Depuis la fermeture de leur entreprise le 25 janvier 2005, les 174 salariés de l’usine de colorants Yorkshire d’Oissel, près de Rouen, se battent contre les licenciements. Ils entament leur sixième semaine de lutte.
Article paru dans l’Egalité n°112
Cette usine a compté jusqu’à 1500 salariés dans les années 1970. Elle a connu depuis de nombreux repreneurs et les inévitables plans sociaux qui accompagnent les restructurations. Finalement en 1999, et ce malgré une crise de surproduction de colorants dans le monde, le groupe britannique Yorkshire l’a rachetée.
Cinq ans et on liquide !
Rapidement, la crise s’est aggravée et les restructurations ont commencé dans le groupe. En même temps, la trésorerie de la filiale d’Oissel a été transférée en Angleterre puis le réseau commercial. Ceci a eu des incidences sur les conditions de travail déjà dignes du 19ème siècle. Au mépris de la sécurité, on répare le haut des cuves rongé par l’usure mais on ne change pas toute la cuve pleine de produits toxiques ! Les fournisseurs ne sont plus payés, l’usine » mère » du groupe, cliente à 80%, achète les produits sans les payer ni rembourser les banques. Le 25 janvier l’usine est déclarée en faillite, le groupe Yorkshire dont dépend la filiale d’Oissel est liquidé. Toutes les filiales sont fermées. Les patrons disparaissent et c’est aux salariés de se tourner vers les pouvoirs publics, pour obtenir l’intégralité des primes de licenciement, des congés de reclassement, la reconnaissance de l’usine au plan amiante. Grâce à la mobilisation déterminée des ouvriers, la vente des actifs (terrain, matériel…) est acceptée par l’administrateur. L’usine est liquidée mais les salariés se battent pour obtenir un meilleur plan social.
Peu importe si ça saute !
Les ouvriers ont reçu les lettres de licenciement le 21 février, et parmi eux, les pompiers et agents de sécurité. Ce site classé Seveso est ouvert à tous vents. La préfecture et la DRIRE, alertées par les salariés, ne réagissent qu’en parlant de question d’ordre public ! Voulant faire porter la responsabilité aux ouvriers qui occupent l’usine s’il y a un accident ! Sûrement pour préparer une évacuation musclée.
Elargir la solidarité et la lutte
Malgré la fermeture, les salariés mènent une lutte exemplaire : popularisation par tracts, opérations péages, manifestations. Les salariés ont toujours voulu lier leur lutte à celles des autres travailleurs. Ainsi, ils étaient présents en tête de la manifestation du 5 février contre l’offensive patronale et gouvernementale. Dès l’annonce de la liquidation, ils ont tenu un piquet de grève devant l’usine voisine de colorants et pigments Francolor mais le piquet a été levé rapidement. Les travailleurs auraient dû pouvoir discuter et décider eux-même des actions à faire dans les assemblés générales Une action conjointe des salariés des deux usines aurait été un point fort dans la lutte et aurai permis aux travailleurs des différents secteurs de se rencontrer et de décider de la suite des actions et de l’élargissement du mouvement. Le secteur de la chimie est très important dans la région. Il aurait fallu un appel clair à une grève de solidarité de tous les salariés de la chimie. Mais comme aucun syndicat n’y a appelé, la lutte des salariés de Yorkshire est restée isolée. La Gauche révolutionnaire apporte son soutien aux travailleurs en popularisant la lutte dans sa presse, et par un soutien concret (collecte lors d’une réunion l’organisation). Et comme nous l’écrivions à la fin de notre motion de soutien : « à l’heure ou vous venez de recevoir vos lettres de licenciement, votre lutte doit se poursuivre aux côtés des salariés qui se mobilisent, c’est la meilleure garantie d’obtenir votre dû. »
Le 10 mars prochain, une journée de grève interprofessionnelle contre les attaques patronales, les licenciements, les bas salaires, l’allongement du temps de travail est appelée par de nombreux syndicats et les lycéens en lutte contre les attaques sur l’éducation. Comme le 5 février, les salariés de Yorkshire ont leur place en tête des manifestants avec ceux de toutes les entreprises et des services publics qui luttent contre la politique du gouvernement au service du patronat.
Par Marie-José Douet