Témoignage : l’ubérisation et la journée de travail à 15 €

Je m’appelle Mina, je suis militante de la Gauche Révolutionnaire. Jeune étudiante et licenciée en Psychologie Clinique, je suis venue en France depuis l’Algérie pour continuer mon Master. Malheureusement, j’ai dû abandonner mes études pour cette année, car mes moyens ne me suffisaient plus et les loyers du Crous étaient beaucoup trop élevés. A cela s’ajoute l’impossibilité de trouver un travail décent avec un salaire qui puisse recouvrir mes besoins primaires.

En abandonnant mes études pour cette année, j’ai dû me mettre sous un statut d’auto-entrepreneuse afin de trouver un travail en temps partiel en tant que baby-sitter. Je travaille dans une nouvelle entreprise parisienne, « Happysitters », où je reçois un salaire instable car mes horaires de travail varient selon les besoins des parents. Mon salaire va de 200 à 400 euros par mois, ce qui est très peu quand on vit à Paris, avec un statut d’étrangère hors UE. Alors que la boite qui sert de simple intermédiaire prend aux environs de 35% de nos revenus.

Récemment, j’ai eu un accident, une fracture du coccyx qui a nécessité une semaine d’arrêt de travail. Mais avec mon statut, je ne bénéficie ni de congés payés ni d’indemnisations de la part de la Sécurité sociale, ce qui me fait perdre jusqu’à 150 euros de revenu, et évidemment, on ne me l’a pas dit dès le départ.

Coronavirus : un prétexte à la surexploitation

Avec le Coronavirus, cette situation a été aggravée, car la boîte a dit aux parents qu’ils pourraient bénéficier de mon travail pour un tarif de 15 euros la journée ! Sans me consulter au préalable. A aucun moment cela n’a été stipulé sur le contrat. Mais après discussion, les parents n’ont pas accepté cette offre car ils considéraient que c’était de la surexploitation et de l’arnaque. D’autres baby-sitters, qui travaillent avec des parents célibataires, n’ont cependant pas eu cette chance et devront donc travailler pour 15 euros la journée pour n’importe quel nombre d’heures et en étant exposés à des porteurs du virus en prenant les transports en commun.

Suite à cela, Happysitter m’a envoyé un mail me disant que je ne bénéficiais pas du tout du chômage partiel, car je n’étais pas salariée chez eux et que donc ces jours de confinement étaient carrément une perte d’argent.

Les plate-formes essaient de nous vendre le statut d’auto-entrepreneur comme avantageux car on n’aurait pas de patron « physique », mais c’est tout autre car ça permet aux patrons de ne pas faire de vrai contrat de travail avec un vrai statut qui nous permettrait d’avoir des droits comme l’assurance maladie ou le chômage. Les travailleuses ayant le statut d’auto-entrepreneur dans des boites de babysitting qui « n’emploient » que sous ce statut sont en réalité toutes dépendantes de ces revenus pour vivre ou survivre, donc elles devraient être employées directement par la boite en CDI pour celles qui le souhaitent.

C’est juste inadmissible que de simples boites de babysitting fassent bosser les gens pour 15 euros la journée, où est donc la limite pour que demain, d’autres patrons exigent la même chose de leurs salariés en faisant jouer la carte de la solidarité ?

Ce système rend les gens pauvres plus pauvres et les riches plus riches à cause du profit tiré de notre travail. La crise sanitaire dont nous sommes en train de subir les conséquences révèle très nettement la nécessité de renverser le système capitaliste et de lutter pour le socialisme.

Y’en assez ! nous devons lutter pour un vrai service public de structures d’accueil et de garde pour les enfants après l’école, gratuit, dans lesquelles tous les travailleurs auront de bon salaires et de bonnes conditions de travail pour bien s’occuper des petits.

  • Pour le paiement de toutes les heures travaillées !
  • Pour l’indemnisation à 100% de tous les travailleurs confinés !

Mina Boukhaoua