Lutte gay et lesbienne : La Gauche Plurielle donne des droits à reculons

Dès le départ, la lutte homosexuelle a été empreinte de radicalisme : en 68, le FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) rattache son combat à la grève générale et à celui pour un changement de société . La première Gay Pride commémore une semaine d’émeutes en 69 à San Francisco contre les brutalités policières.

Article paru dans l’Egalité n°88

Subissant les brimades des flics, les passages à tabac, l’humiliation à l’armée, fichés puis déportés sous Vichy, les gays n’ont pas de mal à voir la véritable nature de l’Etat. Victimes de discriminations à l’embauche, le cynisme du patronat ne leur est pas étranger. Les gays subissent en effet une double oppression de la part du capitalisme : en plus de l’exploitation de chaque travailleur, ils sont victimes, comme les immigrés, les femmes, les minorités nationales, d’une oppression spécifique. Inutiles à la reproduction de la force de travail, les gays et lesbiennes ont été traités par le système patriarcal de « fléau social » et accusés par les fascistes d’être les responsables de la « chute de la civilisation occidentale ». Les lesbiennes sont en plus victimes de l’oppression spécifique des femmes . Tout cela a contribué à l’émergence d’une conscience de classe chez les militants homos.

Mais face à ce courant radical, un autre, profondément réformiste, a cohabité, incarné en France par la très bourgeoise revue Arcadie (fondée en 1954) dont le credo pourrait se résumer à « pour vivre heureux, vivons cachés ». Ce courant, minorisé dans les 70′ et les 80′ refait surface depuis le lancement en 94 des divers projets de CUS, PACS etc … Ce courant accuse les gays et lesbiennes radicaux de « communautarisme ». Il prône la « discrétion », suivant des gens comme Finkelkraut, met au placard les revendications les plus « effrayantes » comme le droit à l’adoption et a renoncé à toucher au sacro-saint mariage, sous le prétexte pseudo progressiste que ce serait une institution réactionnaire. Cet argument est très fallacieux : il rejoint ceux d’intellectuels de « gôche » qui dénigraient la lutte des femmes pour le droit au travail en disant qu’en ne pensant qu’à leur situation matérielle, elles cautionnaient l’exploitation. Ce courant constitue actuellement la base arrière de la gauche gouvernementale.

Il convient d’abord de répondre à ce « communautarisme » dont on nous accuse : s’il est présent, ce n’est nullement un choix ; il nous a été imposé par les persécutions de la société patriarcale et bourgeoise qui a forcé les gays et lesbiennes à se cacher pour vivre leurs amours. Cette accusation se démonte de toutes façons facilement : les tentatives du FHAR de lier sa lutte à la grève générale et le soutien d’Act Up aux sans-papiers ne constituent-ils pas la meilleure façon de sortir du communautarisme ? Il est évident que le communautarisme constitue une dérive à combattre : comme le trade-unionisme et le corporatisme sont la politique de la bourgeoisie pour la classe ouvrière, le communautarisme est sa politique pour les minorités, tant sexuelles que nationales ou ethniques, qui lui permet d’isoler leur lutte et de les traiter d’associaux.

Fort heureusement, le mouvement ouvrier français est emprunt d’une forte tradition « universaliste » : c’est de celle-ci qu’il faut s’inspirer . Nous devons avancer la revendication de l’égalité des droits . La question n’est pas de savoir si le mariage est patriarcal par nature : c’est un droit et il doit donc être ouvert à tous, homos comme hétéros . En Hollande le mariage homosexuel est un droit déjà acquis, en Belgique une loi est en préparation. En France, le PACS n’accorde en réalité qu’un droit au rabais aux homosexuels. Le mouvement socialiste a toujours défendu l’amour libre : battons nous pour que cesse la favorisation injuste du mariage face au concubinage, homo ou hétéro. Battons-nous pour exiger le droit à l’adoption et à l’insémination pour tous. Il faut aussi nous battre pour chasser l’homophobie des organisations ouvrières, comme en Angleterre où le lien entre les associations gays et les syndicats (notamment pendant la grève des dockers de Liverpool) se fait beaucoup plus facilement.

A ces revendications s’ajoute depuis 20 ans l’épidémie du sida . Depuis le début de l’épidémie, 16,3 millions de personnes sont mortes et 33,6 millions de personnes vivent aujourd’hui avec le virus, soit un total de 49,9 millions de personnes infectées . 95 % de ces personnes vivent dans les pays dominés par l’impérialisme . Les gays ne représentent qu’une minorité des personnes contaminées au niveau mondial, mais 60 % dans les pays industrialisés. Cela n’empêche pas les gouvernements de les montrer comme les responsables de l’épidémie, car le SIDA est apparu dans les milieux gays avant de toucher les hétéros. Alors qu’on sait maintenant que le SIDA frappe sans distinction de sexualité, les gouvernements continuent de cibler les soins prioritairement en direction des cas de contamination « mère à enfant » alors que ce mode de contamination ne représente (en Angleterre ) que 50 nouvelles infections par an, contre 1500 pour les rapports gays. Cette politique est sous-tendue par l’idée qu’il y aurait de « bons » et de « mauvais » malades. Les inégalités sociales influent cruellement sur l’accès aux soins. Alors qu’une trithérapie coûte 50 000 francs par an ( soit trois ans de salaire d’un médecin hospitalier ivoirien), dans les pays développés, moins d’un tiers des pauvres infectés reçoivent ce traitement, qui pourrait sauver 4200 vies chaque année s’il était accessible à tous. Pendant ce temps, les compagnies pharmaceutiques font d’énormes profits : le marché mondial des trithérapies représente 3 milliards de dollars par an, que se partagent 2 grosses firmes : Glaxo-Wellcome à 38 % et Merck and Bristol-Myers à 20%, ainsi que quelques firmes secondaires. Le coût d’une trithérapie étant inaccessible aux pays dominés, il existe une disposition permettant à ces pays de vendre des trithérapies génériques, ce qui réduit le coût d’un traitement de 80 % .

Mais cette loi est sans cesse menacée par les firmes pharmaceutiques : ainsi, cette année, ces firmes ont interdit à l’Afrique du Sud de produire ses propres trithérapies. Un accès égal aux soins pour les personnes infectées par le SIDA ne pourra être obtenu que dans le cadre d’un système de recherche pharmaceutique géré démocratiquement par la population et partie prenante d’un service public de santé. Sous le capitalisme, la vie des 33 millions de personnes infectées sera toujours subordonnée aux intérêts financiers des grands groupes.

Ces revendications ne sont pas communautaristes mais défendent des droits fondamentaux que la République est censée garantir à tous (union, famille…). Pour gagner, le mouvement gay et lesbien doit s’unir aux autres « doublement oppressés » que la République bourgeoise prive des droits les plus fondamentaux : sans-papiers privés d’identité, femmes privées d’indépendance, minorités nationales privées de leur culture etc.

Par Mélanie Gras