Que permettrait un parti de masse des travailleurs dans le mouvement actuel sur les retraites ?

Alors que des millions de travailleurs sont en grève, paradoxalement, le niveau d’organisation de la classe ouvrière n’a jamais été aussi faible. Les travailleurs n’ont plus de parti aujourd’hui qui les représente et leur permette de s’organiser en tant que classe pour lutter contre le capitalisme.

Comment s’organiser et renforcer le mouvement ouvrier ?

Dans ce mouvement, avant le 7 puis le 11 février, les confédérations syndicales n’ont pas réellement proposé de plan de lutte (il fallait attendre le jour de la grève pour connaître la prochaine date). Le rythme soutenu et l’unité ont permis à une partie importante des travailleurs et des jeunes d’entrer en action. Ce qui a contraint les directions à appeler au 7 mars et à hausser le ton.

Mais dans beaucoup d’entreprises, les syndicats n’existent pas. Et là où ils existent, quelle que soit l’étiquette, ils sont bien souvent englués dans les discussions/négociations avec les directions et ont des difficultés à faire le travail de mobilisation sur les retraites ou autre chose.

Souvent, des groupes de travailleur-ses sont venus spontanément seuls aux manifs, sans avoir reçu d’appel à la grève pour les journées d’actions. Et il y a eu très peu de secteurs où des Assemblées générales sont tenues pour discuter des revendications et élargir le mouvement sur les salaires. Ceci n’est pas la faute des syndicalistes en général mais une partie des traditions d’organisation des luttes n’a pas été transmise.

Fort heureusement la situation peut faire changer les choses. Les nouvelles adhésions en janvier février de milliers de travailleur-ses peuvent revitaliser l’outil de base d’organisation et de lutte que sont les syndicats. Il faut stimuler l’auto-organisation et la formation des syndicalistes et ne pas craindre de discuter des enjeux de la lutte, de pourquoi et comment mobiliser notre classe.

Pour l’unité des travailleur- es et de leurs organisations !

Cortège France Insoumise à Montélimar le 16 février

Du côté des partis politiques, c’est aussi faible. De nombreux militants de gauche sont actifs dans la construction de la grève pour sa réussite. Des initiatives sont prises : caisse de grèves, rassemblements de soutien. Mais il ne s’agit pas simplement de soutenir la grève. Le rôle des militant‑es d’un parti de masse des travailleurs serait tout autre chose, celui de montrer le potentiel politique de la lutte, de pouvoir élever le niveau de conscience politique général dans la classe ouvrière, d’unifier et que ses membres investis dans les syndicats fassent le boulot militant.

Au niveau national, une division entre les partis et syndicats est entretenue. Mais dans beaucoup de petites villes, les militants syndicaux et politiques sont souvent les mêmes, ou du travail commun est fait. Et les travailleurs qui se syndiquent aujourd’hui, en pleine lutte, font clairement un acte politique. Le fait que la LFI ait appelé au 21 janvier quand il n’y avait pas encore de date des syndicats a été une bonne chose et n’a été en rien concurrent. Prendre l’initiative ne consiste pas à donner arbitrairement des ordres, mais à s’adapter le plus possible à la situation, et à formuler des propositions en direction de tous les couches de travailleurs, les jeunes, les retraités…

Avoir un programme pour faire avancer la lutte

La forte unité actuelle, syndicale et politique, repose sur un seul point d’accord : l’opposition à la retraite à 64 ans. Mais la situation ouverte par les grèves massives sur les retraites va bien au-delà : salaires, conditions de vie, volonté de dégager Macron. Tôt ou tard ces questions arriveront sur la table, si le mouvement se généralise et davantage encore s’il prend la forme d’une grève générale. Cela pose la question du pouvoir… Il faut s’y préparer et avoir des propositions pour que la lutte se poursuive même si l’unité n’est plus complète.

Le rôle d’un parti de masse des travailleurs consiste à proposer un programme pour que les travailleur-ses puissent se lancer dans la bataille. Et à tracer la perspective pour se débarasser du capitalisme. Le programme pour être réellement anticapitaliste doit être socialiste. Le combat pour une société où les principaux secteurs de l’économie seront sous le contrôle des travailleur-ses pour planifier et répondre aux besoins de tous est essentiel. Pas pour un futur lointain mais pour être armé aujourd’hui dans les batailles contre le Capital.

Par Matthias, article paru dans l’Egalité n°215