Turquie : soutien à la lutte des travailleurs et travailleuses contre la vie chère !

En Turquie, la crise sanitaire a accentué la crise économique creusant encore plus les inégalités de richesses au sein de la population.

Selon l’Institut turc de la statistique (TÜİK), l’inflation annuelle officielle a atteint 48 % en janvier, ce qui est déjà un taux très important. Pourtant le taux a été démenti par le groupe indépendant de recherche sur l’inflation (ENAG) qui a annoncé le chiffre de 114 %. Les prix de l’électricité, des loyers et des denrées alimentaires de base ont augmenté de plus de 100 %, et des millions de familles n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Citons à ce titre les tarifs d’électricité pour les particuliers et les commerces qui ont bondi de 125 % au 1er janvier.

Face à cela, Erdoğan a augmenté le SMIC qui passe de 2 825 à 4 250 livres turques (TL) soit 440 euros. Mais dans le même temps, les prix ne sont pas gelés, l’inflation augmente chaque jour et le nouveau taux du SMIC a très vite été rattrapé par le seuil de pauvreté en passant à 13 843 TL (905 euros) pour une famille de quatre personnes.

Les travailleurs en lutte contre l’inflation, pour la hausse des salaires

Face à la situation de crise économique, des luttes sont en cours depuis mi-janvier partout dans le pays. La lutte a commencé dans le secteur de la métallurgie (Mersin, Cimsatas) où les ouvriers se sont mis en lutte contre les mauvaises conditions de travail (pression des patrons, pas de temps de pause, déjeuner misérable, temps de production minuté…) mais également pour une hausse des salaires.

Fin janvier, la lutte a été suivie par l’ensemble des coursiers, notamment ceux de la firme de Trendyol. Ces travailleurs-là comme partout dans le monde ne sont pas protégés par le droit du travail, n’ont pas de vacances et sont obligés de rouler en tout temps, toute heure pour un salaire relativement bas et des conditions de travail misérables. Pour servir qui ? Les patrons de e-commerce qui se sont fait une masse de thunes pendant la crise sanitaire. À noter qu’en plein hiver, alors que Istanbul était sous la neige, les coursiers avaient été obligés de continuer de rouler en plein neige quitte à en perdre la vie.

Les employés de Trendyol ont coupé le contact pour protester contre la hausse de 11 % proposée par les patrons. Leur lutte s’est achevée par une victoire puisque l’augmentation de 11 % a été portée à 38,8 % à la suite de négociations.

Suite à cette victoire, leur lutte est devenue très contagieuse et a envahi les coursiers/livreurs de tout le pays : HepsiJet, Scotty, Aras Kargo, Sürat Kargo, Yurtiçi Kargo, Yemeksepeti, Banabi…

Mais pas que ! Environ 700 travailleurs des mines de minerai de fer de Divriği, dans la province turque du Sivas sont en lutte, les luttes se poursuivent dans l’automobile, la métallurgie, les chaînes de magasins alimentaires (MIGROS où 150 ouvriers ont été licenciés suite à leurs revendications).

Dans le même temps, à l’Est du pays, des milliers de manifestants marchent dans les provinces kurdes de Mardin, Ağrı ou encore Şırnak contre l’inflation sur l’électricité.

Coursiers de Banabi en grève

L’importance de la place des syndicats et des organisations politiques dans la lutte

Bien que ces luttes soient importantes surtout dans le contexte de crise actuel, elles ne sont pas suivies massivement par les partis politiques et organisations syndicales.

L’actualité politique de la Turquie est tellement occupée par les magouilles politiques, les relations mafia-politiques que les partis d’opposition et organisations de gauche qui devraient lancer toute une campagne de sensibilisation et de soutien sur ces luttes, en restent finalement détachés.

Les priorités des partis et organisations syndicales doivent être la hausse des salaires, le gel des prix et la hausse du pouvoir d’achat car l’ensemble de la population souffre de la crise économique et que celles-ci doivent être le point pour rallier les travailleurs et l’ensemble des luttes en cours afin également de lutter contre la dictature d’Erdoğan.

Il revient alors aux organisations syndicales d’organiser les travailleurs et de revendiquer :

  • La hausse des salaires dans tous les secteurs
  • Le gel des prix
  • La baisse du temps de travail
  • Des conditions de travail dignes et décentes
  • La protection du statut de syndiqué

Les ouvriers et travailleurs doivent prendre conscience que les partis de centre et de droite (CHP, İyi Parti, SP, DEVA, Gelecek partisi) qui réfléchissent à une alliance contre Erdoğan pour l’élection présisidentielle de 2023, n’ont rien à donner aux ouvriers. D’autant plus que parmi eux se trouvent Ahmet Davutoğlu, et Ali Babacan, tous deux anciens ministres et ex-dirigeants de l’AKP.

Les travailleurs doivent se réunir sous le toit de leur propre parti, se syndiquer massivement, créer des comités ouvriers afin de diriger la lutte pour renverser le gouvernement autoritaire et anti-démocratique et foncièrement capitaliste de l’AKP.

La Gauche Révolutionnaire salue chaleureusement les luttes des travailleurs et travailleuses de Turquie et souscrit à l’ensemble de leurs revendications !

Par Nazim, article paru en version courte dans l’Egalité n°209