Tolérance zéro

Voilà plusieurs mois que les mass-médias et les politiciens se renvoient la balle de « l’insécurité ». Dans les flots de paroles et d’images dont ils nous inondent régulièrement, il y a comme qui dirait une vieille « odeur de soufre ».

Article paru dans l’Egalité n°86

La « violence urbaine » et « l’incivilité » des jeunes sont les nouvelles vérités politico-médiatiques qui viennent appuyer les projets de lois qui tendent de plus en plus à criminaliser la misère sociale et à renforcer le rôle pénal et répressif de l’Etat aux dépends de son intervention sociale.

Dans leur grotesque immoralité, nos dirigeants n’oublient pas de nous prendre pour des imbéciles : ainsi, l’affrontement qui s’est déroulé à la Défense entre deux bandes rivales est pointé de l’œil des caméras et décrit en termes de phénomène nouveau propre aux « sauvageons » issus de l’immigration et des « quartiers difficiles », incapables d’intégrer les valeurs morales et civiques françaises ! Ces événements ne sont ni nouveaux, ni propres aux banlieues : qui n’a pas connu dans sa jeunesse, qu’il soit fils de médecin ou fils d’ouvrier, habitant la campagne ou la ville, de pareilles rivalités qui finissent souvent en bastons organisées ? En réalité, les traits nouveaux de cette altercation résident plutôt dans son caractère massif, auto-destructeur et dans le transfert du lieu d’affrontement et donc de sa visibilité. La nouveauté réside surtout dans les solutions démesurées et dangereuses envisagées par nos gouvernants pour résorber ces problèmes.

Leur concept de la Justice se résument en deux mots largement diffusés : Tolérance Zéro. Selon la théorie qui fonde ce slogan, tous les délits, même mineurs doivent être sanctionnés d’une peine d’emprisonnement ferme. Cette vision de la Justice ne nous est pas très étrangère. Elle s’inspire en fait de la politique des Etats-Unis qui l’appliquent tant est si bien qu’elle nourrit aujourd’hui des milliers de patrons d’entreprises carcérales (les prisons sont privatisées, les détenus, quasiment tous issus de la classe ouvrière, constituent ainsi une masse importante de travailleurs sur-exploités), sans chercher à résoudre les problèmes socio-économiques de fond qui contribuent pour une large part à l’amplification des confrontations armées entre jeunes.

Cette politique pénale a été docilement reprise par le parti travailliste de Tony Blair en 98 qui défendit son projet en ces termes : « Le principe de base ici, c’est de dire que, oui, il est juste d’être intolérant envers les sans-abris dans la rue. »  Nous ne devons certainement pas avoir la même définition de la Justice ! Car au-delà de la conception américaine, elle nous rappelle dangereusement celle de l’époque monarchique où les geôles de la Bastille débordaient d’indésirables…

Les Jospin, les Chirac, DSK, Balkany, Pasqua, Dumas, ainsi que les grands patrons, quant à eux, ne manquent pas à l’appel des véritables criminels, jamais ou rarement condamnés, qui battent le rythme de la tolérance zéro à l’encontre des jeunes qui subissent la misère, le chômage ou la précarité… Un air qui sonnent résolument faux : Nous devrions nous insurger contre les argumentaires démagogiques, répressifs et racistes qui sont à l’œuvre depuis trop longtemps déjà. Leurs discours ne font que conforter ceux de la droite extrême et nourrir le terreau de la peur.

Disons le encore, le problème de la violence ne peut être ni compris, ni résolu, sans considérer le contexte social dans lequel il s’est développé.

Contre la répression et l’état policier, il faut revendiquer notre droit à de véritables emplois ; contre la profusion des prisons à but lucratif, il faut revendiquer notre droit à la santé et à des logements décents. contre la montée de l’ordre pénal, revendiquons notre droit à la justice sociale.

Par Carla