Les 20, 21 et 22 avril derniers, 34 chefs d’Etat du continent américain, sauf Fidel Castro, se sont réunis à Québec afin d’avancer vers la constitution d’une zone de libre-échange des Amériques (ZLEA).
Article paru dans l’Egalité n°87
Cette zone serait l’extension de l’ALENA regroupant les USA, le Canada et le Mexique. Des milliers de manifestants anti-mondialistes ont tenté durant les trois jours de faire entendre la voix de la contestation.
La ZLEA est conçu comme un renforcement des mesures libérales et anti-ouvrières contenues dans l’ALENA en l’étendant de surcroît à 34 pays du continent américain, pesant 800 millions d’habitants/consommateurs et 9000 milliards de dollars. Elle permettra une déréglementation accrue du travail, une libéralisation des investissements, une concurrence exacerbée entre les travailleurs des différents pays entre eux et une diminution des protections en faveur de l’environnement. En bref une détérioration des conditions de vie et de travail pour les travailleurs, les paysans et les peuples opprimés ainsi que pour la jeunesse des Amériques.
L’ALENA : le précurseur de la ZLEA
Ils suffit pour s’en convaincre de regarder ce qu’a entraîné l’ALENA. Depuis sa mise en application, les conditions de vie et de travail des travailleurs se sont aggravées en Amérique du Nord. Au Canada le salaire moyen a chuté de 6% pendant les années 90, alors que les programmes sociaux incluant l’assurance chômage ont été tranchés dans le vif. Au Mexique les revenus des travailleurs salariés ont chuté de 25% depuis 1991, et ceux des travailleurs indépendants ont chutés de 40%. Aux USA plus de 766.000 emplois ont été perdus entre 1994 et 2000, en particulier pour les emplois stables et bien payés de l’industrie.
Le retour de l’AMI version américaine
Longtemps caché, l’un des chapitres des accords devant instituer la ZLEA rappelle étrangement certains points de l’AMI – accords mondiaux sur la libéralisation des investissements que l’OMC avait secrètement concocté en 1998 – et correspond au chapitre 11 de l’ALENA. En effet on peut y lire que les investisseurs privés pourront porter plainte contre les Etats s’ils estiment que ceux-ci mènent une politique contraire à leurs intérêts, même si celle-ci est menée en faveur du bien public et de l’environnement. Les investisseurs privés pourront demander aux gouvernements des compensations pour les dommages subis en cas de guerre, de révolution où de troubles civils. Ainsi les gouvernements auront intérêt à interdire les mouvements sociaux s’ils ne veulent pas payer les pots cassés. Ceci n’est pas seulement une hypothèse puisque depuis 1994, date de mise en place de l’ALENA, les gouvernements canadien, mexicain et californien ont déjà été condamnés à verser des indemnités à des sociétés privées.
On peut y voir aussi la prohibition des contrôles de capitaux et l’interdiction aux Etats de fixer des critères de performance aux investisseurs. En somme, la liberté totale pour le patronat et les boursicoteurs.
Face à la mondialisation capitaliste : la mondialisation des luttes
Plus de 50.000 personnes, syndicalistes, écologistes, militants anti-mondialisation capitaliste, se sont rassemblés pour dire haut et fort leur refus de la ZLEA. Les chefs d’Etat , quant à eux, étaient enfermés dans leur zone sécurisée : un mur de béton et de grillage – « le Mur de la Honte » – avait été installé afin que les manifestants ne puissent pas venir perturber les négociations. Les organisateurs des manifestations et du contre-sommet ont refusé le face à face avec la police. Seuls les plus radicaux, de jeunes militants, se sont dirigés vers le sommet et ont tenté de passer le mur. De violents affrontements ont eu lieu durant trois jours et des centaines de militants ont été arrêtés.
Mais après Seattle, Prague et Nice, les manifestants à Québec ont montré que la lutte contre la mondialisation capitaliste ne faiblit pas. Et que seule la lutte paye : la Banque mondiale annule sa rencontre à Barcelone en raison de la mobilisation anti-mondialisation. Ces manifestations montrent aussi que la résistance au capitalisme renaît et qu’un autre monde débarrassé de l’exploitation est possible à construire ensemble.
Par Yann Venier