Planification socialiste et démocratie

La planification capitaliste actuelle est développée à un niveau très élevé à l’échelle mondiale. Dans les grandes entreprises capitalistes, on sait déjà depuis longtemps quelle partie d’une boite de vitesse doit être montée dans quelle voiture et quand. Même des secteurs de l’économie sont déjà partiellement organisés en vue de la livraison des matières premières.

Article paru dans l’Egalité n°96

Seulement, sur le plan national et international, il n y a pas du tout de planification effective. C’est une illusion de dire qu’à ce niveau le marché fonctionne par une libre concurrence. C’est une jungle, mais dans cette jungle les plus forts font des accords mutuels. Sur la division (temporaire) des marchés, sur les prix et pour garder à la porte les nouveaux arrivants. Mais la planification dans le capitalisme ne s’effectue que sur des branches ou des détails.

La planification capitaliste n’est pas dirigée vers la satisfaction des besoins humains et se réalise sans consulter la population. Il est évident qu’on ne produit pas en fonction des besoins de la population. Mais le but de la production n’est pas non plus de la faire contrôler par les gens. Le capitalisme agit uniquement pour le profit et pour l’élargissement de ce profit l’année suivante.

Avant, le capitaliste faisait la planification lui-même. C’était la période dans laquelle le propriétaire était encore lui-même présent comme patron sur le lieu de travail. Sa planification était dans la plupart des cas quelque chose comme : « comme l’année précédente, mais un peu plus. »

Ces temps « romantiques » du capitalisme sont déjà depuis longtemps dépassés. La planification capitaliste est faite maintenant par des travailleurs dans les bureaux, derrière des écrans d’ordinateurs. Cette partie de la planification n’est plus faite par des capitalistes depuis longtemps. La planification capitaliste est dans les cerveaux d’une partie de la classe ouvrière.

Le fait que la production dans le capitalisme est déjà « dans les mains » de la classe ouvrière et que les méthodes de planification à grande échelle qui sont introduites dans le capitalisme sont « dans les têtes » des travailleurs, lrend plus facile de prendre en mains réellement la production.
Politiquement la « prise en mains » de la production est néanmoins un très grand pas révolutionnaire. Il est clair que les propriétaires actuels des moyens de production ne vont pas seulement utiliser la propagande et la politique, mais aussi si nécessaire la violence afin de garder le pouvoir par le biais des moyens de production. S’approprier de la production au bénéfice de la planification socialiste, organisée de façon démocratique est la plus grande question pour le mouvement ouvrier.

Socialisme contre Stalinisme

Le socialisme présuppose la planification afin d’harmoniser la production en fonction des besoins. Pour cela il est nécessaire de pouvoir estimer les besoins. Avec la technologie informatique actuelle, cela devrait être relativement simple. Mais peut être autant que la technologie, la participation et la gestion par les travailleurs, en d’autres mots la démocratie ouvrière, est absolument nécessaire dans une économie planifiée.

Seuls les travailleurs, producteurs et consommateurs à la fois, sont capables d’estimer quels produits sont superflus ou d’assez bonne qualité. Pour une économie planifiée‚ la démocratie ouvrière est aussi indispensable que l’oxygène pour un homme.

La caricature stalinienne du socialisme essayait d’occulter ce handicap par un bureau de planification central. La bureaucratie prenait la place de la démocratie ouvrière. Dans une économie relativement simple la méthode bureaucratique de planification est encore faisable. Dans une économie moderne dans laquelle des centaines de milliers de produits sont concernés, cela est impossible. Dans ce cas, la bureaucratie, qui est un frein relatif sur le développement de la société dans une économie simple, devient un frein absolu.

L’incapacité d’organiser une planification démocratique de la production est devenue fatale pour l’Union Soviétique dans les années 80. Dans les années précédentes, l’économie était encore capable de croître malgré ce manque de démocratie ouvrière. Pour les marxistes,l’économie planifiée dans l’Union Soviétique était une progression énorme par rapport à l’économie capitaliste faible de la Russie impériale. Néanmoins des marxistes se sont opposés dès les années 20 contre ce manque de démocratie ouvrière. La planification stalinienne n’est pas une aspiration des socialistes authentiques aujourd’hui.

Comment prend-on des décisions ?

Dans une société socialiste nous pouvons utiliser la nouvelle technologie, les ordinateurs et les systèmes de communication afin de savoir quelles matières premières et quels moyens de productions sont disponibles et ce qui est nécessaire en produits et services.

La technologie moderne est aussi d’une importance vitale d’une autre manière. Dans toutes les structures, il faut impliquer les gens dans les décisions. Elles marcheraient si seulement les gens avaient assez de temps pour y participer. Avec la technologie moderne et l’emploi des chômeurs actuels, nous serions capables de diminuer le temps de travail pour tout le monde. Cela donnera à chacun le temps de participer dans le processus décisionnel et la gestion de la société.

Une grande partie des décisions seront prises par des représentants élus qui représentent des groupes de gens dans les quartiers, les entreprises. Aujourd’hui, les parlementaires ont un style de vie totalement différent de celui de la grande majorité de la population. Mais sous le socialisme, ces gens auront le même revenu et les mêmes modes de vie que les gens qu’ils représentent. Ils seront aussi être révocables. Cela veut dire qu’ils devront se justifier à chaque moment et qu’ils seront remplacés si les gens qui les ont élus ne sont pas satisfaits des décisions prises.

Par les nouvelles technologies, il est aussi possible de consulter de grands groupes de la population. Le processus décisionnel quotidien dans les entreprises et les institutions sera aux mains des conseils ouvriers pour telle entreprise, tel secteur de l’industrie ou des services.

Est-ce que nous voulons encore travailler ?

Certains disent que l’homme est de caractère paresseux et qu’il n’a pas envie de travailler s’il n’y a pas l’encouragement personnel, à savoir la concurrence et/ou la compétition. Comme si aujourd’hui nous étions tous propriétaires terriens ou patrons d’atelier. Au contraire, la majorité d’entre nous n’a justement rien. Nous faisons notre travail non pas parce que nous sommes stimulés à le faire en en obtenant complètement le fruit. Nous le faisons parce que nous sommes forcés de le faire afin d’avoir un revenu. Dans un système socialiste, chacun travaillera pour la richesse collective et l’isolement individuel sur une tâche sera combattu par l’engagement du travailleur dans la production complète.

Un préjugé tenace est que le socialisme corroderait la « liberté ». Nous pensons que c’est l’inverse. Aujourd’hui, seuls ceux qui en ont les moyens financiers peuvent se présenter comme libres.
Néanmoins, laissons nous rassurer le « petit commerçant » : nous ne voulons pas nationaliser chaque pâtisserie. Nous sommes contre l’exploitation, pour la nationalisation des secteurs clés de l’économie, contre la propriété privée des moyens de production, mais pas pour la « socialisation » des biens durables de chacun.

Un système socialiste ne doit pas utiliser la force, sauf vis-à-vis d’une poignée exploiteurs incorrigibles. La limitation de la liberté, l’exploitation et le caractère pénible et aliénant du travail, ne sont pas des caractéristiques du socialisme, mais du capitalisme.
Aujourd’hui la classe ouvrière est confrontée à la pauvreté et à la misère à une très grande échelle. Le CIO pense que la classe ouvrière ne peut résoudre ces problèmes que par l’organisation de la société sur des bases socialistes. Notre Internationale est dans les premiers rangs pour cette lutte.

Par Pieter Brans, Offensief (section sœur de la Gauche Révolutionnaire aux Pays-Bas)