Syrie : les capitalistes défendent leurs intérêts.

syrieAlors que les diplomates s’agitent pour la conférence de la paix de Genève 2, et après que les Etats Unis et la France aient « renoncé » à des frappes militaires contre le régime de Bachar al-Assad, il est légitime d’espérer une amélioration pour la population syrienne. Encore faudrait-il que ce soit le but poursuivi par les capitalistes des différentes nations invitées à cette conférence ?

Au nom de la protection de la population syrienne, Etats-Unis et France ont brandi la menace de frappes militaires contre le régime en place. Pourquoi réagir à ce moment précis alors que le conflit a déjà fait plus de 150 000 morts et 5 millions de réfugiés en deux ans et demi ? Parce que les images diffusées au même moment étaient une bonne occasion pour que l’opinion publique des pays prêts à cette action se renverse et approuve l’intervention militaire. Bien qu’ouvertement armés par les Etats Unis depuis septembre, les rebelles marquent le pas et Bachar al-Assad contrôle encore le pays. Ne nous y trompons pas, les impérialistes américains, français, saoudiens et turcs qui sont « amis » des différents groupes rebelles ne veulent pas libérer le peuple syrien du joug d’un dictateur, mais contrôler à leur tour la Syrie par l’intermédiaire d’un nouveau gouvernement issu du Conseil National Syrien, qui pourrait faire la part belle aux islamistes, tant ils sont présents et actifs parmi les rebelles. La compagnie britannique de renseignement IHS Jane’s estime en effet que sur 100 000 combattants, 10 000 sont liés à al-Qaida et 35 000 sont réputés proches de leurs idées sans y être liés, et ceux-ci sont les plus actifs parmi les 1000 groupes différents formant la rébellion.

La menace d’intervention militaire en Syrie de la part des occidentaux pour « punir Bachar-al-Assad d’avoir utilisé des armes chimiques contre son peuple rappelle inévitablement le motif présumé de la dernière guerre en Irak : la lutte contre le terrorisme et l’élimination des armes de destruction massive. Ces deux accusations ont depuis été démontrées comme non fondées, y compris par le sénat américain. Il s’agissait pour G.W. Bush d’avoir un alibi pour que l’opinion publique américaine soit derrière lui alors qu’une des raisons de l’intervention en Irak a été de faire d’installer un gouvernement pro-américain pour faire de l’Irak un pilier de l’ordre dans la région alors que l’Iran a échappé aux américains depuis 1979 et que l’Arabie Saoudite perd de sa fiabilité. Pour la Syrie, le motif évoqué par les Etats Unis et la France se veut protecteur et généreux parce qu’il est impossible de dire qu’on veut profiter de l’opportunité d’intervenir militairement pour étendre son influence sur la Syrie et défendre des intérêts stratégiques et économiques, sans se soucier de la souffrance du peuple syrien.

Une région riche et stratégique

La guerre civile syrienne révèle aussi les tensions impérialistes entre le bloc « occidental » de l’Arabie Saoudite, la Turquie, le Qatar et les Etats-Unis et le bloc de la Russie et de l’Iran. Il ne s’agit plus d’une lutte contre le communisme héritée de la guerre froide, mais d’une lutte entre pays capitalistes. La Russie, protège Bachar al-Assad, en plus de ses intérêts économiques, pour sauvegarder sa base navale à Tartous, sur la côte Ouest de la Syrie qui lui assure un accès unique à la méditerranée. Les Etats-Unis poursuivent un « plan de pacification du Moyen Orient » pour s’opposer à la menace iranienne (menace extrêmement minimisée par un compte rendu au Congrès des États-Unis émanant du département de la défense et des services d’intelligence) et qui passe par une « stabilisation » de la Syrie, stabilisation voulant dire obéissance aux ordre des Etats-Unis.

Le Moyen Orient est depuis longtemps une zone stratégique importante. La guerre civile au Liban (1975 à 1990) est liée aux ingérences d’Israël pour sa lutte contre l’OLP, mais aussi par son intérêt pour les ressources hydrauliques. Dans quelle mesure les agents américains, par le biais de l’US Commitee for free Lebanon, ont-ils contribué à la révolution du Cèdre qui a permis d’écarter la Syrie pro Hezbollah après l’assassinat de R. Hariri en 2005 ? Quel est le sens des propos du vice président américain Joe Biden demandant aux libanais de « bien voter » en 2009 ?

La France n’est pas en reste, et tente de louvoyer pour regagner un peu d’influence. En 2005, Chirac a d’abord essayé d’éviter une attaque israélienne qui aurait conforté les positions d’Isrraël et des Etats-Unis au détriment de la France, pour ensuite vouloir faire partie d’une force multinationale qui s’installerait au Liban, tout en renforçant ses contacts avec les éléments les plus réactionnaires, tels que l’ancien chef des Forces Libanaises ayant perpétré les massacres de Sabra et Chatila, en 1982, Samir Geagea, accueilli en France, dès juillet 2005. En Syrie, Hollande a depuis le début soutenu les insurgés et empêché toute issue négociée à l’atroce guerre en lui donnant pour seul but le renversement de Bachar al-Assad, avant de clamer cet été leur désir d’envoyer des bombardiers français. Rappelons que Total détenait plusieurs permis d’exploitation de gaz et de pétrole syrien avant de devoir se retirer à cause des sanctions occidentales et que d’autres entreprises françaises étaient présentes (Bel, Lafarge…).

Les différents pays impérialistes luttent pour avoir le contrôle des richesses naturelles du Moyen Orient. Le pétrole est un enjeu pour l’économie syrienne avec, en 2011, une production de 600 000 barils par jour, mais aussi pour la production de gaz qui s’élevait à 30,29 millions de m3 par jour. Après la signature de divers accords de transport du gaz iranien via l’Irak et la Syrie, cette dernière est devenue le principal centre de stockage et de production du gaz, offrant un avantage considérable au gazier russe Gazprom dans la guerre pour le gaz qui a cours avec les Etats Unis. Mettre en place un nouveau gouvernement syrien fortement « redevable » aux américains renverserait la tendance et permettrait au projet US concurrent Nabucco de frapper un grand coup en joignant le gaz de la Syrie, du Liban et d’Israël au gazoduc d’Erzurum en Turquie. A une échelle moindre, la France joue aussi la carte du gaz depuis qu’elle a étendu son influence en Lybie, autre producteur important.

Pour lutte unie des travailleurs contre le capitalisme et l’impérialisme!

De toute évidence, aucune confiance ne doit être accordée aux impérialistes et à ce jeu macabre  pour défendre les intérêts des capitalistes de chaque pays. Le peuple syrien souffre atrocement de la guerre civile et si le dictateur Bachar al-Assad opprime son peuple, il n’y a rien de mieux à espérer des rebelles qui maintiendront un capitalisme dur pour faire profiter les occidentaux des richesses du pays. C’est d’une lutte démocratique et populaire des travailleurs syriens, soutenus par les travailleurs des pays impérialistes, susceptible de s’étendre au Moyen Orient à travers une confédération socialiste qu’il est besoin pour que cette région du monde se débarrasse de la dictature, du capitalisme et de l’impérialisme, et qu’elle donne un élan aux travailleurs des autres pays.