Pour ceux qui n’auraient pas remarqué depuis deux ans et demi tout le bien que nous veulent le Président et son Premier Ministre, examinons la dernière étude de l’OFCE et épluchons les déclarations faites aux « forces vives » réunies à l’Elysée le 4 janvier. L’Observatoire français des conjonctures économiques n’est pas un cénacle de gauchistes. Si certains de ses membres ont quelques sympathies alter mondialistes, son Conseil scientifique comporte quelques réactionnaires notoires comme l’universitaire J.C. Casanova, le technocrate J.M. Charpin ou l’assureur Denis Kessler, ancien n° 2 du MEDEF.
Article paru dans l’Egalité n°111
» Réformes sociales «
Ces braves gens ont chiffré l’impact sur les ménages et sur les entreprises des « réformes sociales » prévues en 2005. Vous serez heureux d’apprendre que ces réformes vont nous coûter 3,4 milliards d’euros tandis qu’elles prélèveront 1,9 milliards aux entreprises.
Il y a des impôts qui vont baisser (droits de succession, « prime pour l’emploi », etc., soit 855 millions d’euros pour les particuliers, du moins certains particuliers, et 750 millions pour les entreprises). Il y en a d’autres qui vont augmenter (les impôts locaux, grâce à la décentralisation, et ceux-là, tout le monde ou presque les paye et va les voir grimper). Il y a les cotisations sociales qui vont augmenter (2,21 milliards de hausse de la CSG, qui frappe principalement les salaires et les retraites), et 1,65 milliards d’euro de cotisations « patronales » en moins, ce que les mauvaises langues appellent les « cadeaux patronaux ».
A noter que les auteurs de l’étude ne s’indignent pas du curieux résultat chiffré de ces « réformes sociales ». Chirac, Raffarin et Gaymard, le nouveau locataire de Bercy, non plus. Il ne s’agit pas d’un dommage collatéral imprévu. Tout cela est voulu, choisi délibérément par une majorité au service exclusif de la bourgeoisie et du patronat.
Vive les forces vives !
Oui, mais, dans son discours du 4 janvier, Chirac n’a-t-il pas annoncé de bonnes nouvelles ? Et le lendemain, n’a-t-il pas affiché d’excellentes intentions en matière de politique industrielle ? Diminuer les impôts, augmenter le SMIC de 5%, parvenir à l’égalité homme-femme d’ici 5 ans, développer les emplois de service à la personne, taxer la spéculation, réformer le crédit, permettre aux consommateurs de se grouper contre des pratiques abusives, augmenter la prime à l’emploi, encourager l’industrie comme au temps où ont été lancés les paquebots France et les programmes Airbus ou Ariane, que trouver à redire à tout cela ?
Il était déjà prévu de réunifier les différents SMIC. Chirac oublie simplement de préciser que seuls les SMIC les plus bas seront augmentés de 5%. La loi dit depuis longtemps « à travail égal, salaire égal ». Chirac est président depuis près de 10 ans et a déjà promis plusieurs fois l’égalité salariale entre hommes et femmes sans que les écarts se réduisent sensiblement, notamment dans le privé où ils sont les plus importants.
Après la canicule meurtrière de 2003, on a beaucoup parlé des emplois d’aide à la personne qui permettraient aux personnes isolées de ne pas être abandonnées de tous. Ce qu’annonce Chirac, c’est que ces jobs, comme tous les autres payés au SMIC seront partiellement ou totalement exemptés de « charges patronales ». Que cela facilite la création d’un certain nombre d’emploi, c’est possible. Que cela soit une aubaine pour de très nombreux patrons et que cela incite à maintenir les salaires au niveau du SMIC, c’est certain !
Moins de spéculation et plus d’industrie ?
Réduire un peu la spéculation boursière n’est en aucun cas s’attaquer au capitalisme, tout au plus cela supprime certains de ces abus préjudiciables à la bonne marche du système.
Quant au développement du crédit hypothécaire, il s’inscrit dans une politique d’encouragement à l’accession à la propriété qui ne résoudra pas la crise du logement.
Que restera-t-il du projet de loi permettant aux associations d’agir en justice contre les fabricants ou des distributeurs abusifs après l’intervention des lobbies susceptibles de voir leurs profits écornés par ces procédures judiciaires ? Vu la composition du Parlement, probablement pas grand-chose…
L’augmentation de la prime pour l’emploi, ce sera pour ceux qui acceptent n’importe quel boulot où il y a pénurie de main d’œuvre parce que les conditions de travail y sont infectes.
Quant au retour de la « politique industrielle » prônée par Chirac et par Jean-Louis Beffa, le PDG de Saint-Gobain pour booster la croissance et créer des emploi, elle évoque les « 30 Glorieuses » mais dans un contexte tout différent. Il ne s’agit plus de colbertisme et de planification, même « souple », mais d’une Agence de l’innovation industrielle qui arrosera les entreprises avec de l’argent provenant des privatisations.
Laissons la conclusion à un expert : pour Ernest-Antoine Seillière, le discours du chef de l’Etat est « la prise en considération des problèmes que le MEDEF porte avec vigueur ».
Par Jacques Capet