Universités : dernière étape avant la fin du service public ?

Les lecteurs de l’Egalité doivent se demander pourquoi tant d’articles sur une réforme de plus des universités. Après tout, il y en a eu plusieurs et l’Université n’est pas encore privatisée, les bourses sont encore là etc. Sauf qu’entre temps, les conditions pour un passage rapide des universités sous le contrôle des patrons ou de leurs relais se sont réunies.

Article paru dans l’Egalité n°104

La réorganisation des filières universitaires en diplômes conformes à l’uniformisation européenne est très engagée, le but depuis Allègre étant de faire que la France soit toujours le laboratoire de la casse de l’enseignement supérieur. Le système LMD (voir n° précédents) sera entièrement mis en place en 2006 (28 universités l’auront adopté à la rentrée 2004) imposant un modèle de formation unique, le premier diplôme devenant la Licence à bac +3 et ensuite le choix n’étant qu’entre le Mastère, bac +5 avec une partie professionnelle (sous forme de stage non rémunéré) ou le doctorat à bac +8. Et bien loin des phrases rassurantes, celui-ci s’accompagne bel et bien de la disparition du DEUG (bac +2), et de menaces sur la maîtrise (bac +4), les étudiants qui n’ont pas les moyens de faire des études trop longues seront bien évidemment les premiers pénalisés.

Aide sociale, statut public… tout est menacé

La réforme que prépare Ferry s’appelle désormais Loi de modernisation universitaire (LMU). La couleur a été annoncée par le ministre lui-même : la réforme doit figurer dans la loi de finance (le budget de l’Etat) de 2005. Des premières annonces peuvent avoir lieu dans les semaines qui viennent, et au plus tard au printemps. Cela laisse encore du temps pour informer et préparer les étudiants et les étudiantes !

Rappelons le, cette réforme consacre l’entrée du privé dans le fonctionnement et le financement des universités. La LMU instaurera la création d’un Conseil d’orientation stratégique (COS, comme dans les grandes entreprises) qui sera  » composé de personnalités qualifiées extérieures à l’établissement représentant notamment les collectivités territoriales  » (article 3). C’est ce conseil qui  » à son initiative ou sur demande du président est chargé de faire toute proposition sur la politique de l’établissement et sera consulté pour l’élaboration et la réalisation du projet et du contrat d’établissement  » (idem). On ne saurait donner plus clairement aux patrons ou à leurs amis les moyens d’orienter l’enseignement supérieur à leur profit. Quand on sait le nombre de déclarations sur les filières non rentables ou inutiles que font les grands patrons, on ne peut que se douter des conséquences qu’auront l’instauration des COS : la fin de nombreuses filières, l’obligation de volet professionnel (sous forme de stage la plupart du temps non rémunéré)… Sous prétexte de faciliter l’entrée dans la vie active, en jouant sur la peur du chômage (26 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage) on soumet complètement l’université au patronat, en favorisant les formations hyper spécialisées. Formations qui se retrouvent inadaptées dès qu’une entreprise change ses techniques de production ou en cas de licenciements.

Et ce n’est qu’un aspect de la loi !

Car Ferry, comptant sur la bienveillance de la Fage, et l’inertie de l’Unef (lesquelles participent toutes deux aux négociations) va ajouter la réforme de l’aide sociale à sa loi. Sa récente déclaration,  » le système d’aide sociale aux étudiants peut être très inéquitable  » ressemble à ce qu’avait dit le gouvernement Blair avant qu’il ne supprime les bourses et qu’il n’instaure les droits d’inscriptions libres (c’était gratuit avant) qui vont maintenant jusqu’à 4 500 euros dans certaines universités. C’est sur qu’il est inéquitable, insuffisant pour les étudiants des milieux modestes et quasi inexistant pour les étudiants issus des classes moyennes. Les Cités-U sont fermées, ou quand elles sont rénovées leur prix augmente et leur accès est réservé aux étudiants ayant les moyens. Le prix du repas en Resto-U est de plus en plus à la charge des étudiants. L’aide sociale devient peu à peu un marché, et Ferry accélérera certainement les choses.

Des étudiants de Caen et de Lyon (et Amiens l’an dernier) se font expulser de Cités-U. Des étudiants à Nanterre, qui protestaient contre la non inscription de 270 d’entre eux ont été réprimés par les brigades anti-criminalités (sic !) avec alignement contre le mur et fouille, puis le lendemain par les vigiles de l’Université (qui ont utilisé des bombes lacrymogènes et des matraques ). Comptant sur ce genre de répression et une certaine apathie du milieu étudiant entretenue par les organisations comme la Fage ou l’Unef, Ferry entend bien aller jusqu’à une réforme qui livre l’Université aux patrons et transforme l’aide sociale en marché. Nous avons devant nous du temps pour continuer l’information afin de préparer les mobilisations et grèves qui seront nécessaires. Les militants étudiants de la Gauche révolutionnaire et de Résistance internationale ont édité plusieurs numéro du bulletin Offensive (dont un 4 pages) pour préparer cette mobilisation. Si vous souhaitez en recevoir, en diffuser ou participer à leur rédaction, contactez nous.

-Ne laissons pas l’éducation aux mains des patrons !

-Pour une éducation gratuite et accessible à tous et à toutes !

-Pour l’augmentation du budget de l’aide sociale !

-Non à la LMU !

Par Alex Rouillard