Depuis maintenant 20 ans, régulièrement les gouvernements, qu’ils soient de droite ou de “gauche”, essayent de casser l’enseignement public. Pour tenter de répondre à cette question : « quelle école voulons-nous? », il faut se demander à quoi sert l’éducation dans cette société.
Article paru dans l’Egalité n°102
Le système éducatif : l’un des rouages de la société de classe
L’Ecole n’est pas un élément extérieur à cette société. Une institution “neutre” qui serait au-dessus de la mêlée de la lutte des classes. Sa fonction primordiale est donnée par la nature même du capitalisme et son évolution est la conséquence de l’évolution des rapports entre les classes sociales. En cela l’Ecole que nous connaissons aujourd’hui est le résultat d’un siècle et demi de lutte de la part des travailleurs et d’attaques de la part du patronat, tant au niveau proprement scolaire que social dans son ensemble. Aujourd’hui, copte tenu de la crise, le patronat n’a pas besoin de têtes bien remplies et critiques. Il lui suffit d’avoir des salariés qui savent efficacement exécuter les tâches pour lesquelles ils sont rémunérés. Autrement dit, fondamentalement, la bourgeoisie a besoin d’une école qui permette le renouvellement de la force de travail – les ouvriers et les techniciens. Elle n’a pas besoin d’une école qui forme des personnes qui soient en mesure de comprendre et de critiquer le système. On le voit, l’école est donc directement liée au mode et au rapport de production de la société capitaliste.
Le rôle fondamental de l’école dans ce cadre est donc, pour les classes dirigeantes, de permettre la perpétuation du système capitaliste et donc de la division de la société en classes sociales.
Face à cela ce sont les luttes de la classe ouvrière comme celles du début du 20ème siècle ou de mai-juin 1968, qui ont toujours imposées d’autres choix pour l’école, que ceux voulus par le patronat : une Ecole publique, gratuite, laïque et mixte ; c’est-à-dire une Ecole prise en charge par la société dans son ensemble et non plus par des intérêts privés qu’ils soient confessionnels ou non, dans laquelle chacun aurait la possibilité de faire des études pour acquérir une formation de qualité.
La casse de l’Ecole
Il en va de l’éducation comme de tous les acquis sociaux. Les concessions furent faites à des époques de croissances économiques et sous la pression des luttes des travailleurs– comme durant les 30 Glorieuses – durant lesquelles la bourgeoisie et le patronat pouvaient se le permettre sans rogner trop sur leur profit et durant lesquelles les modifications techniques nécessitaient une formation plus poussée de la population. Depuis le début des années 1970, le capitalisme est en crise. Depuis quelques années, cette crise s’est approfondie. Le patronat n’a plus les moyens de sauvegarder à la fois ses profits et des acquis sociaux tels que l’enseignement public ou les conventions collectives. C’est ainsi que les réformes se suivent (Devaquet-Monaury en 1986, Jospin en 1991, CIP de Balladur en 1993, Université du 3ème Millénaire mise en place par Lang, Allègre en 1998, Ferry en 2003) et vont toujours dans le même sens: vers la privatisation et la baisse de la qualité des enseignements.
Toutes ces réformes, soit disant “ pédagogiques ” ou “ structurelles ” n’ont qu’un objectif revenir sur le principe d’une éducation ouverte à tous et remettre l’école sous la coupe du patronat.
Elles partent pourtant d’une réalité : les élèves issus des classes populaires ont de moins bons résultats scolaires et poursuivent des études moins longues que leur camarades issus des classes moyennes et supérieures. En l’absence de moyens suffisants le collège unique ou l’ouverture de l’enseignement supérieur ne pouvaient qu’échouer. Les réformes de l’Education nationale depuis les années 80 s’appuient sur « l’incapacité du système éducatif à s’adapter aux besoins du patronat ». Montrant bien ainsi que pour les capitalistes l’école ne doit pas servir à former des individus conscients et critiques mais des exécutants « flexibles » et dociles. C’est dans cet objectif que se sont développées deux idées : la « modernisation » du système éducatif et le développement de « l’autonomie » des établissements. L’objectif est de « rapprocher le monde de l’école de celui de l’entreprise », non pas dans un souci d’offrir une formation plus large, plus concrète et moins élitiste mais bien d’offrir une main d’œuvre immédiatement corvéable aux entreprises. Tout comme la décentralisation, sous le système capitaliste, n’a d’autres buts que d’asservir les écoles aux besoins des entreprises locales.
C’est aussi dans ce cadre que s’insèrent les récentes réformes « pédagogiques » qui mettent en avant les notions de « compétences » et de « savoir-faire » insistant sur ceux nécessaires à un ouvrier dans l’ entreprise. Il en va de même pour l’extension de la professionnalisation des filières. Le problème n’est pas de former les enfants à un métier manuel. Le problème est que ces filières ultra spécialisées maintiennent les élèves et futurs ouvriers dans une tâche bien précise et renforce la division de la société en classes sociales. Les tâches plus intellectuelles étant réservées aux classes les plus aisées. Pour poursuivre des études, il faut en avoir les moyens; ainsi les élèves des milieux défavorisés se retrouvent donc dans des filières professionnelles qu’ils n’ont pas toujours choisi.
Le patronat agit donc clairement, grâce aux gouvernements à son service, dans le sens de la privatisation de l’Ecole via la régionalisation des enseignements, des diplômes et des financements. Son but est de mettre la main sur le marché de l’enseignement qui lui échappe en grande partie en France et de casser les conventions collectives en brisant le cadre des diplômes reconnus nationalement (surtout pour l’enseignement supérieur). Face au concept collectif de qualification le patronat veut imposer le concept individuel de la performance (le savoir-faire de chacun sur le poste de travail). Face à la convention collective il veut imposer le contrat individuel. Et enfin professionnaliser l’enseignement afin d’une part de sortir rapidement la majorité des élèves issus des couches populaires du circuit scolaire , lutter contre la massification et réduire les coûts de l’enseignement public obligatoire.
Un programme socialiste pour l’éducation
L’idée que l’éducation est une priorité a été soulevée par Marx et constituait une part importante des réformes mises en place par les Bolchéviks lors de la révolution russe. Les principes fondamentaux d’une éducation socialiste découlent de l’abolition de la division en classe de la société. Ainsi, la mise en place d’une éducation polytechnique ancrée dans la vraie vie et non plus abstraite. L’école formerait donc ainsi des individus critiques et conscients et non plus des rouages d’une machine, formés à accomplir une tâche précise, déterminée par sa place dans la société. De même les établissements seraient organisés au sein de comités démocratiques élus par la communauté et composés de toutes les composantes de la communauté éducative y compris les élèves et les parents. Les écoles ne seraient plus les temples sacrés du savoir fermés à la majorité, mais des lieux ouverts où tous seraient les bienvenus sur les temps scolaires et en dehors de ceux-ci.
Par Virginie Prégny et Yann Venier
- Pour une école gratuite, de qualité pour tous de la maternelle à l’université
- Pour une augmentation massive des dépenses publiques allouées à l’éducation afin d’engager le personnel nécessaire à la mise en place de classes plus petites, développer les ressources pédagogiques et améliorer la qualité des bâtiments
- Non à l’intervention des entreprises privées dans la gestion des établissements scolaires
- Pour une gestion démocratique par des comités élus avec une plus grande place accordée aux élèves, aux parents ainsi qu’aux personnels non-enseignants. Les directeurs d’écoles et principaux doivent être élus et révocables avec un salaire équivalent aux autres membres de l’école
- Pour l’abolition de toute forme de sélection (tests, examens…)
- Pour de nouveaux programmes scolaires en prise avec les réalités concrètes, mais laissant aussi la place à la créativité des professeurs et des élèves
- Plus de temps et de moyens doivent être accordés à l’éducation à la santé et à la sexualité
- Pour un système éducatif basé sur l’apprentissage et la formation individuelle, non pas sur la sélection par des examens