Constitution européenne : c’est mal parti pour Chirac et la direction du PS

Chirac a fait accélérer la procédure pour que puisse se tenir le référendum sur la constitution européenne. Le Parlement (Sénat et Assemblée nationale), réuni le 28 février, adopte les modifications constitutionnelles nécessaires et le référendum se tiendra au plus tard fin mai. La grande crainte de Chirac, c’est que le référendum reflète le mécontentement actuel et que le Non l’emporte.

Article paru dans l’Egalité n°112

C’est le vote du 02 février au Comité confédéral national (Ccn) de la CGT, qui est son organe dirigeant entre deux congrès, qui a fait accélérer les choses. Mais il y a également les nouveaux remous autour de la directive Bolkenstein et la progression du Non dans les sondages…

Une constitution qui aggrave l’offensive néolibérale

La prétendue « construction » européenne est en fait la coordination des politiques ultralibérales à l’échelle européenne. L’Union européenne, via les traités comme celui de Maastricht ou les accords comme ceux de Schengen, a permis d’organiser les attaques contre les travailleurs, les services publics etc. à l’échelle européenne.

Il s’agit de construire un espace politique et économique soumis à des règles similaires de manière à faciliter l’exploitation des travailleurs. Il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais, de projet social européen au sens où les travailleurs pourraient le revendiquer par l’extension des meilleurs acquis de chaque pays à tous les autres. Si nous devons toujours revendiquer cela, c’est néanmoins sans répandre l’illusion que nous pourrions contraindre l’Union européenne à le faire. Les capitalistes préféreront que leur pays rompe avec l’UE plutôt que de se faire imposer une législation qui comporterait les meilleurs acquis de chaque pays.

En ce sens, la position prise par Fabius et d’autres est une imposture : leur non à la constitution repose sur l’argument d’une nouvelle négociation, laquelle ne peut amener qu’à des formulations différentes mais en aucun cas à une rupture avec le projet initial qu’est l’UE.

Sur quelles bases appeler au NON ?

L’UE est aussi une tentative des capitalistes européens de conserver la main mise sur ce processus pour ne pas se retrouver directement en concurrence avec les capitalistes non européens. A chaque fois, ce sont les travailleurs, les jeunes, les populations défavorisées qui en ont subi les conséquences. Mais pour que de telles politiques soient effectivement mises en place, il a bien fallu des gouvernements pour le faire. Dans un récent article de l’Humanité, journal du PCF, on pouvait lire que Fillon, pour sa réforme de l’Education, prenait ses ordres au Conseil européen (instance dirigeante de l’UE). Et de citer notamment la réunion de Lisbonne en 2000 qui parlait “d’économie de la connaissance la plus compétitive”. Et ce que l’Humanité ne rappelle pas, c’est qu’à cette époque, le PCF participait au gouvernement qui signait déjà les plans de l’UE (sur l’Education, mais aussi la Poste, les retraites, l’Energie, les transports…).

La décision du Ccn de la CGT montre dans quel sens il serait possible d’aller aujourd’hui. « La CGT se prononce contre la construction européenne actuelle marquée par un assujettissement des droits sociaux aux logiques de la rentabilité », « le Ccn se prononce pour le rejet de ce traité constitutionnel ». Adopté par 81 voix pour et 18 voix contre, cette phrase permet à la campagne pour le “Non” d’avoir un contenu nettement plus social au lieu d’être dominé par les arguments nationalistes. C’est le lien qui peut être fait entre la campagne pour le Non et les revendications contre les privatisations, la précarisation de l’emploi, la destruction du droit du travail. C’est aussi la réaffirmation qu’il n’y a pas le social d’un coté, et le politique de l’autre : une politique est en faveur des patrons et des grands actionnaires, ou en faveur des travailleurs et des populations.

Un Non à la constitution, pour une Europe socialiste

La campagne pour le Non n’a de sens que si elle se fait le relais des luttes et des revendications des travailleurs : nous sommes pour une Europe sociale et démocratique mais seule une Europe réellement socialiste le permettra. A côté de l’agitation sur le traité en lui même (lequel comporte une série d’attaques importantes comme l’interdiction des monopoles de service public etc.), il y a par exemple la directive Bolkenstein dont la mise en place a été repoussée. Cette directive permettrait que la législation sociale du pays d’origine s’applique dans les filiales des multinationales. Ainsi, des salariés d’une entreprise Nord américaine pourraient se retrouver avec deux semaines de congés payés seulement (comme c’est le cas aux USA) contre cinq actuellement, et deux semaines d’arrêt maladie couvert contre six mois, sans parler des congés de maternité, du droit syndical etc. là encore, les gouvernements de gauche n’ont pas rejeté les discussions sur la directive Bolkenstein, et aujourd’hui, la Commission de l’UE n’a  » aucune intention de retirer la directive sur la libéralisation des services, dite Bolkenstein  » (Les Echos, 04/02).

Ce qui se joue autour du référendum, c’est bien l’opposition à l’UE comme arme pour les capitalistes d’Europe. Au contraire des nationalistes, qui craignent surtout de ne pas tenir la concurrence mais sont pour continuer à exploiter les travailleurs et au contraire du Non de « gauche » qui ne remet nullement en cause le capitalisme, seulement le « système libéral ». De plus, nombre de ses signataires ont participé de près ou de loin aux politiques des derniers gouvernements Jospin, et ils ne remettent absolument pas en cause ce qu’ils ont fait à cette époque.

Le plus important reste la victoire du Non, car ce sera une défaite pour les classes dirigeantes d’Europe. Mais notre Non à la constitution est un Oui à une Europe socialiste et démocratique, où l’économie sera organisée par les travailleurs eux-mêmes, pour la satisfaction des besoins de tous. Cela signifiera le renversement de cette Europe là, et cela veut dire dès aujourd’hui de favoriser les solidarités internationales entre les jeunes, les travailleurs. C’est ce à quoi travaillent toutes les sections du Comité pour une internationale ouvrière.

Par Alexandre Rouillard