La trahison des organisations traditionnelles de la classe ouvrière a laissé cette dernière sans arme politique efficace qui lui permettrait d’étendre et d’unifier ses luttes mais aussi de se percevoir en tant que classe capable de l’emporter sur ses ennemis. C’est ce vide politique qui fait apparaître récemment des nouvelles formations comme le P-Sol au Brésil ou WASG en Allemagne. Quelles sont les conditions d’émergence d’un nouveau parti ?
Article paru dans l’Egalité n°111
Un tel parti, pour être un véritable outil politique, doit pouvoir se lier à la classe ouvrière et aux masses. Or c’est lors de luttes massives, que les jeunes et les travailleurs regardent les armes qu’ils ont dans leurs mains et s’interrogent sur les perspectives concrètes d’organisation et de développement des luttes. C’est à ce moment qu’il est nécessaire de les appeler à créer un nouvel outil politique anticapitaliste et indépendant de la bourgeoisie. C’est ce qu’ont refusé de faire la LCR et LO à plusieurs reprises en France alors que la situation était plus que favorable pour l’émergence d’un nouveau parti. Elles n’ont pas donné aux travailleurs et aux jeunes le moyen pour un rapport de forces en leur faveur. Elles ont encore moins posé de manière concrète la question de l’alternative au système comme une perspective à la lutte. Récemment,le bureau politique de la LCR vient de souligner la nécessité de construire une nouvelle force. Mais d’une part ceci n’est associé à aucune initiative concrète pour les luttes alors que les attaques pleuvent, d’autre part il n’est fait nulle part mention de l’alternative à apporter au capitalisme : le socialisme.
L’exemple du P-Sol au Brésil
Nos camarades de Socialismo Revolucionario, section brésilienne du CIO, ont participé dès ses premières bases à la création d’un nouveau parti : le P-Sol (Parti du socialisme et de la liberté). Celle-ci s’est effectuée en réponse à la confirmation du tournant droitier du PT et à l’exclusion de dirigeants de gauche. Mais elle se pose surtout à un moment où la rancœur et la désillusion par rapport au gouvernement Lula se manifeste de manière croissante par des luttes d’ampleur. Le P-Sol n’est donc pas seulement une réunion de quelques forces de gauche. Par exemple, sur les 438000 signatures à obtenir pour assurer la légalisation du parti, 370000 étaient déjà obtenues début novembre 2004. Le programme du P-Sol appelle à contrer l’impérialisme et renverser le capitalisme. Il présente la perspective et la stratégie socialiste comme un aspect fondamental du nouveau parti à construire.
Mais adopter de tels principes est une chose, être capable de les mettre en pratique, de les faire comprendre par les travailleurs pour qu’ils se les approprient en est une autre. Ce nouveau parti doit donc être également un espace de débat, d’échange d’expériences et de formation politique. C’est pour cela que nous défendons un mode de fonctionnement souple et ouvert, permettant aux simples membres, aux courants organisés de défendre leurs positions, d’intégrer les organismes du parti, de se constituer en plateformes. Cela permet aux membres de ce parti et aux nouvelles couches de travailleurs et de jeunes qui intègrent le combat politique, de participer à la confrontation des idées, et de se réapproprier peu à peu les idées marxistes.
Quel programme ?
La tache d’un révolutionnaire est bien sûr de se battre contre l’illusion du réformisme et de convaincre chaque jeune et chaque travailleur de la validité et de la nécessité absolue du programme socialiste.
Mais il ne faut pas pour autant adopter une position sectaire et exiger de façon mécanique comme préalable que le nouveau parti soit révolutionnaire. Cela ne veut pas dire que le parti des travailleurs soit une étape obligée avant le parti révolutionnaire. Ainsi, en France, si une grève générale était réalisée et que le mot d’ordre de gouvernement ouvrier, c’est à dire un gouvernement pour et par les travailleurs, était lancé, il est évident qu’un simple appel à un nouveau parti des travailleurs serait en deçà des capacités de la situation politique. Les bases de lancement d’un nouveau parti devraient alors être beaucoup plus claires et la question du lancement d’un parti révolutionnaire serait posée.
Le devoir de tout militant révolutionnaire peut être aussi d’investir les formes d’organisation que se donnent les travailleurs à un moment donné de la lutte des classes, même si elles ne sont pas idéales, tout en ne transigeant pas sur le programme socialiste et en n’oubliant pas le rôle historique de la classe ouvrière.
Naissance de WASG en Allemagne
C’est dans cette optique que nos camarades du SAV, la section allemande du CIO, participent à la formation de WASG. Cette nouvelle formation est bien loin d’avancer aujourd’hui un programme socialiste. Ses principaux dirigeants se réclame du réformisme et rejettent les idées socialistes développées par SAV. Ils prétendent que ceci peut faire courir un risque à WASG sur le plan électoral. Tout est dit. Néanmoins, de nombreux travailleurs souhaitent une alternative aux sociaux démocrates, et sont prêts à se battre pour cela. Des sections se créent dans les usines comme celle d’Opel-Bochum. Les abandonner aux dirigeants réformistes du WASG serait se couper d’une véritable opportunité de discuter des idées socialistes avec des milliers de travailleurs, et en fait refuser d’essayer de les gagner à la perspective révolutionnaire. Cela serait ne pas voir dans cette nouvelle forme politique les potentialités pour les révolutionnaires, aussi bien sur la surface électorale que ceci va apporter aux idées socialistes que sur la surface de contact avec les jeunes et les travailleurs qu’elle apporte. Nos camarades y interviennent donc non pas sur une base opportuniste , mais de façon sérieuse en mettant en avant, pour que WASG devienne un véritable outil politique dans les mains de la classe ouvrière, la nécessité de construire le mouvement contre l’offensive capitaliste et pour le combat pour le socialisme.
Marx et Engels le soulignent dans le manifeste du Parti communiste : » Les communistes n’ont point d’intérêts qui les séparent de l’ensemble du prolétariat. » Il faut un parti révolutionnaire pour permettre à la classe ouvrière de faire la révolution socialiste et se libérer du capitalisme. Mais il ne se décrète pas. Il ne se construira que s’il fait ses preuves, s’il est capable de répondre à l’ensemble des débats que se posent les travailleurs. Et cela ne se fera pas en donnant des leçons sur tout ce qui se passe mais en participant aux débats, voire aux expériences, qui agitent la classe ouvrière et la jeunesse.
Il s’agit donc d’être souple dans la forme et inflexible sur notre programme. Élaborer un compromis autour d’une plateforme ne signifie pas une compromission ou de l’opportunisme si on n’abandonne pas le programme révolutionnaire. Loin de chercher à se dissoudre dans les nouveaux partis en cours de création, ou d’en faire une coquille vide de recrutement, nos camarades continuent à construire leur propre organisation tout en cherchant à convaincre les jeunes et les travailleurs qui veulent adhérer au nouveau parti à le faire sur leurs bases programmatiques : un parti pour la révolution socialiste mondiale.
Par Geneviève Favre