Sans papiers, la « guerre muette »

Sans avoir trop la faveur des médias, la lutte des sans papiers continue. Trop peu de personnes ont réellement compris ce qui se passait à Sangatte, ce qui n’était que les prémices que de ce qui pourra arriver demain. Ces demandeurs d’asile ne désiraient pas rester en France, mais juste se rendre dans le pays dans lequel ils souhaitaient se réfugier : l’Angleterre, car leurs familles et leurs connaissances s’y trouvent.

Article paru dans l’Egalité n°99

C’est un peu comme si quelqu’un en Belgique demandait l’asile en France, chose qui lui est de facto refusé au prétexte qu’il ne séjourne pas sur ce territoire. Les différents maires et préfets sont descendus en délégation afin d’avoir (Deus ex Sarkosy), fermeté et fermeture de Sangatte, accord inespéré, et quelques larmes pour les uns et un bus qui part… Tout cela avec un recensement anti-Ben Laden au cas où… Pas ou peu d’informations sur les non-kurdes et les non-afghans qui n’ont pas bénéficiés des « largesses » de l’Etat ! On se retranche vite derrière le droit international et l’ONU quand il s’agit d’attaquer Saddam Hussein, et on le bafoue lorsqu’il s’agit des sans papiers.

« Notre » ministre nous a aussi soumis une réflexion sur un contrat d’intégration qu’il présentera en juin et qui s’inspire des systèmes allemands et américains. Une sorte donc de « carte verte », qui permettra de régulariser pour une année les personnes dont « nous aurons besoin ».Ce sera peut être même le MEDEF qui fixera ses quotas et qui pourra en plus fixer ses conditions à cette masse de salariés, recréant des inégalités dans les demandes en fonction des diplômes et de l’expérience, et dans les salaires et les conditions de travail. L’espoir fou d’avoir des papiers ne durera qu’un an avant d’être renvoyé si les besoins ont changé. On nous affirme que ces personnes signant ce contrat disposeront de l’apprentissage du français (écrit et parlé), ainsi que de la culture, et avec comme d’habitude des informations -quasiment aucune- sur les moyens qui seront mis en place (locaux…). On se retrouve dans une belle hypocrisie ! Le risque, si cette mesure s’applique aux Sans Papiers déjà en France, est que la lutte se morcelle rentrant d’elle-même dans le cas par cas, certains espérant, d’autres refusant ce futur contrat. Pour certains leurs espoirs ne sont plus que dans la grève de la faim car c’est maintenant qu’ils veulent une réponse.

A Lyon, des kurdes sont en grève de la faim depuis plusieurs semaines préférant « mourir ici que de repartir ». Mais ce n’est pas en mourant qu’on gagnera la régularisation. Les collectifs de Sans Papiers, souvent sous la pression des organisation de « soutien », favorisent trop souvent les négociations sur les dossiers avec les préfectures, entraînant une impatience et un certain désespoir pour des sans papiers. Au lieu de cela, les collectifs doivent (re) proposer la construction de l’auto-organisation de la lutte autour d’actions (rassemblements, manifestations, débats) et pour aller vers de nouvelles occupations, coordonnées nationalement. C’est la vague d’occupations (Saint Denis, Rouen…) qui a relancé la lutte en août et septembre. C’est ce chemin qu’il faut reprendre pour gagner.

Par Arnaud Benoist