrie et Duterte aux Philippines, exploitent la pandémie pour introduire davantage de mesures visant à instaurer un régime dictatorial et une lourde répression militaire, notamment l’approche « tirer pour tuer » recommandée par Duterte.
Un programme pour les travailleurs est nécessaire
Le mouvement ouvrier a besoin à tout moment de son propre programme et de sa propre organisation indépendante. Afin de développer un programme de lutte pendant la crise du covid-19, le CIO a produit un « Programme d’urgence pour lutter contre le covid-19 et protéger les travailleurs ».
Ce programme est actuellement discuté dans les syndicats et autres organisations de travailleurs, ainsi que parmi les militants des communautés locales, les étudiants et autres militants à travers le monde. Au Chili, en Inde, au Nigeria et dans de nombreux autres pays du monde, les camarades du CIO sont particulièrement actifs dans l’élaboration de programmes et d’actions communs avec les syndicalistes et autres militants.
La pandémie de covid-19 montre les brutalités et les dégradations du capitalisme et met sérieusement le mouvement ouvrier international à l’épreuve. À l’avenir, l’humanité sera confrontée à de nouveaux virus et à d’autres maladies graves, ainsi qu’à d’autres menaces potentiellement catastrophiques, telles que le changement climatique, mais la manière dont on y fera face est conditionnée par le caractère de classe de la société. Dans une société caractérisée par de profondes inégalités sociales et dirigée par une élite super-riche de « 1% », la classe ouvrière et les pauvres souffriront le plus et, dans la plupart des cas, de manière injustifiée.
L’avenir de la santé publique, et en fait de l’humanité et de l’environnement, est inextricablement lié au renversement du capitalisme et à la réorganisation socialiste de la société, sur une base rationnelle et démocratique.
Le 1er mai 2020, le CIO se réengage à atteindre cet objectif. Alors que nous nous souvenons des courageux combattants et martyrs du mouvement ouvrier du passé, et que nous rendons hommage aux victimes actuelles du virus du capitalisme, nous appelons les lecteurs à nous rejoindre dans la lutte pour le socialisme !
Déclaration du 1er mai du CIO, 27/04/2020