Alors que partout dans le monde l’adhésion à une religion est en recul, il y a une plus grande visibilité qui est donnée aux courants ultra conservateurs et réactionnaires. Cela n’est sans doute pas une coïncidence. Certains politiques en particulier, pour cacher leur absence de programme politique face à la crise du capitalisme, dévoient le débat sur des questions «identitaires» en particulier contre l’Islam. Article publié dans l’Egalité numéro 180
Ils utilisent le contexte d’attaques terroristes menées par Daesh et d’autres groupes violents tels Boko Haram ou au nom de tels groupes en Europe pour mener ce qui s’apparente à de véritables campagnes racistes contre les musulmans. On a entendu des gens comme Sarkozy revendiquer les racines chrétiennes de la France, ou parler de la prétendue non-conformité de l’Islam avec les valeurs de la République. Presque amusant quand on sait que la principale opposition à l’instauration d’une République est venue de l’Église catholique…Et il y a aussi les positions sexistes et homophobes des participants de «La Manif Pour Tous». Tout cela alors, qu’en France 51 % des gens ne se revendiquent d’aucune religion.
Croire ou ne pas croire, là n’est pas la question
La liberté de conscience est pour nous un droit fondamental. Avoir la foi ou pas doit rester du domaine privé, et personne ne devrait avoir à se justifier à ce propos, ni subir des discriminations à cause de cela.
Par contre, il y a le rôle social et politique des institutions religieuses. De ce point de vue la règle pour tous doit être une stricte séparation des Églises et de l’État. Aucun financement public ne devrait être accordé aux institutions religieuses, groupes cultuels ou écoles privées religieuses.
Les travailleurs, les jeunes, les couches populaires n’ont jamais rien à gagner à se diviser que ce soit en fonction de leurs origines, de leur sexe ou de leur religion. L’unité la plus large est indispensable dans la lutte quotidienne pour de meilleures conditions de vie et encore plus dans la lutte révolutionnaire pour une société libérée de l’exploitation et des discriminations.
L’opium du peuple ?
«La misère religieuse est, d’une part, l’expression de la misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans coeur, de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit. C’est l’opium du peuple. […] Exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c’est exiger qu’il soit renoncé à une situation qui a besoin d’illusions » (Karl Marx, dans l’introduction de Contribution à la critique de La philosophie du droit de Hegel). La phrase parlant de «l’opium du peuple» est souvent citée et rarement comprise. Elle est souvent utilisée par nos détracteurs pour pointer notre prétendue intolérance, alors que c’est tout le contraire. Ici Marx pointe justement du doigt le caractère ambivalent de la foi religieuse, qui sert pour certains à justifier les oppressions et pour d’autres à s’élever contre elles.
Le marxisme n’a pas pour adversaires les croyants. Notre tâche est de se battre concrètement contre la «situation qui a besoin d’illusions», c’est à-dire contre les sociétés de classes qui engendrent la misère. Les marxistes combattent la misère réelle et non pas sa conséquence : le «soupir», à savoir la religion, de l’homme accablé par la misère et qui espère en un monde meilleur.
Et ce combat, les marxistes le mèneront avec tous celles et ceux qui veulent lutter contre le capitalisme, croyants ou athées. Il y a eu en France des mouvements de chrétiens révolutionnaires (autour des socialistes de gauche de Marceau Pivert dans les années 30) dont le mode d’ordre était «nous sommes socialistes parce que nous sommes chrétiens… ». En Amérique Latine, il y a eu la théologie de la libération. Aux USA, il y a eu Martin Luther King et Malcom X… C’est justement parce que, sans renier une foi qui leur tenait à coeur, ils sont entrés dans la lutte contre le capitalisme et l’exploitation, sans exiger qu’on se plie à un dogme religieux, qu’ils ont soulevé l’enthousiasme de millions de personnes. C’est exactement ce qu’il faut faire aujourd’hui.
Nous n’entrons pas dans les faux débats pour savoir si une religion est plus progressiste qu’une autre, tout comme nous ne jugeons pas les militants et les travailleurs en fonction de leur appartenance à telle ou telle religion. D’autant que certains dirigeants qui se prétendent «athée» ou «laïque» sont de fanatiques exploiteurs qui trouvent là une justification des guerres de pillage. Lénine et Marx ont bien défini cet aspect complexe et contradictoire.
Plutôt que de lutter contre la religion, luttons pour le socialisme !
Les marxistes luttent donc la plus totale liberté de conscience et contre toutes discriminations, tout en rejetant l’implication des institutions religieuses dans la vie publique. Nous défendons cependant une vision matérialiste dialectique du monde, où les conditions de vie concrètes déterminent les rapports sociaux bien réels, créant des exploiteurs/profiteurs et des exploités.
C’est face à cela qu’il est nécessaire que les opprimés luttent ensemble pour un monde meilleur ici-bas. «L’unité de cette lutte réellement révolutionnaire de la classe opprimée combattant pour se créer un paradis sur la terre nous importe plus que l’unité d’opinion des prolétaires sur le paradis du ciel.» Lénine, Socialisme et Religion.
Par Virginie Prégny