Pour une véritable réduction du temps de travail

Après maintes tergiversations, et un premier assouplissement de loi concernant les heures supplémentaires en 2003, le gouvernement a finalement décidé de s’attaquer de front au temps de travail. Dans le même temps, la Commission européenne est elle-même en train de réviser la notion du temps de travail afin que seul le temps de travail effectif soit pris en compte !

Article paru dans l’Egalité n°112

Il n’est pas besoin de revenir longuement sur l’hypocrisie de cette loi inique. Mais il est clair, que sous couvert d’une plus grande liberté pour chacun de gérer son temps de travail, elle aboutira nécessairement pour tous à l’augmentation du temps de travail. La loi dit en effet que les travailleurs qui le souhaitent pourront faire jusqu’à 220 heures supplémentaires par mois. Mais chacun sait que dans les entreprises le rapport de forces entre un patron et un de ses salariés pris individuellement est nécessairement en faveur du patron qui par conséquent aura tout le loisir de lui imposer des heures supplémentaires en fonction uniquement des besoins de l’entreprise. Depuis quelques mois maintenant, le patronat réussit à imposer une hausse du temps de travail sans augmentation de salaire dans certaines entreprises sous la menace de délocalisation. Il est clair que ce que les patrons réussissent à imposer à l’ensemble des salariés d’un site, ils réussiront à l’imposer à un salarié pris isolément. Le temps de travail n’est pas une chose anodine tant du point vue économique que du point de vue de la vie des travailleurs. C’est la classe ouvrière qui par son travail accroît la valeur des marchandises (matières premières) que le patron met à sa disposition. En définitive, pour un salaire égal, plus le temps de travail est important plus les profits du patronat seront importants s’il arrive à vendre ses nouvelles marchandises. Donc la volonté du patronat est de nous faire toujours travailler plus (ou plus rapidement – hausse de la productivité) pour le même salaire. Pour cela, le patronat peut augmenter la valeur nominative du temps de travail (hausse du temps de travail), l’organiser différemment (flexibilité, annualisation) pour que le travail effectif ne se fasse que lorsque le patron en a réellement besoin, ou encore en changer la définition en supprimant du temps de travail les temps de pause, les temps de garde « inactive » dans le milieu hospitalier, les temps d’attente par exemple pour les routiers.

Loi Aubry : réduction à froid

L’histoire de la lutte des classes durant le 19ème et le 20ème siècle montre que toutes les véritables réductions du temps de travail ont toujours été obtenues par l’établissement d’un rapport de forces en faveur des travailleurs, comme en 1936. En 1997, le gouvernement socialiste a imposé à froid une réduction : les lois Aubry imposaient effectivement une réduction du temps de travail négociée branche par branche, entreprise par entreprise, donc sans possibilité d’établir un rapport de forces à l’échelle de l’ensemble des travailleurs. De plus, cette réduction se faisait sans embauche obligatoire à hauteur de la baisse. Ce qui revient à demander à chaque travailleur de produire dans un temps moindre le même travail qu’auparavant : c’est simplement une hausse de la productivité. Et en contrepartie les salariés devaient accepter une plus grande flexibilité, l’annualisation du travail et un gel des salaires. Il ne suffisait plus qu’au gouvernement Raffarin de supprimer la réduction du temps de travail, pour qu’il ne reste plus de ces lois Aubry que la hausse de la productivité, une plus grande flexibilité, annualisation et une perte de pouvoir d’achat !

Pour une véritable réduction du temps de travail !

Dans un contexte d’attaques généralisées de la part du patronat et du gouvernement à son service, et de dégradation continuelle des conditions de vie, la nouvelle loi sur le temps de travail a été un véritable détonateur pour la colère que les travailleurs emmagasinaient depuis trop longtemps. Le gouvernement a voulu jouer avec les allumettes, il n’aura réussi qu’à mettre le feu aux poudres de la lutte des classes. Les travailleurs ont bien compris les dangers de cette loi d’augmentation du temps de travail. Mais faut-il comme le PS descendre dans la rue pour défendre les lois Aubry ? Certes non ! Nous devons imposer une toute autre réduction du temps de travail : l’échelle mobile des heures de travail. C’est-à-dire le partage du travail existant dans la société entre tous les travailleurs sans baisse de salaire, sans flexibilité ou hausse d’intensité de travail. Cette répartition solidaire du travail disponible entre tous, qui définit le nombre d’heures travaillées par semaine, est en outre le seul moyen d’en finir avec le chômage. Il est clair, que les patrons et leurs valets politiques tenteront de démontrer que cela est impossible pour la « santé » des entreprises. Les patrons tentent toujours de faire porter sur les travailleurs le poids de la crise de leur propre système économique. Cela ne nous regarde pas. Ils ne peuvent pas subvenir aux besoins de l’ensemble de la société ? Nous saurons bien faire tourner les machines et les services sans eux, nous le faisons déjà quotidiennement, et ce sera pour la satisfaction des besoins de tous !

Par Yann Venier