Travailleurs sociaux : la grogne monte !

Face à la dégradation des conditions de travail due notamment à la stagnation des budgets une mobilisation commence à s’organiser sur l’agglomération de Rouen. Nous avons interviewé l’une des organisatrice de celle-ci, Mélanie Gras, militante de la Gauche révolutionnaire et syndicaliste à Sud santé-sociaux.

Article paru dans l’Egalité n°97

L’Egalité : « Quelles sont les causes de cette dégradation ?
MG : Nationalement, le budget alloué à l’aide sociale est resté globalement le même akors que la plupart des Conseils généraux ont demandé encore plus de missions. Ceci s’est traduit par un redéploiement des moyens budgétaires. On a, par exemple une hausse de 7% pour le handicap et une baisse de 5% pour l’insertion. Ceci est à remettre dans le cadre d’une volonté de passer du service social à l’action caritative, cette dernière étant basée principalement sur le bénévolat. Un récent texte du MEDEF déclare que le caritatif doit se développer. Dans la plupart des Conseils généraux les budgets sociaux sont les premiers budgets puisqu’ils regroupent : PMI (Protection maternelle et infantile), RMI, Aide sociale à l’enfance etc. Le patronat voudrait bien que ces sommes aillent ailleurs.

L’Egalité: Quelle est la cause d’une telle politique qui revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul ?
MG : C’est bien évidemment le désengagement de l’Etat. On refourgue tout à l’associatif qui se retrouve de plus en plus à gérer lui même. A terme, les formations n’auront plus lieu d’être puisqu’on aura recours au bénévolat. Aujourd’hui nous tavaillons dans des associations loi 1901 qui sont totalement liées aux pouvoirs publics, avec missions, cahiers des charges etc. Rien à voir avec les campagnes caritatives ponctuelles qui n’ont que le fonctionnement de l’accueil des bénévoles à rémunérer.

L’Egalité : concrètement quelles ont été les conséquences ?
MG : certaines associations comme l’ASEJ (qui se charge de la réinsertion des anciens détenus) a vu son budget baisser de 40%. A l’œuvre hospitalière de nuit (OHN, où je travaille) il manque 2 millions de francs (environ 300 000 euros). Du côté de l’URAS (Unité de reconquête de l’autonomie sociale), il n’y a plus d’argent pour payer les voyages et les remplacements se font au compte goutte.

L’Egalité : Quelles premières initiatives avez-vous prises?
MG : la section SUD de l’OHN a appelé à une assemblée générale sur la question de la baisse budgétaire. Une réflexion a commencé sur les actions à entreprendre. Nous avons bien vu qu’il fallait arrêter de faire la grève chaque association dans son coin, ce qui permet au Conseil général de redéployer son budget, en fonction de ceux qui crient le plus fort, tout en restant à moyens constants. Nous avons donc décidé d’une réunion en contactant le maximum de structures possible. Une trentaine de travailleurs sociaux sont venus, souvent délégués par leur collègues, représentant douze associations. Cela a permis de se rendre compte de l’ampleur des dégâts en fonction du statut des associations et de l’éclatement des missions lié au désengagement de l’état. La tendance générale est à l’aggravation tout en se déclinant de façon différente. Et comme toujours en fonction des grandes priorités décidées par l’état, on prend à un endroit pour mettre ailleurs. Malheureusement seul le secteur de l’insertion était présent, nous faisant courir le risque de tirer la couverture à nous. Nous avons donc décidé de continuer à contacter d’autres secteurs, ce qui a été la tâche d’une dizaine de volontaires pendant l’été.

L’Egalité : quelles perspectives avez-vous ? (Grèves, manifs ?)
MG : Nous préparons une AG en Octobre. Le risque existe cependant que les directeurs de service essaient de profiter du mouvement pour tirer la couverture à eux. Leur seule préoccupation est de boucler leur budget, alors que nous revendiquons l’obtention de plus de moyens non seulement pour fonctionner mais pour réellement améliorer les conditions de travail. Bien souvent, les responsables d’associations se contentent de budgets a minima et font peser cela sur les travailleurs sociaux. Les heures supplémentaires par exemple ne sont jamais payées mais récupérées et encore quand cela est possible. Dans ce sens l’actuel décret Fillon, qui vise à supprimer le caractère automatique de la récupération de chaque heure supplémentaire si elle n’est pas payée, ajoutée encore à l’aggravation de nos conditions de travail. Nous irons certainement à la réunion nationale de la FNARS (association rassemblant les directeurs et cadres de l’action sociale) le 11 octobre, pour leur montrer nos revendications.

L’Egalité: Et du côté des attaques ?
MG : L’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) dit exactement la même chose que le MEDEF : « solvabiliser l’action sociale plutôt que de subventionner l’offre ». En clair, mettre l’action sociale en situation de concurrence et de rentabilité. Le MEDEF joue sur l’argument suivant : c’est le travail qui socialise le plus, c’est donc nous qui faisons la plus grande oeuvre d’insertion sociale, nous devrions avoir le droit aux contrats d’insertion du type CES…Un tel raisonnement peut mener très loin.

L’Egalité: et les syndicats dans tout ça ?
MG : Le fait que Sud ne soit pas une vraie fédération bloque certaines choses. De plus il n’y a pas de bureau local, seulement un bureau départemental, l’information ne passe pas et li n’y a pas de vrai réseau de syndicalistes. Seuls les syndicalistes de la fonction publique (hôpitaux…) sont présents aux réunions départementales et nos réalités ne sont pas du tout les mêmes, de plus, nous n’avons pas de contact au niveau national. Du côté de la CGT, il n’y a pas eu de contact non plus. Des questions à plus long terme se posent en plus de la construction de la lutte, il s’agit de construire un vrai syndicat qui soit un véritable outil pour les travailleurs.